Un Etat membre peut exclure certaines catégories de contrats du champ de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

Monsieur J. a été employé par une collectivité sur des contrats à durée déterminée successifs dans le cadre d’un projet social subventionné par des fonds publics européens et régionaux et ayant pour objet, notamment, de lutter contre les discriminations. L’intéressé conteste la décision prise à son encontre de ne pas renouveler son dernier contrat, faisant valoir que cette succession de contrats n’est justifiée ni par la nature du travail qui lui était confié ni par d’autres raisons légitimes, et qu’en conséquence, en application de la législation belge, il devrait être regardé comme étant lié à la collectivité par un contrat de travail à durée indéterminée.

Le requérant a formé un recours contentieux contre cette décision. En première instance, sa demande a été accueillie. La collectivité a alors interjeté appel devant la Cour du travail de Liège qui a saisi la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la compatibilité de la législation nationale avec la clause 2, point 2, sous b) de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES) le 18 mars 1999, annexé à la directive 1999/70, qui contient des prescriptions minimales relatives aux contrats à durée déterminée.

Pour la CJUE, la définition des contrats en cause relève de la législation des Etats membres qui bénéficient d’une large marge d’appréciation pour exclure du champ de l’accord-cadre certaines catégories de contrats pour autant que des conditions optimales de transparence et d’équité soient respectées. Elle en déduit que, « si les partenaires sociaux et/ou un État membre, ce dernier après consultation desdits partenaires sociaux, ont décidé d’exercer cette marge d’appréciation et ont légitimement exclu du champ d’application de l’accord-cadre les catégories de contrats ainsi que de relations de travail, de formation professionnelle ou d’apprentissage visées à la clause 2, point 2, de l’accord-cadre, les travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat ou d’une relation de travail relevant de ces catégories ne bénéficient plus de la protection offerte par l’accord-cadre. Au demeurant, la Cour a dit pour droit que la clause 2 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit que la relation établie entre les travailleurs socialement utiles et les administrations publiques pour lesquelles ils exercent leurs activités ne relève pas du champ d’application de l’accord-cadre, notamment lorsque les États membres et/ou les partenaires sociaux ont exercé la faculté qui leur est reconnue au point 2 de cette clause. »

Elle juge ainsi qu’un législateur national, conformément à la faculté qui lui est reconnue, peut exclure du champ d’application de la législation nationale transposant la directive 1999/70 et l’accord-cadre, une certaine catégorie de contrats, et peut être ainsi dispensé d’adopter des mesures nationales de nature à garantir aux travailleurs relevant de cette catégorie de contrats le respect des objectifs poursuivis par l’accord-cadre.
 
Notes
puce note CJUE, Aff. C-483/19, 11 décembre 2019 (renvoi préjudiciel belge)
puce note Accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES) le 18 mars 1999 (annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée
 
 
La Semaine juridique, n° 21 - 29 mai 2017 "La titularisation des contractuels des collectivités territoriales par la voie de la sélection professionnelle", Conclusions de Denis Perrin, rapporteur public dans l'affaire du TA de Lille, 13 décembre 2016, n° 1601200, pp. 38 à 40.

(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.

Dans ce cadre, il appartient à chaque collectivité de fixer le nombre d’emplois ouverts par grade dans un programme pluriannuel d’accès à l’emploi titulaire. Une commission de sélection professionnelle dresse, selon l’article 20 de la loi, la liste des agents aptes à être intégrés en tenant compte des objectifs du programme pluriannuel d'accès à l’emploi titulaire.

Le tribunal a précisé le régime juridique de cette voie d’accès à la fonction publique :

- il a d’abord jugé que la décision de la commission de sélection fixant cette liste est susceptible de recours ;
- il a ensuite considéré que la commission ne pouvait déclarer apte un nombre de candidats supérieurs au nombre de postes ouverts).

La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 374015 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "CDD conduisant, en cours d'exécution du contrat, à dépasser la durée maximale de six ans prévue à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 : pas de requalification en CDI ", pp.40 à 44 
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 375730 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "Recrutement sur les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 : le recours au CDI est possible", pp. 44 à 47
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