CEDH, 26 novembre 2015, n° 64846 / 11

Mme E, fut recrutée sous contrat à durée déterminée de trois mois, du 1er octobre au 31 décembre 1999, prolongé d’une durée d’un an du 1er janvier au 31 décembre 2000, en qualité d’agent contractuel de la fonction publique hospitalière afin d’occuper les fonctions d’assistante sociale en service de psychiatrie au sein d'un hôpital public.

Le 11 décembre 2000, son directeur des ressources humaines l'informa que son contrat ne serait pas renouvelé à compter du 1er janvier suivant. Cette décision était motivée par son refus d’enlever le voile qu’elle portait et avait été prise à la suite de plaintes formulées par certains patients du centre.

Il lui rappela dans un courrier l’avis du Conseil d’État du 3 mai 2000 (n° 217017) indiquant que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l’État et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble de ceux-ci, fait obstacle à ce que les agents disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses et, enfin, que le port d’un signe destiné à marquer une appartenance à une religion constitue un manquement de l’agent à ses obligations.

Après avoir épuisé les voies de recours devant les juridictions administratives internes, elle saisit la Cour Européenne des Droits de l'Homme (ci- après CEDH) en alléguant que le non-renouvellement de son contrat d’assistante sociale, au motif qu’elle refuse d’enlever le voile qu’elle porte, est constitutif d’une violation de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui dispose que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La CEDH rappelle dans un premier temps que si la liberté de conscience des agents publics français doit être totale, il leur est néanmoins interdit de manifester leurs croyances religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. Une telle restriction trouve sa source dans le principe de laïcité prévu à l’article 1er de la Constitution française et dans le principe de la neutralité des services publics qui découle de ces dispositions. Dès lors, il ne lui appartient pas d’apprécier en tant que tel la neutralité de l’État qui s’impose aux agents publics qui le représentent.

Elle retient toutefois qu’il incombe au juge administratif de veiller à ce que l’administration ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de conscience des agents publics lorsque la neutralité de l’État est invoquée.

En l'espèce, elle a estimé que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses de la requérante et l’obligation de ne pas les manifester puis en décidant de faire primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’État. Elle décide que l’ingérence dans l’exercice de sa liberté de manifester sa religion était nécessaire dans une société démocratique, et il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention. 

 
Notes
puce note CEDH, 26 novembre 2015, n° 64846 / 11
 
 
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