La Cour de justice de l’Union européenne sanctionne l’utilisation abusive de CDD successifs au-delà de 36 mois quand la personne est employée pour un besoin permanent et lorsqu’il n’existe pas de mesure effective destinée à prévenir les abus
La CJUE a été saisie sur renvoi préjudiciel par la cour d’appel de Rome le 15 mai 2017, dans le cadre d’un litige opposant Mme Martina Sciotto, et la Fondation du Théâtre de l’Opéra de Rome. La requérante avait saisi le juge d’une demande de requalification en CDI de ses CDD successifs conclus avec la Fondation pour des prestations réalisées entre 2007 et 2011.
La demande de décision préjudicielle porte plus précisément sur l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée.La clause 5 de l’accord-cadre concerne les mesures visant à prévenir l’utilisation abusive des CDD successifs. Elle oblige les Etats, en l’absence de mesure légale visant à prévenir les abus, à introduire dans leur droit national, en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et catégories de travailleurs : « a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail » ; ou « b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs » ; ou « c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail ». Le droit commun italien permet une requalification du contrat en CDI lorsqu’une succession de CDD conduit à ce que la durée globale de la relation de travail excède 36 mois. Le secteur des fondations lyriques et symphoniques fait toutefois l’objet d’une réglementation spécifique, qui l’exclut du champ d’application du droit commun. Dès lors, les personnels de ce secteur ne peuvent pas voir leur CDD requalifiés en CDI. Il n’existe par ailleurs pas de mesure effective limitant le recours au CDD ou sanctionnant son utilisation abusive, ni aucune mesure équivalente à la clause 5 de l’accord-cadre pouvant leur être appliquée.
La Cour précise que la clause 5 de l’accord-cadre s’oppose à ce qu’une réglementation nationale sanctionnant le recours abusif aux CDD successifs par la requalification automatique du contrat en CDI puisse exclure de son champ d’application le secteur des fondations lyriques et symphoniques, dès lors qu’il n’existe aucune autre mesure sanctionnant les abus dans ce secteur. Partant, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures effectives visant à garantir l’effet utile de l’accord-cadre. La Cour invite la juridiction de renvoi à interpréter la réglementation nationale à l’aune de l’objectif de la clause 5, en sanctionnant dûment » les abus dans l’utilisation de CDD successifs, lesquels sont contraires au droit de l’Union. Elle suggère pour ce faire de rendre applicable la protection de droit commun au cas d’espèce afin de prévenir les conséquences des abus.
La demande de décision préjudicielle porte plus précisément sur l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée.La clause 5 de l’accord-cadre concerne les mesures visant à prévenir l’utilisation abusive des CDD successifs. Elle oblige les Etats, en l’absence de mesure légale visant à prévenir les abus, à introduire dans leur droit national, en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et catégories de travailleurs : « a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail » ; ou « b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs » ; ou « c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail ». Le droit commun italien permet une requalification du contrat en CDI lorsqu’une succession de CDD conduit à ce que la durée globale de la relation de travail excède 36 mois. Le secteur des fondations lyriques et symphoniques fait toutefois l’objet d’une réglementation spécifique, qui l’exclut du champ d’application du droit commun. Dès lors, les personnels de ce secteur ne peuvent pas voir leur CDD requalifiés en CDI. Il n’existe par ailleurs pas de mesure effective limitant le recours au CDD ou sanctionnant son utilisation abusive, ni aucune mesure équivalente à la clause 5 de l’accord-cadre pouvant leur être appliquée.
La Cour précise que la clause 5 de l’accord-cadre s’oppose à ce qu’une réglementation nationale sanctionnant le recours abusif aux CDD successifs par la requalification automatique du contrat en CDI puisse exclure de son champ d’application le secteur des fondations lyriques et symphoniques, dès lors qu’il n’existe aucune autre mesure sanctionnant les abus dans ce secteur. Partant, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures effectives visant à garantir l’effet utile de l’accord-cadre. La Cour invite la juridiction de renvoi à interpréter la réglementation nationale à l’aune de l’objectif de la clause 5, en sanctionnant dûment » les abus dans l’utilisation de CDD successifs, lesquels sont contraires au droit de l’Union. Elle suggère pour ce faire de rendre applicable la protection de droit commun au cas d’espèce afin de prévenir les conséquences des abus.
Notes
CJUE, 25 octobre 2018, C-331/17, Martina Sciotto |
AJDA n° 29 / 2017 - 11 septembre 2017, "Durée de services publics effectifs : une application audacieuse de la loi "Sauvadet" - La cour administrative d'appel de Douai juge que les périodes d'activité professionnelle effectuées pendant au moins six ans par un agent territorial auprès de deux employeurs publics, avec les mêmes missions et objectifs, et sur un même lieu de travail, justifient l'application de la loi du 12 mars 2012. Et ce, alors même que certaines de ces périodes ont été exécutées sous contrat emploi solidarité, contrat de droit privé" , conclusions de Monsieur Hadi Habchi, rapporteur public dans l'affaire CAA de Douai, 1er juin 2017, n° 15DA00920, pp. 1684 à 1687
La Semaine juridique, n° 19 - 15 mai 2017 "Une erreur sur le décompte des jours de congés n'entraîne pas nécessairement l'annulation de toute la procédure de licenciement", par Laurence Marion, rapporteur public dans l'affaire CE, 15 mars 2017, n° 390757, (commentée dans Vigie n° 90 - Avril 2017), pp. 35 à 36
AJDA n° 19 / 2017 - 29 mai 2017, "Le contentieux du licenciement pour perte d'emploi des contractuels : l'un et le multiple", commentaire de l'avis du CE, 23 décembre 2016, n° 402500, (commenté dans Vigie n° 87 - Janvier 2017), par Sylvain Niquège, pp. 1132 à 1135
La Semaine juridique, n° 21 - 29 mai 2017 "La titularisation des contractuels des collectivités territoriales par la voie de la sélection professionnelle", Conclusions de Denis Perrin, rapporteur public dans l'affaire du TA de Lille, 13 décembre 2016, n° 1601200, pp. 38 à 40.
(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.
(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.
Dans ce cadre, il appartient à chaque collectivité de fixer le nombre d’emplois ouverts par grade dans un programme pluriannuel d’accès à l’emploi titulaire. Une commission de sélection professionnelle dresse, selon l’article 20 de la loi, la liste des agents aptes à être intégrés en tenant compte des objectifs du programme pluriannuel d'accès à l’emploi titulaire.
Le tribunal a précisé le régime juridique de cette voie d’accès à la fonction publique :
- il a d’abord jugé que la décision de la commission de sélection fixant cette liste est susceptible de recours ;
- il a ensuite considéré que la commission ne pouvait déclarer apte un nombre de candidats supérieurs au nombre de postes ouverts).
AJDA, n° 27/2016 - 25 juillet 2016, " Licenciement justifié d'un directeur de la culture pour insuffisance managériale", conclusions prononcées par Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public dans l'affaire du CE 20 mai 2016, n° 387105, (commentée dans Vigie n° 81 - Juin 2016), pp. 1533 à 1535
La Semaine juridique, n° 27 - 11 juillet 2016, " Qui assistera les assistants familiaux lors de l'entretien préalable à son licenciement ? ", conclusions prononcées par Gaëlle Dumortier, rapporteur public dans l'affaire du CE 30 mai 2016, n° 381274, (commentée dans Vigie n° 81 - Juin 2016), pp. 28 à 30
La Semaine juridique, n° 28 - 18 juillet 2016, " Reclassement d'un agent recruté par CDI : obligation, dans tous les cas, de maintenir la durée indéterminée du contrat ", conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE 13 juin 2016, n° 387373, (commentée dans Vigie n° 82 - Juillet 2016), pp. 27 à 30
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 374015 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "CDD conduisant, en cours d'exécution du contrat, à dépasser la durée maximale de six ans prévue à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 : pas de requalification en CDI ", pp.40 à 44
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 375730 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "Recrutement sur les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 : le recours au CDI est possible", pp. 44 à 47