CE, 12 février 2016, n° 393700

Dans le cadre d'une demande de transmission au Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) soulevée à l'égard d'une disposition législative du code rural et de la pêche, M.A. se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 1er juin 2015 par laquelle le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a refusé de transmettre cette QPC au Conseil d'État.  

A l'occasion de ce litige, le Conseil d'État se prononce sur le respect du principe du contradictoire.

Le Conseil d'État rappelle les dispositions de l'article R. 771-5 du code de justice administrative selon lesquelles "sauf s'il paraît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la QPC, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations".  Ainsi, les observations formulées par les autres parties au litige n'ont pas à être, à peine d'irrégularité, communiquées à la partie qui a soulevé la QPC.

Le Conseil d'État précise, cependant, que le principe du caractère contradictoire de la procédure interdit au juge administratif de se fonder sur des éléments invoqués par une partie et qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire.

En l'espèce, l'ordonnance est entachée d'irrégularité et est, par voie de conséquence, annulée, le juge s'étant fondé sur des éléménts issus des observations du défendeur qui n'ont été transmises à M.A. qu'après la lecture de l'ordonnance.  
 

CE, 4 mars 2016, n° 389513

Le Conseil d’État a jugé qu’un texte modifiant la répartition des compétences à l'intérieur de la juridiction administrative s’applique immédiatement aux recours introduits avant son entrée en vigueur.
 
En l’espèce, il s’agissait d’un recours contre une décision du Conseil national de l'ordre des pharmaciens refusant une inscription au tableau de l'ordre, introduit auprès du tribunal administratif. Or, en application de l'article R. 4222-4-2 du code de la santé publique, créé par un décret daté du 26 mai 2014, et entré en vigueur après l'introduction de la requête auprès du tribunal administratif, ce contentieux relève de la compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort.
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CE, 4 mai 2016, n° 395466

Dans ce litige portant sur une question prioritaire de constitutionnalité, dont les faits se situent hors du champ du droit de la fonction publique, le Conseil d'État a précisé que les requérants ne sauraient utilement invoquer les droits et libertés que la Constitution du 4 octobre 1958 garantit à l'encontre de dispositions de nature législative antérieures à la Constitution, dont tous les effets sur la situation en litige ont été définitivement produits avant l'entrée en vigueur de cette Constitution.
 
En l'espèce, la haute juridiction décide de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de contitutionnalité soulevée par les requérants mettant en cause la conformité à la Constitution des dispositions de l'ordonnance n° 45-68 du 16 janvier 1945 portant nationalisation des usines R., confirmant le refus de transmission de la cour administrative d'appel de Paris par arrêt du 20 octobre 2015. Il s'avère en effet que la créance invoquée par les requérants, qui estimaient avoir subis un préjudice du fait de cette ordonnance, était prescrite par application des dispositions de la loi n° 45-0195 du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général pour l'exercice 1946, soit avant l'entrée en vigueur de la Constitution.
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CE, 4 mai 2016, n° 380548

Le Conseil d'État a précisé que rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

Par suite, l'intervention, après une première mise en ligne par le rapporteur public du sens de ses conclusions dans l'application Sagace, d'une nouvelle mise en ligne modifiant le sens de ces conclusions, sans que les parties soient informées de ce qu'un nouvel élément est intervenu dans cette application, ne met pas ces dernières en mesure de connaître le sens des conclusions du rapporteur public et méconnaît, en principe, l'article R. 711-3 du code de justice administrative.
 
En l’espèce, la méconnaîssance de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n'a toutefois pas été retenue par la haute juridiction, au motif que le rapporteur public avait, pendant l’audience, prononcé des conclusions dont le sens était conforme à celui mis en ligne sur l'application Sagace la première fois et dont avait eu connaissance les parties.

Dès lors, la méconnaissance des modifications du sens des conclusions du rapporteur public par les parties n’a pas entaché leur droit à l’information.
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CE, 4 mai 2016, n° 396332

M. A. a demandé une prolongation du bénéfice du concours de chef d'équipe d'exploitation des travaux publics de l'État, dans l'attente que se libère un emploi situé dans une zone plus proche de son domicile que celle où se situait l'emploi qui lui avait été proposé. Le directeur interdépartemental des routes de la circonscription concernée lui a opposé un refus.

Sur le fondement de l'article R. 521-2 du code de justice administrative (ci-après CJA), M. A. a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre l'exécution de cette décision. Par une ordonnance de rejet, le juge des référés a retenu l'irrecevabilité manifeste de cette demande, au motif que M. A. n'avait pas produit la décision litigieuse, ni justifié de l'impossibilité de la produire, en méconnaissance de l'obligation imposée par l'article R. 412-1 du CJA. Cet article dispose que "la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation".

M. A. demande au Conseil d'État d'annuler cette ordonnance du juge des référés. Pour faire droit à sa demande d'annulation, la haute juridiction retient qu'"eu égard à son objet et à ses modalités de mise en oeuvre", la recevabilité d'une demande en référé-liberté, "justifiée par l'urgence et tendant à ce que le juge des référés ordonne à l'administration, sous quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle celle-ci aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale" ne saurait être soumise à cette condition de production de la décision ou de justification de la non production de la décision.

Néanmoins, aucun texte ne prévoyant un telle possiblité de prolongation du bénéfice du concours, la demande de M.A. est rejetée, même s'il invoquait le bénéfice d'une telle prolongation au profit d'autres agents par le passé, en l'absence de précision quant à la nature de la liberté fondamentale à laquelle l'administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Il est précisé que la méconnaissance du principe d'égalité ne peut révéler, par elle-même, une atteinte à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du CJA.

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CE, 31 mai 2016, n° 393881

A l’occasion d’un contentieux fiscal, le Conseil d’État a jugé que lorsque le caractère sérieux d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dépend de l’interprétation ou de l’appréciation de la validité d’une disposition du droit de l’Union Européenne, le Conseil d’État doit saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et rejeter la QPC.  
 
Dans le cas où, à la suite de la décision de la CJUE, le requérant présenterait à nouveau au Conseil d'État la QPC invoquée, il sera recevable à le faire. La conformité à la Constitution de la disposition contestée sera alors réexaminée. 
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Arrêté du 31 mai 2016 - Organisation de la DGAFP

Un arrêté du 31 mai 2016, publié au Journal officiel le 2 juin, modifie l’arrêté du 10 avril 2012 relatif à l’organisation de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Suite au remplacement de l’Opérateur national de paie (ONP) par le Centre interministériel de services informatiques en matière de ressources humaines (CISIRH), pris en compte dans l’organisation de la DGAFP par un premier arrêté du 4 mai 2015, l’arrêté du 31 mai 2016 supprime le département en charge du suivi du programme SIRH-Paye pour intégrer les activités de ce dernier au sein du département des études et des statistiques qui devient le département des études, des statistiques et des systèmes d’information.

Arrêté du 31 mai 2016 - Organisation de la DGAFP

Un arrêté du 31 mai 2016, publié au Journal officiel le 2 juin, modifie l’arrêté du 10 avril 2012 relatif à l’organisation de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Suite au remplacement de l’Opérateur national de paie (ONP) par le Centre interministériel de services informatiques en matière de ressources humaines (CISIRH), pris en compte dans l’organisation de la DGAFP par un premier arrêté du 4 mai 2015, l’arrêté du 31 mai 2016 supprime le département en charge du suivi du programme SIRH-Paye pour intégrer les activités de ce dernier au sein du département des études et des statistiques qui devient le département des études, des statistiques et des systèmes d’information.
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Le code des relations entre le public et l’administration (ci-après CRPA) (ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration) a procédé à la codification des règles du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux. Cette codification intervenue, pour une large part à droit constant, a été également l'occasion de « simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes unilatéraux de l’administration dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique », ainsi que le prévoyait l'article 3 de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
 
Un Titre IV est ainsi consacré à « la sortie de vigueur des actes administratifs » au sein du Livre II relatif aux « actes unilatéraux pris par l’administration » du CRPA. Ces nouvelles règles de sortie de vigueur des actes administratifs  posent un cadre simplifié se substituant aux dispositions textuelles et/ou règles jurisprudentielles jusqu’ici applicables, dont le champ d’application n’était pas identique. Elles ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions spéciales.
 
Ces dispositions sont entrées en vigueur, en ce qu'elles régissent l'abrogation des actes administratifs unilatéraux, le 1er juin 2016.
 
Elles s'appliquent au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016 (article 9 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration).

Définition du retrait et de l’abrogation

Aux termes de l’article L. 240-1 du CRPA, l’abrogation d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir », tandis que le retrait d’un acte est « sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé ».

Régime du retrait et de l’abrogation

Il convient de distinguer les règles applicables aux décisions créatrices de droits (Chapitre II du Titre IV du Livre II du CRPA) de celles relatives aux actes règlementaires et aux actes non réglementaires non créateurs de droits (Chapitre III du Titre IV du Livre II du CRPA).

 
  • Le retrait des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits ne peut intervenir qu’en raison de leur illégalité et ceci, dans un délai maximal de quatre mois à compter de leur édiction (L. 243-3 du CRPA). Cependant, une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée (L. 243-4 du CRPA).
 
  • L’abrogation des actes réglementaires et des actes non réglementaires non créateurs de droits  :

- est possible à tout moment, en vertu du principe de mutabilité (L. 243-1 du CRPA), sous réserve le cas échéant de l’édiction de mesures transitoires (L. 221-5 du CRPA : en vertu du principe de sécurité juridique tel que défini par le Conseil d’État dans ses décisions d’assemblée, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et de section 13 décembre 2006, n° 287845 Mme Lacroix); 

- devient obligatoire lorsque cet acte est illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droits ou de faits  intervenus postérieurement à son édiction, (L. 243-2 du CRPA consacrant les jurisprudences du Conseil d’État du  3 février 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, en ce qui concerne les actes réglementaires et du 30 novembre 1990, n° 103889, Association Les Verts, en ce qui concerne les actes non règlementaires non créateurs de droits).

Enfin, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment (L. 241-2 du CRPA).

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