Un fonctionnaire stagiaire peut se voir refuser sa titularisation pour faute disciplinaire à condition qu’il ait été mis à même de faire valoir ses observations

Monsieur B. a conclu plusieurs contrats à durée déterminée avec la commune de Marmande avant d’être nommé fonctionnaire stagiaire au sein de cette même commune. Monsieur B. n’ayant pu atteindre la durée légale de stage d’un an prévue par le statut particulier dont il relève, en raison de congés maladie, son stage a été prolongé. Cependant, à l’issue de cette période probatoire, la commune de Marmande a pris un arrêté prononçant sa radiation des effectifs, faisant valoir ses absences injustifiées et un accomplissement partiel de ses tâches.

Monsieur B. a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Il a demandé, en premier lieu, au tribunal administratif de Bordeaux l’annulation de l’arrêté pris par la commune de Marmande mettant fin à son stage et sa réintégration et titularisation au sein de la commune. Le tribunal administratif de Bordeaux a cependant rejeté sa requête au motif que les faits qui lui étaient reprochés caractérisaient une insuffisance professionnelle justifiant un refus de titularisation. Monsieur B. a alors fait appel de cette décision. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que l’arrêté litigieux au motif que les faits qui lui étaient reprochés étaient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires et ne pouvaient pas, en conséquence, caractériser une insuffisance professionnelle justifiant légalement un refus de titularisation. La commune de Marmande s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel dont elle demande l’annulation.

Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, le caractère probatoire et provisoire de la situation dans laquelle se trouve le stagiaire et l’appréciation en considération de sa personne qui doit être faite en cas de refus de le titulariser :

« Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. »

Le Conseil d’Etat en déduit qu’une décision de refus de titularisation ne peut légalement être prise que si les faits qu’elle retient caractérisent des insuffisances dans l’exercice des fonctions et de la manière de servir de l’intéressé. Il admet à ce titre qu’un refus de titularisation puisse être fondé sur des faits caractérisant en tout ou partie des fautes disciplinaires. L’administration doit alors, préalablement, avoir mis l’intéressé à même de faire valoir ses observations :

« L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. »

Le Conseil d’Etat conclut que la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en ne mettant pas l’intéressé en mesure de présenter ses observations, alors qu’elle faisait valoir le caractère disciplinaire des faits qui lui étaient reprochés, a commis une erreur de droit. Il annule en conséquence l’arrêt litigieux et renvoie l’affaire devant cette juridiction.
 
Notes
puce note CE, 24 février 2020, n° 421291, mentionné aux tables du recueil Lebon
 
 
Actualité juridique du droit administratif (AJDA), n° 14/2018 (16 avril 2018), p. 777 (CE, 22 décembre 2017, n°407300, inédit au recueil Lebon).
L’AJDA analyse une décision du Conseil d'Etat qui indique que l’autorisation faite par l’administration de participer aux épreuves d’un concours ou examen professionnel crée des droits au profit de l’agent public qui le passe, tandis qu'une  réponse générale faite par l'administration à une demande de renseignement sur un concours ou un examen n’est pas créatrice de droits.
La Semaine juridique, n° 21 - 30 mai 2016 - Conclusions prononcées par Édouard Crépey, rapporteur public, dans l'affaire CE, 17 février 2016, n° 371453, CNFPT (commentée dans Vigie n° 78 - Mars 2016) "Concours administratifs et loi du 17 juillet 1978 : une transparence obscurcie?", pp. 20  à 22
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