CE, 26 septembre 2016, n° 393738

L'association de défense des droits des militaires, ci-après ADEFDROMIL, demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande d'abrogation des articles 9, 10 et 26 du décret n° 2008-956 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger.

L'article L. 4121-4 du code de la défense, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense dispose que "l'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l'adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. Les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires (ci- après APNM) régie par le chapitre VI du présent titre, y adhérer et y exercer des responsabilités." L'article L. 4126-2 du même code précise que les APNM "ont pour objet de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire. Elles sont exclusivement constituées des militaires mentionnés à l'article L. 4111-2." Enfin, l'article L. 4126-3 du même code prévoir que les APNM "peuvents se pourvoir et intervenir devant les juridictions compétentes contre tout acte règlementaire relatif à la condition militaire et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession."

Ces dispositions ont ouvert la possibilité aux militaires en activité d'adhérer à des groupements professionnels à la condition que ces derniers soient constitués sous la forme d'APNM. Ces associations, qui disposent de la capacité à présenter des recours contre les actes réglementaires intéressant la condition militaire, ne peuvent être constituées que de militaires au sens de l'article L. 4111-2 du code de la défense. Le Conseil d'Etat précise, à l'occasion de ce litige, que "si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des associations auxquelles n'adhéreraient pas des militaires en activité forment des recours contre des actes réglementaires intéressant la condition militaire dès lors qu'elles y ont un intéret, elles s'opposent toutefois à ce que le juge administratif puisse être régulièrement saisi de requêtes présentées par des associations dont certains membres sont des militaires en activité et dont l'objet ou l'un des objets est la défense des intérêts professionnels des militaires en activité alors qu'elles ne seraient pas constituées conformément aux dispositions des articles L. 4126-1 et suivants du code de la défense."

En l'espèce, l'association ADEFDROMIL a pour objet non seulement la défense des droits professionnels des militaires mais également l'aide aux victimes servant ou ayant servi l'Etat sous l'uniforme et peuvent y adhérer des personnes physiques ou morales, ses statuts ne limitant pas l'adhésion aux seuls militaires mentionnés à l'article L. 4121-4 du code de la défense. Elle soutient agir en qualité de soutien des militaires qui se prévalent d'atteintes à leurs libertés. Or, sa requête porte sur un acte réglementaire relatif aux modalités de recrutement des militaires servant à titre étranger, donc relatives à la condition militaire et l'ADEFDROMIL ne peut être regardée comme une APNM par l'intermédiaire de laquelle les militaires en activité peuvent contester une décision relative à la condition militaire. Dès lors, sa requête est rejetée pour irrecevabilité.
 
 
 
Le code des relations entre le public et l’administration (ci-après CRPA) (ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration) a procédé à la codification des règles du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux. Cette codification intervenue, pour une large part à droit constant, a été également l'occasion de « simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes unilatéraux de l’administration dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique », ainsi que le prévoyait l'article 3 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
 
Un Titre IV est ainsi consacré à « la sortie de vigueur des actes administratifs » au sein du Livre II relatif aux « actes unilatéraux pris par l’administration » du CRPA. Ces nouvelles règles de sortie de vigueur des actes administratifs  posent un cadre simplifié se substituant aux dispositions textuelles et/ou règles jurisprudentielles jusqu’ici applicables, dont le champ d’application n’était pas identique. Elles ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales.
 
Ces dispositions sont entrées en vigueur, en ce qu'elles régissent l'abrogation des actes administratifs unilatéraux, le 1er juin 2016.
 
Elles s'appliquent au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016 (article 9 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration).

Définition du retrait et de l’abrogation

Aux termes de l’article L. 240-1 du CRPA, l’abrogation d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir », tandis que le retrait d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Régime du retrait et de l’abrogation

Il convient de distinguer les règles applicables aux décisions créatrices de droits (Chapitre II du Titre IV du Livre II du CRPA) de celles relatives aux actes règlementaires et aux actes non réglementaires non créateurs de droits (Chapitre III du Titre IV du Livre II du CRPA).

 
  • Le retrait des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits ne peut intervenir qu’en raison de leur illégalité et ceci, dans un délai maximal de quatre mois à compter de leur édiction (L. 243-3 du CRPA). Cependant, une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée (L. 243-4 du CRPA).
 
  • L’abrogation des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits  :

- est possible à tout moment, en vertu du principe de mutabilité (L. 243-1 du CRPA), sous réserve le cas échéant de l’édiction de mesures transitoires (L. 221-5 du CRPA : en vertu du principe de sécurité juridique tel que défini par le Conseil d’État dans ses décisions d’assemblée, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et de section 13 décembre 2006, n° 287845 Mme Lacroix); 

- devient obligatoire lorsque cet acte est illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droits ou de faits  intervenus postérieurement à son édiction, (L. 243-2 du CRPA consacrant les jurisprudences du Conseil d’État du  3 février 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, en ce qui concerne les actes réglementaires et du 30 novembre 1990, n° 103889, Association Les Verts, en ce qui concerne les actes non règlementaires non créateurs de droits).

Enfin, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment (L. 241-2 du CRPA).

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