Loi pour un Etat au service d’une société de confiance : dispositions applicables aux agents publics

La loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance publiée au Journal officiel le 11 août 2018, modifie un certain nombre de dispositions qui concernent le droit applicable aux agents publics.

Opposabilité des circulaires et des instructions ministérielles

L’article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance modifie les conditions d’abrogation des circulaires et étend le régime de leur opposabilité.

D’une part, cet article modifie et complète l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) en prévoyant que « les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n’ont pas été publiées, dans les conditions et selon les modalités fixées par décret ».

D’autre part, le même article crée un article L. 312-3 dans le code des relations entre le public et l’administration qui élargit la possibilité d’invocabilité des circulaires et instructions.

Désormais, les administrés peuvent se prévaloir d’une instruction, d’une circulaire, d’une note ou d'une réponse ministérielle qui comporte une interprétation même erronée du droit positif lorsque ce document a été publié sur un site internet désigné par décret. Cette opposabilité est néanmoins conditionnée à ce que le texte en cause s’applique à une situation qui n’affecte pas les tiers et que cette interprétation n’ait pas été modifiée.

Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 312-3 du CRPA précise les exceptions à ce principe, à savoir les dispositions légales et réglementaires préservant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.

Dispense de signature des décisions relatives à la gestion des agents publics produites par voie dématérialisée dans le cadre des systèmes d’information des ressources humaines

L’article 42 de la même loi modifie l’article L. 212 -2 du CRPA

Cet article prévoit une dispense de signature pour les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations, lorsqu’elles sont effectuées par voie dématérialisée dans le cadre des systèmes d’information des ressources humaines (SIRIH) ou de processus de dématérialisation des procédures de gestion des ressources humaines conformes aux articles 9 à 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre autorités administratives.

Des dispositions analogues sont également prévues pour les décisions administratives relatives à la gestion des fonctionnaires et agents contractuels de droit public de La Poste et des fonctionnaires et agents contractuels de droit public des établissements publics industriels et commerciaux.

Report de la déclaration sociale nominative (DSN) pour certains employeurs publics

Conformément aux dispositions du paragraphe III de l’article 13 de l’ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs, la déclaration sociale nominative (DSN) devait entrer initialement en vigueur à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les employeurs visés à l’article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, à savoir :

- les administrations, services, offices, établissements publics de l’Etat, les établissements industriels de l’Etat et l’Imprimerie nationale, pour les fonctionnaires, ainsi que les magistrats et ouvriers de l’Etat ;
- les régions, les départements et les communes ;

- les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le caractère industriel et commercial.

L’article 43 de la loi ESSOC modifie le paragraphe III de l’article 13 de l’ordonnance du 18 juin 2015 précitée en prévoyant que le passage à la DSN pourra s’effectuer en plusieurs étapes selon les employeurs et la nature des données à intégrer dans la DSN, avec une date butoir au plus tard au 1er janvier 2022. La loi prévoit également la publication d’un décret, en cours de préparation, qui précisera les modalités d’application de l’article 43.

Abrogation de l’article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit

L’article 51 de la même loi abroge l’article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit qui disposait que « lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision ».

Par une décision rendue le 23 décembre 2011 (CE, 23/12/2011, n° 335033), le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions quant à l’application de cet article en considérant qu’ « un vice affectant le déroulement d’une procédure préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que si cette irrégularité a exercé une influence sur le sens de la décision ou a privé les intéressés d’une garantie ».

Le principe ainsi énoncé par le Conseil d’Etat et appliqué à plusieurs reprises depuis a rendu sans objet les dispositions de l'article 70 de la loi n 2011-525 du 17 mai 2011 dont le champ d’application était, en outre, circonscrit aux seules irrégularités tenant à la consultation d’un organisme.

La responsabilité civile du fonctionnaire ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions

L’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires définit les modalités de la protection fonctionnelle des fonctionnaires. L’administration est tenue d’assurer la protection de ses agents lors de poursuites civiles ou pénales ou en cas d’agression dans le cadre de leurs fonctions ou de leurs mandats. Le bénéfice de cette protection ne peut toutefois être accordé si une faute personnelle détachable du service leur est imputable.

L’article 73 de la loi ESSOC complète le paragraphe II de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée afin d’y préciser que « Sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la responsabilité civile du fonctionnaire ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions ». Ces dispositions clarifient le dispositif de protection fonctionnelle dont bénéficient les fonctionnaires au titre de leur responsabilité civile devant les juridictions judiciaires et les voies de recours ouvertes aux tiers devant le juge judiciaire ou le juge administratif.

Annexe de la loi ESSOC relative à la stratégie nationale d’orientation de l’action publique

L’annexe de la loi du 10 août 2018 énonce les orientations et les objectifs de l’action publique vers une société de confiance d’ici à 2022. Par cette stratégie nationale programmatique, la mise en œuvre d’une nouvelle culture de l’action publique est recherchée au travers d’évolutions managériales, de gestion ou encore d’organisation.

Deux orientations de transformation de l’action publique sont notamment définies selon les intitulés suivants : « Vers une administration de conseil et de service » et « Vers une action publique modernisée, simplifiée, décentralisée et plus efficace.»

Les agents publics sont directement concernés par ces deux orientations qui recouvrent une vingtaine d’objectifs. Pour la mise en œuvre de la première orientation, « L’autonomie et la protection des agents publics dans leurs relations avec les usagers sont garanties ».

Pour la mise en œuvre de la deuxième orientation, « Les agents publics bénéficient régulièrement d’une formation et d’un accompagnement leur permettant de s’adapter aux évolutions des missions de l’administration ». Ces dispositions complètent celles de l’article 22 de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoit que les agents publics bénéficient d’une formation professionnelle leur permettant de s’adapter aux évolutions prévisibles des métiers.
 
Notes
puce note Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance et annexe
 
 
Dossier : Le rapport d’activité de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique 2017
Dans l’annexe de ce rapport, la HATVP formule plusieurs propositions en matière de déontologie applicables dans la fonction publique :
- sa proposition n° 6 préconise de modifier la définition du conflit d’intérêts dans la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique afin de supprimer la possibilité de conflit d’intérêts entre deux intérêts publics,
- sa proposition n° 11 consiste à créer un réseau de déontologues pour diffuser les bonnes pratiques entre les référents déontologues.
Dossier : Référé de la Cour des comptes du 22 mars 2018 « Le droit et les pratiques du statut des collaborateurs de la Ville de Paris : une cohérence à rétablir »
La Cour des comptes souligne la spécificité de la gestion des ressources humaines parisiennes dont le cadre statutaire dérogatoire serait « illisible, incohérent et d’une complexité excessive ».
La Cour formule des recommandations afin de simplifier le schéma statutaire parisien source, selon elle, de coûts supplémentaires importants, notamment au regard de la durée hebdomadaire de travail des agents. Elle propose ainsi un alignement sur les dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale en ne maintenant que les dispositions dérogatoires encore justifiées par les spécificités d’organisation de la collectivité. La Cour estime aussi qu’il est nécessaire d’établir un classement exhaustif de l’ensemble des emplois fonctionnels de direction et d’encadrement supérieur parisiens. Elle préconise la clarification du régime de nouvelle bonification indiciaire.

Ce référé a fait l'objet d'une réponse du Premier Ministre le 20 juin 2018.
Dossier : Rapport d'information de la sénatrice Catherine Di Folco du 13 juin 2018 « Sur les enjeux de l’évolution de la Fonction publique territoriale »
Dans son rapport d’information du 13 juin 2018, la Commission des lois du Sénat formule quatorze propositions afin de faire évoluer le statut de la fonction publique territoriale pour prendre en compte les réformes territoriales successives, la mutation des services publics locaux et la réduction des concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales et à leurs groupements. « Ces propositions s’articulent autour de trois axes :
- donner davantage de visibilité aux employeurs territoriaux dans le cadre d’un dialogue social rénové ;
- allouer de nouveaux moyens d’actions aux employeurs territoriaux ;
- garantir les droits des agents territoriaux et diversifier leurs modes de recrutement.
»
Dossier : Etude de l'assemblée générale plénière du Conseil d'Etat du 26 avril 2018 « La prise en compte du risque dans la décision publique : pour une action publique plus audacieuse »
Dossier : Le rapport annuel de l'observatoire de la laïcité, année 2017-2018 à consulter sur le site gouvernement.fr.
Le 15 mai 2018 a été publié le rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité qui aborde, notamment, le principe de laïcité et l’obligation de neutralité dans les services publics ainsi que leurs implications dans l’exercice quotidien des fonctions des agents publics.
Ce rapport détaille les propositions retenues à la suite de la commission Laïcité et Fonction publique et les actions engagées en 2017 par le ministère de l’action et des comptes publics afin de développer la culture de la laïcité dans la fonction publique telle que l’adoption de la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique (Vigie n° 90-Avril 2017).
 
Les Informations administratives juridiques (IAJ), n°3 (mars 2018) : « L’entrée en vigueur de la prescription de l’action disciplinaire », (CE, 30 décembre 2017, n° 403046), p. 22 à 25.
L' article analyse une récente jurisprudence du Conseil d'Etat relative au point de départ du délai de prescription en matière disciplinaire.
Le code des relations entre le public et l’administration (ci-après CRPA) (ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration) a procédé à la codification des règles du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux. Cette codification intervenue, pour une large part à droit constant, a été également l'occasion de « simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes unilatéraux de l’administration dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique », ainsi que le prévoyait l'article 3 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
 
Un Titre IV est ainsi consacré à « la sortie de vigueur des actes administratifs » au sein du Livre II relatif aux « actes unilatéraux pris par l’administration » du CRPA. Ces nouvelles règles de sortie de vigueur des actes administratifs  posent un cadre simplifié se substituant aux dispositions textuelles et/ou règles jurisprudentielles jusqu’ici applicables, dont le champ d’application n’était pas identique. Elles ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales.
 
Ces dispositions sont entrées en vigueur, en ce qu'elles régissent l'abrogation des actes administratifs unilatéraux, le 1er juin 2016.
 
Elles s'appliquent au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016 (article 9 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration).

Définition du retrait et de l’abrogation

Aux termes de l’article L. 240-1 du CRPA, l’abrogation d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir », tandis que le retrait d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Régime du retrait et de l’abrogation

Il convient de distinguer les règles applicables aux décisions créatrices de droits (Chapitre II du Titre IV du Livre II du CRPA) de celles relatives aux actes règlementaires et aux actes non réglementaires non créateurs de droits (Chapitre III du Titre IV du Livre II du CRPA).

 
  • Le retrait des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits ne peut intervenir qu’en raison de leur illégalité et ceci, dans un délai maximal de quatre mois à compter de leur édiction (L. 243-3 du CRPA). Cependant, une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée (L. 243-4 du CRPA).
 
  • L’abrogation des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits  :

- est possible à tout moment, en vertu du principe de mutabilité (L. 243-1 du CRPA), sous réserve le cas échéant de l’édiction de mesures transitoires (L. 221-5 du CRPA : en vertu du principe de sécurité juridique tel que défini par le Conseil d’État dans ses décisions d’assemblée, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et de section 13 décembre 2006, n° 287845 Mme Lacroix); 

- devient obligatoire lorsque cet acte est illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droits ou de faits  intervenus postérieurement à son édiction, (L. 243-2 du CRPA consacrant les jurisprudences du Conseil d’État du  3 février 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, en ce qui concerne les actes réglementaires et du 30 novembre 1990, n° 103889, Association Les Verts, en ce qui concerne les actes non règlementaires non créateurs de droits).

Enfin, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment (L. 241-2 du CRPA).

Informations légales | Données personnelles