CE, 4 mai 2016, n° 395367

M.A., admis au concours externe de recrutement de professeurs de lycée professionnel en génie mécanique et maintenance de véhicule, a, après sa première année de stage, été autorisé à en effectuer une deuxième. A l'issue de cette dernière, le jury académique n'ayant pas proposé sa titularisation, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a licencié par un arrêté du 15 octobre 2015 dont l'intéressé a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille la suspension de son exécution.

Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 décembre 2015 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande.

Le Conseil d’État rappelle qu’aux termes de l'article 10 du décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 modifié relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel, le recteur ne peut titulariser un professeur de lycée professionnel stagiaire que sur proposition en ce sens du jury académique.

Appliquant le raisonnement du parallélisme des formes, selon lequel, à défaut de mention particulière, l’autorité compétente pour accomplir un acte l’est également pour ne pas l’accomplir ou le défaire, le Conseil d’État déduit que le ministre de l'éducation nationale ne pouvait légalement prendre l'arrêté du 15 octobre 2015 licenciant l'intéressé.

Le Conseil d’État annule l’ordonnance attaquée pour erreur de droit. Le juge des référés ne pouvait se fonder, pour suspendre cet arrêté, sur une erreur manifeste d’appréciation faisant naître un doute sérieux sur sa légalité. De plus aucun des moyens soulevés par M.A. n’étaient de nature à créer un doute sérieux justifiant une suspension du licenciement.
 
Notes
puce note CE, 4 mai 2016, n° 395367
 
 
La Semaine juridique, n° 21 - 30 mai 2016 - Conclusions prononcées par Édouard Crépey, rapporteur public, dans l'affaire CE, 17 février 2016, n° 371453, CNFPT (commentée dans Vigie n° 78 - Mars 2016) "Concours administratifs et loi du 17 juillet 1978 : une transparence obscurcie?", pp. 20  à 22
Le code des relations entre le public et l’administration (ci-après CRPA) (ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration) a procédé à la codification des règles du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux. Cette codification intervenue, pour une large part à droit constant, a été également l'occasion de « simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes unilatéraux de l’administration dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique », ainsi que le prévoyait l'article 3 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
 
Un Titre IV est ainsi consacré à « la sortie de vigueur des actes administratifs » au sein du Livre II relatif aux « actes unilatéraux pris par l’administration » du CRPA. Ces nouvelles règles de sortie de vigueur des actes administratifs  posent un cadre simplifié se substituant aux dispositions textuelles et/ou règles jurisprudentielles jusqu’ici applicables, dont le champ d’application n’était pas identique. Elles ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales.
 
Ces dispositions sont entrées en vigueur, en ce qu'elles régissent l'abrogation des actes administratifs unilatéraux, le 1er juin 2016.
 
Elles s'appliquent au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016 (article 9 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration).

Définition du retrait et de l’abrogation

Aux termes de l’article L. 240-1 du CRPA, l’abrogation d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir », tandis que le retrait d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Régime du retrait et de l’abrogation

Il convient de distinguer les règles applicables aux décisions créatrices de droits (Chapitre II du Titre IV du Livre II du CRPA) de celles relatives aux actes règlementaires et aux actes non réglementaires non créateurs de droits (Chapitre III du Titre IV du Livre II du CRPA).

 
  • Le retrait des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits ne peut intervenir qu’en raison de leur illégalité et ceci, dans un délai maximal de quatre mois à compter de leur édiction (L. 243-3 du CRPA). Cependant, une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée (L. 243-4 du CRPA).
 
  • L’abrogation des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits  :

- est possible à tout moment, en vertu du principe de mutabilité (L. 243-1 du CRPA), sous réserve le cas échéant de l’édiction de mesures transitoires (L. 221-5 du CRPA : en vertu du principe de sécurité juridique tel que défini par le Conseil d’État dans ses décisions d’assemblée, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et de section 13 décembre 2006, n° 287845 Mme Lacroix); 

- devient obligatoire lorsque cet acte est illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droits ou de faits  intervenus postérieurement à son édiction, (L. 243-2 du CRPA consacrant les jurisprudences du Conseil d’État du  3 février 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, en ce qui concerne les actes réglementaires et du 30 novembre 1990, n° 103889, Association Les Verts, en ce qui concerne les actes non règlementaires non créateurs de droits).

Enfin, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment (L. 241-2 du CRPA).

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