Le statut de fonctionnaire ne peut justifier des conditions d’emploi discriminatoires à l’égard des agents contractuels de droit public à durée déterminée placés dans une situation comparable

Un enseignant recruté par contrat de droit public à durée déterminée par le ministère de l’éducation nationale espagnole s’est vu refuser le bénéfice d’une prime d’ancienneté réservée aux fonctionnaires. Le tribunal provincial de Pampelune, saisi du litige qui l’oppose à son employeur, soumet à la CJUE la question préjudicielle suivante : la clause 4, point 1 de l’accord-cadre joint en annexe de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 doit-elle « être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réserve le bénéfice d’un complément de rémunération aux enseignants employés dans le cadre d’une relation de travail à durée indéterminée en tant que fonctionnaires statutaires, à l’exclusion notamment des enseignants employés en tant qu’agents contractuels de droit public à durée déterminée » ?

La CJUE rappelle que la clause 4 de l’accord-cadre précité tend à interdire les discriminations dont les travailleurs à durée déterminée peuvent faire l’objet au regard des travailleurs à durée indéterminée. Sur le fondement de ces dispositions, il est interdit : « de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable, au seul motif qu’ils travaillent pour une durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives ».

Pour écarter l’argumentation du gouvernement espagnol, la Cour énonce que le caractère statutaire ou contractuel de la relation de travail est sans incidence sur le champ d’application de l’accord-cadre. Il importe uniquement d’apprécier si les fonctionnaires et les agents contractuels exercent un travail identique ou similaire au sens de l’accord-cadre.

À cet égard, la Cour tient compte « d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces travailleurs peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable ». Estimant que les enseignants titulaires et contractuels se trouvent, en l’espèce, dans une situation comparable, la Cour vérifie alors si une raison objective est susceptible de justifier un traitement qui réserve aux seuls fonctionnaires le bénéfice d’une prime d’ancienneté, en l’excluant pour les agents contractuels de droit public justifiant de la même ancienneté que les premiers. Elle rappelle que les États membres « peuvent, en principe, sans contredire la directive 1999/70 et l’accord-cadre, prévoir des conditions d’accès à la qualité de fonctionnaires statutaires ainsi que les conditions d’emploi de tels fonctionnaires. Les États membres sont ainsi en droit de poser des conditions d’ancienneté pour accéder à certains emplois ou encore de restreindre l’accès à une promotion par la voie interne aux seuls fonctionnaires, dès lors que cela résulte de la nécessité de tenir compte d’exigences objectives relatives à l’emploi en question et étrangères à la durée déterminée de la relation de travail. Cependant, une condition abstraite et générale, selon laquelle une personne doit disposer du statut de fonctionnaire pour bénéficier d’une condition d’emploi telle que celle en cause au principal, sans que soient prises en considération, notamment, la nature particulière des tâches à remplir ni les caractéristiques inhérentes à celles-ci, ne correspond pas aux exigences rappelées [dans le] présent arrêt ». En conséquence, la Cour déclare que la réglementation espagnole n’est pas conforme à l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.
 
Notes
puce note CJUE, 20 juin 2019, Daniel Ustariz Aróstegui c/ Departamento de Educación del Gobierno de Navarra, C-72/18
 
 
La Semaine juridique, n° 21 - 29 mai 2017 "La titularisation des contractuels des collectivités territoriales par la voie de la sélection professionnelle", Conclusions de Denis Perrin, rapporteur public dans l'affaire du TA de Lille, 13 décembre 2016, n° 1601200, pp. 38 à 40.

(La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a mis en place des procédures de titularisation des contractuels par la voie notamment d’une sélection professionnelle.

Dans ce cadre, il appartient à chaque collectivité de fixer le nombre d’emplois ouverts par grade dans un programme pluriannuel d’accès à l’emploi titulaire. Une commission de sélection professionnelle dresse, selon l’article 20 de la loi, la liste des agents aptes à être intégrés en tenant compte des objectifs du programme pluriannuel d'accès à l’emploi titulaire.

Le tribunal a précisé le régime juridique de cette voie d’accès à la fonction publique :

- il a d’abord jugé que la décision de la commission de sélection fixant cette liste est susceptible de recours ;
- il a ensuite considéré que la commission ne pouvait déclarer apte un nombre de candidats supérieurs au nombre de postes ouverts).

La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 374015 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "CDD conduisant, en cours d'exécution du contrat, à dépasser la durée maximale de six ans prévue à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 : pas de requalification en CDI ", pp.40 à 44 
La Semaine juridique, n° 5 - 8 février 2016, conclusions prononcées par Vincent Daumas, rapporteur public dans l'affaire du CE, 30 septembre 2015, n° 375730 (commentée dans Vigie n° 73 - Octobre 2015) "Recrutement sur les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 : le recours au CDI est possible", pp. 44 à 47
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