La Cour de justice de l’Union européenne admet la différence de traitement entre des enseignants recrutés sur concours et ceux recrutés sur titres, résultant, pour ces derniers, d’une prise en compte partielle des périodes de service accomplies en CDD dans le calcul de reprise de l’ancienneté au moment de leur recrutement
La CJUE a été saisie sur renvoi préjudiciel par le tribunal de Trente, dans le cadre d’un litige opposant Mme Chiara Motter et la province autonome de Trente. En l’espèce, la requérante a exercé le métier d’enseignante du secondaire pour la province de Trente dans le cadre de huit CDD successifs sans interruption. Son contrat a été requalifié en CDI le 1er septembre 2011. En vue de sa titularisation l’année suivante, la province a effectué une reconstitution de sa carrière ne prenant en compte qu’aux deux tiers ses quatre dernières années d’exercice. La requérante a saisi le juge d’une demande tendant à ce que son ancienneté acquise au titre des huit CDD soit reprise en intégralité. Elle soutient faire l’objet d’une discrimination au regard des lauréats de concours, engagés pour une durée indéterminée. Le droit italien limite, en effet, la reprise intégrale de l’ancienneté au titre d’un CDD à quatre années. Au-delà, cette prise en compte ne saurait excéder les deux tiers du service accompli.
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée. Cette clause consacre un principe de non-discrimination en vertu duquel les « critères de période d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée », sauf lorsque des critères différents sont « justifiés par des raisons objectives ».
D’une part, la Cour conclut à la comparabilité des situations des catégories de travailleurs, au regard du caractère identique des fonctions exercées. Elle ajoute que le fait de ne pas être lauréat d’un concours n’implique pas par lui-même une différence de situation, au regard notamment de la qualité des prestations fournies.D’autre part, la Cour admet des différences entre l’expérience acquise par les enseignants recrutés sur concours et celle de ceux recrutés sur titres, conduisant à une différence d’exercice professionnel. En outre, la réglementation italienne vise à prévenir l’émergence d’une discrimination à rebours au détriment des fonctionnaires statutaires. Ces éléments constitueraient une raison objective justifiant la différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée.
En conséquence, la Cour interprète la clause 4 de l’accord-cadre comme ne s’opposant pas à ce qu’une réglementation nationale prenne en compte partiellement au-delà de la quatrième année les périodes de service accomplies au titre de CDD, « aux fins du classement d’un travailleur dans une catégorie de rémunération lors de son recrutement sur titres en tant que fonctionnaire statutaire ».
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée. Cette clause consacre un principe de non-discrimination en vertu duquel les « critères de période d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée », sauf lorsque des critères différents sont « justifiés par des raisons objectives ».
D’une part, la Cour conclut à la comparabilité des situations des catégories de travailleurs, au regard du caractère identique des fonctions exercées. Elle ajoute que le fait de ne pas être lauréat d’un concours n’implique pas par lui-même une différence de situation, au regard notamment de la qualité des prestations fournies.D’autre part, la Cour admet des différences entre l’expérience acquise par les enseignants recrutés sur concours et celle de ceux recrutés sur titres, conduisant à une différence d’exercice professionnel. En outre, la réglementation italienne vise à prévenir l’émergence d’une discrimination à rebours au détriment des fonctionnaires statutaires. Ces éléments constitueraient une raison objective justifiant la différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée.
En conséquence, la Cour interprète la clause 4 de l’accord-cadre comme ne s’opposant pas à ce qu’une réglementation nationale prenne en compte partiellement au-delà de la quatrième année les périodes de service accomplies au titre de CDD, « aux fins du classement d’un travailleur dans une catégorie de rémunération lors de son recrutement sur titres en tant que fonctionnaire statutaire ».
Notes
CJUE, 20 septembre 2018, C-466/17, Chiara Motter |
AJDA n° 29 / 2017 - 11 septembre 2017, "Durée de services publics effectifs : une application audacieuse de la loi "Sauvadet" - La cour administrative d'appel de Douai juge que les périodes d'activité professionnelle effectuées pendant au moins six ans par un agent territorial auprès de deux employeurs publics, avec les mêmes missions et objectifs, et sur un même lieu de travail, justifient l'application de la loi du 12 mars 2012. Et ce, alors même que certaines de ces périodes ont été exécutées sous contrat emploi solidarité, contrat de droit privé" , conclusions de Monsieur Hadi Habchi, rapporteur public dans l'affaire CAA de Douai, 1er juin 2017, n° 15DA00920, pp. 1684 à 1687
La Semaine juridique, n° 19 - 15 mai 2017 "Une erreur sur le décompte des jours de congés n'entraîne pas nécessairement l'annulation de toute la procédure de licenciement", par Laurence Marion, rapporteur public dans l'affaire CE, 15 mars 2017, n° 390757, (commentée dans Vigie n° 90 - Avril 2017), pp. 35 à 36
AJDA n° 19 / 2017 - 29 mai 2017, "Le contentieux du licenciement pour perte d'emploi des contractuels : l'un et le multiple", commentaire de l'avis du CE, 23 décembre 2016, n° 402500, (commenté dans Vigie n° 87 - Janvier 2017), par Sylvain Niquège, pp. 1132 à 1135
La Semaine juridique, n° 21 - 29 mai 2017 "La titularisation des contractuels des collectivités territoriales par la voie de la sélection professionnelle", Conclusions de Denis Perrin, rapporteur public dans l'affaire du TA de Lille, 13 décembre 2016, n° 1601200, pp. 38 à 40.
(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.
(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.
Dans ce cadre, il appartient à chaque collectivité de fixer le nombre d’emplois ouverts par grade dans un programme pluriannuel d’accès à l’emploi titulaire. Une commission de sélection professionnelle dresse, selon l’article 20 de la loi, la liste des agents aptes à être intégrés en tenant compte des objectifs du programme pluriannuel d'accès à l’emploi titulaire.
Le tribunal a précisé le régime juridique de cette voie d’accès à la fonction publique :
- il a d’abord jugé que la décision de la commission de sélection fixant cette liste est susceptible de recours ;
- il a ensuite considéré que la commission ne pouvait déclarer apte un nombre de candidats supérieurs au nombre de postes ouverts).
AJDA, n° 27/2016 - 25 juillet 2016, " Licenciement justifié d'un directeur de la culture pour insuffisance managériale", conclusions prononcées par Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public dans l'affaire du CE 20 mai 2016, n° 387105, (commentée dans Vigie n° 81 - Juin 2016), pp. 1533 à 1535
La Semaine juridique, n° 27 - 11 juillet 2016, " Qui assistera les assistants familiaux lors de l'entretien préalable à son licenciement ? ", conclusions prononcées par Gaëlle Dumortier, rapporteur public dans l'affaire du CE 30 mai 2016, n° 381274, (commentée dans Vigie n° 81 - Juin 2016), pp. 28 à 30
La Semaine juridique, n° 28 - 18 juillet 2016, " Reclassement d'un agent recruté par CDI : obligation, dans tous les cas, de maintenir la durée indéterminée du contrat ", conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE 13 juin 2016, n° 387373, (commentée dans Vigie n° 82 - Juillet 2016), pp. 27 à 30
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 374015 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "CDD conduisant, en cours d'exécution du contrat, à dépasser la durée maximale de six ans prévue à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 : pas de requalification en CDI ", pp.40 à 44
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 375730 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "Recrutement sur les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 : le recours au CDI est possible", pp. 44 à 47