Le Conseil d’Etat précise l’application de la jurisprudence Czabaj sur le délai de contestation des décrets de libération des liens d'allégeance
Deux recours ont été déposés à l’encontre de décrets anciens libérant leurs bénéficiaires de leurs liens d’allégeance à l’égard de la France. Dans la première affaire (CE n° 426372), un décret portant libération des liens d’allégeance a été pris, à la demande de la mère, au bénéfice d’un enfant alors mineur. Devenu majeur, le requérant a contesté ce décret devant le Conseil d’Etat plus de trois ans après avoir atteint l’âge de la majorité. Dans la seconde affaire (n° 411145), une demande de libération des liens d’allégeance avec la France a été faite par un père au bénéfice d’une mineure. Le décret de libération a été pris alors que l’enfant avait pourtant atteint l’âge de la majorité. L’intéressée en a eu connaissance après plusieurs années et l’a alors contesté devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat rappelle qu’en l'absence de prescription en disposant autrement, les conditions d'âge fixées par les articles 91, 53 et 54 du Code de la nationalité française s'apprécient à la date de signature des décrets pris sur leur fondement. Il rappelle, par ailleurs, que si des parents peuvent formuler au nom d'un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d'allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l'intéressé a atteint l'âge de seize ans, sans qu'il ait lui-même exprimé, avec l'accord de ceux qui exercent sur lui l'autorité parentale, une demande en ce sens et, s'il a atteint l'âge de dix-huit ans, sans qu'il ait personnellement déposé une demande à cette fin.
Il juge ainsi que : « Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant d'un décret de libération des liens d'allégeance, ce délai ne saurait, eu égard aux effets de cette décision, excéder, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, trois ans à compter de la date de publication du décret ou, si elle est plus tardive, de la date de la majorité de l'intéressé. »
Il en déduit, s’agissant de la première affaire, que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et doit être rejetée. En revanche, il fait droit à la demande d’annulation de la requérante dans la seconde affaire, car celle-ci, majeure à la date du décret contesté, aurait dû présenter personnellement cette demande.
Le calcul du délai de confirmation des conclusions est un délai franc
La société requérante a formé un recours devant le Conseil d’Etat qui indique qu’: « Il ne peut être donné acte d'un désistement au titre de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative que si le requérant a reçu la demande de confirmation du maintien de ses conclusions, si cette demande lui laissait un délai d'au moins un mois pour y répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et s'il s'est abstenu de répondre en temps utile. Le délai ainsi prévu est un délai franc. »
Le Conseil d’Etat juge, en l’espèce, que « le délai d'un mois imparti à la société a commencé à courir le 16 mai 2018 à zéro heure et a expiré le premier jour ouvrable suivant le dimanche 17 juin 2018, soit le lundi 18 juin 2018 à minuit. Par suite, en jugeant que le mémoire de la société […], transmis le 18 juin 2018, n'était pas parvenu à la juridiction dans le délai qui lui avait été imparti, le magistrat désigné du tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit. ». En conséquence, la société requérante est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque.
Une neuvième cour administrative d’appel sera bientôt créée à Toulouse
La juridiction administrative compte à ce jour, outre le Conseil d’Etat, huit cours administratives d’appel, quarante-deux tribunaux administratifs (trente-et-un en métropole et onze en outre-mer), ainsi que la cour nationale du droit d’asile.
Créées par la loi du 31 décembre 1987 afin d’alléger la charge du Conseil d’Etat, les cours administratives d’appel sont implantées à Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris et Versailles.
Cette nouvelle création répond à une volonté de décharger les cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille qui font face à un accroissement notable des contentieux et d’assurer une meilleure répartition des cours administratives d’appel sur le territoire national.