CE, 26 septembre 2016, n° 391638

Par trois requêtes distinctes, d'une part, la fédération de l'administration générale de l'Etat - Force ouvrière et la fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services - Force ouvrière ont demandé au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration et, d'autre part, la fédération chimie énergie CFDT ainsi que le syndicat Maine Anjou FCE - CFDT, le syndicat national de l'environnement SNE - FSU et le syndicat CGT de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ont, d'autre part, demandé l'annulation du troisième alinéa de l'article 15 du décret précité. Par ce décret, le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 qui fixait les principes de l'organisation déconcentrée des services de l'Etat est abrogé.

Après avoir rappelé l'absence d'obligation de communication au requérant qui demande l'annulation d'un décret de l'avis rendu par la formation consultative du Conseil d'Etat sur le projet de texte qui lui a été soumis, ainsi que de la note du rapporteur, dont "les membres du Conseil d'Etat qui participent au jugement du recours dirigé contre un tel acte ne peuvent davantage prendre connaissance" dès lors qu'ils ne sont pas rendus publics par le Gouvernement, le Conseil d'Etat écarte les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'examen du texte suivie devant le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat (ci-après CSFPE). Il est précisé que le délai dans lequel l'ordre du jour de la séance et les documents y afférents ont été adressés aux membres du CSFPE a été régulièrement respecté, en application du décret n° 2012-225 du 16 février 2012 modifié relatif au CSFPE, et que les amendements présentés par le Gouvernement en séance, destinés à lever les ambiguïtés du texte, ne soulevaient pas de questions nouvelles et ne contrevenenaient pas aux dispositions de l'article 22 du décret du 16 février 2012 précité. L'absence de publication de l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de décret, lequel intervient en tout état de cause une fois toutes les consultations effectuées, n'a pas empêché le CSFPE d'être pleinement éclairé pour se prononcer.

Par ailleurs, les dispositions des articles 12, 13, 14, 15 et 16 du décret du 7 mai 2015 précité prévoient, respectivement, la possibilité pour le ministre compétent de déléguer au préfet les actes relatifs à la situation individuelle des agents placés sous son autorité, à l'exception de ceux qui sont soumis à l'avis préalable de la commission administrative paritaire compétente, les mutualisations entre services déconcentrés, la possibilité pour les préfets de décider conjointement qu'un service déconcentré de l'Etat puisse être chargé, en tout ou partie, d'une mission ou de la réalisation d'actes ou de prestations relevant de ses attributions pour le compte d'un autre service dont le ressort territorial peut différer du sien, l'articulation entre service déconcentrés et échelons territoriaux des établissements publics, la possibilité donnée au préfet de région de proposer des dérogations aux règles fixées par les décrets relatifs à l'organisation des services déconcentrés de l'Etat placés sous son autorité et à la répartition des missions entre ces services. La haute juridiction retient qu'il s'agit de mesures d'organisation du service qui, par elles-mêmes, ne sont pas susceptibles d'affecter les garanties statutaires dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat, ne portant atteinte ni aux prérogatives du Parlement, ni au principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps.

Par conséquent, les requêtes sont rejetées.
 
 
 
Le code des relations entre le public et l’administration (ci-après CRPA) (ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration) a procédé à la codification des règles du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux. Cette codification intervenue, pour une large part à droit constant, a été également l'occasion de « simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes unilatéraux de l’administration dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique », ainsi que le prévoyait l'article 3 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
 
Un Titre IV est ainsi consacré à « la sortie de vigueur des actes administratifs » au sein du Livre II relatif aux « actes unilatéraux pris par l’administration » du CRPA. Ces nouvelles règles de sortie de vigueur des actes administratifs  posent un cadre simplifié se substituant aux dispositions textuelles et/ou règles jurisprudentielles jusqu’ici applicables, dont le champ d’application n’était pas identique. Elles ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales.
 
Ces dispositions sont entrées en vigueur, en ce qu'elles régissent l'abrogation des actes administratifs unilatéraux, le 1er juin 2016.
 
Elles s'appliquent au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016 (article 9 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration).

Définition du retrait et de l’abrogation

Aux termes de l’article L. 240-1 du CRPA, l’abrogation d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir », tandis que le retrait d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Régime du retrait et de l’abrogation

Il convient de distinguer les règles applicables aux décisions créatrices de droits (Chapitre II du Titre IV du Livre II du CRPA) de celles relatives aux actes règlementaires et aux actes non réglementaires non créateurs de droits (Chapitre III du Titre IV du Livre II du CRPA).

 
  • Le retrait des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits ne peut intervenir qu’en raison de leur illégalité et ceci, dans un délai maximal de quatre mois à compter de leur édiction (L. 243-3 du CRPA). Cependant, une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée (L. 243-4 du CRPA).
 
  • L’abrogation des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits  :

- est possible à tout moment, en vertu du principe de mutabilité (L. 243-1 du CRPA), sous réserve le cas échéant de l’édiction de mesures transitoires (L. 221-5 du CRPA : en vertu du principe de sécurité juridique tel que défini par le Conseil d’État dans ses décisions d’assemblée, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et de section 13 décembre 2006, n° 287845 Mme Lacroix); 

- devient obligatoire lorsque cet acte est illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droits ou de faits  intervenus postérieurement à son édiction, (L. 243-2 du CRPA consacrant les jurisprudences du Conseil d’État du  3 février 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, en ce qui concerne les actes réglementaires et du 30 novembre 1990, n° 103889, Association Les Verts, en ce qui concerne les actes non règlementaires non créateurs de droits).

Enfin, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment (L. 241-2 du CRPA).

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