Les articles 34 et 35 de la loi n°2019-828 de transformation de la fonction publique apportent des modifications aux procédures et obligations incombant aux agents publics en matière de déontologie.
La loi prévoit ainsi le transfert de la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). La HATVP exerce, à compter du 1er février 2020, les missions exercées jusqu’à présent par la CDFP afin de renforcer l’indépendance des contrôles en matière de départ vers le secteur concurrentiel ou de création ou reprise d’entreprise. Toutes les demandes reçues avant le 1er février sont examinées par la CDFP jusqu’au 31 mars 2020.
La loi permet une plus grande fluidité du parcours des agents publics entre le secteur public et le secteur privé en confiant une plus grande responsabilité aux administrations dans l’application des règles déontologiques. Elle renforce le contrôle déontologique pour les agents les plus exposés aux risques déontologiques occupant des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient.
Le décret n°2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, pris en application des articles 34 et 35 de la loi précitée, précise les conditions dans lesquelles ces contrôles s’opèrent désormais.
- Le décret mentionne la nouvelle procédure applicable en matière d’autorisation de passage à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ou exercer une activité libérale (article 16) et de départ vers le secteur privé (articles 18 à 23).
Jusqu’à présent, l’agent public devait formuler sa demande auprès de l’autorité hiérarchique dont il relève. Celle-ci effectuait une première appréciation de la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions exercées par l’agent et transmettait la demande pour avis à la CDFP, quelles que soient les fonctions de l’agent. L’administration prenait la décision finale concernant la demande de l’agent.
Depuis le 1er février 2020, en application de l’article 34 de la loi n°2019-828, ne seront transmises directement à la HATVP que les demandes concernant des agents publics qui occupent des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient et dont la liste est établie par le décret n°2020-69. L’article 2 du décret précise que les agents concernés occupent les emplois qui sont également soumis :
- à l’obligation de transmission préalable d’une déclaration d’intérêts prévue à l’article 25 ter de la loi n°83634 ainsi qu'aux articles L. 131-7 et L. 231-4-1 du code de justice administrative (conseillers d’Etat, magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel) et aux articles L. 120-10 et L. 220-8 du code des juridictions financières (magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes) ;
- à l'obligation de transmission d'une déclaration de situation patrimoniale et d'une déclaration d'intérêts au titre du 4°, du 6°, à l'exception des membres des collèges et des membres des commissions investies de pouvoirs de sanction, et des 7° et 8° du I de l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013. Il s’agit des membres des cabinets ministériels et collaborateurs du Président de la République, des directeurs et secrétaires généraux et adjoints des autorités administratives et publiques indépendantes, des emplois à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres, et des chefs de cabinet, directeurs et directeurs adjoints de cabinet des autorités territoriales.
Les agents occupant ces emplois doivent adresser leur demande à leur autorité hiérarchique avant que ne débute l’activité envisagée. L’autorité hiérarchique dispose d’un délai de quinze jours, à compter de la date à laquelle la demande lui a été communiquée, pour la transmettre à la HATVP. La saisine de la HATVP suspend le délai de deux mois au-delà duquel le silence de l’administration vaut refus de la demande de l’agent. A compter de la notification de l’avis de la HATVP, ou de l’échéance du délai de deux mois dont dispose la HATVP pour rendre son avis, l’administration rend sa décision dans un délai de quinze jours. Si l’autorité hiérarchique n’a pas saisi la HATVP dans le délai prévu, l’agent peut la saisir directement, et en informe par écrit son autorité hiérarchique.
Concernant les agents publics occupant tout emploi n’étant pas mentionné à l’article 2 du décret, le processus d’approbation de leur demande est accéléré et simplifié, puisque leur autorité hiérarchique est désormais la seule à se prononcer sur leur demande. L’autorité hiérarchique examine si l’activité envisagée ne risque pas de « compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique » ou de placer l’intéressé dans une situation de prise illégale d’intérêts. Elle dispose d’un délai de deux mois pour répondre à la demande de l’agent ; au-delà, le silence de l’administration vaut rejet. Néanmoins, si l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité entre les fonctions exercées et l’activité envisagée, elle a la possibilité de soumettre la demande à l’avis de son référent déontologue. La saisine du référent déontologue ne suspend pas le délai de deux mois dans lequel l'administration est tenue de se prononcer sur la demande de l'agent. Si la consultation du référent déontologue ne permet pas de lever le doute concernant la demande de l’agent, l’autorité hiérarchique peut saisir, en dernier recours et sans délai la HATVP. La saisine de la HATVP suspend le délai de deux mois dont dispose l’administration pour répondre à la demande de l’agent.
- L’article 34 de la loi n°2019-828 crée un contrôle déontologique préalable à la nomination, spécifique aux fonctionnaires ou agents contractuels ayant exercé une activité dans le secteur privé au cours des trois dernières années et qui souhaitent revenir dans la fonction publique ou y accéder sur des postes exposés.
L’article 4 du décret n°2020-69 prévoit que, pour l’accès à certains emplois de direction prévus par la loi, le contrôle est effectué directement par la HATVP, sur saisine de l’autorité hiérarchique. La HATVP dispose d’un délai de quinze jours pour rendre son avis. L’absence d’avis à l’expiration de ce délai vaut avis de compatibilité. Les emplois concernés sont :
- les emplois de directeur d'administration centrale ou de dirigeant d'un établissement public de l'Etat dont la nomination relève d'un décret en Conseil des ministres ;
- les emplois de directeur général des services des régions, des départements, des communes de plus de 40 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;
- les emplois de directeur d'établissements publics hospitaliers dotés d'un budget de plus de 200 millions d'euros ;
- les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République.
L’article 5 prévoit que, pour les emplois et fonctions listés à l’article 2 du décret, à l’exception de ceux couverts par la procédure prévue à l’article 4, le contrôle est effectué par l’autorité hiérarchique. En cas de doute sérieux, elle peut saisir son référent déontologue. Lorsque l'avis du référent déontologue ne permet pas de lever le doute, l'autorité hiérarchique saisit la HATVP, qui rend son avis dans un délai de quinze jours.
- Le décret n°2020-69 prend acte de l’augmentation de la durée de l’autorisation de passage à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise, prévue à l’article 34 de la loi. Cette durée passe de trois ans au total (deux ans, renouvelable un an) à quatre ans (trois ans, renouvelable un an).
- Enfin, par souci de lisibilité, le décret n°2020-69 abroge le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d'activités et à la commission de déontologie de la fonction publique. Il en reprend les dispositions relatives à :
- la poursuite de l'exercice d'une activité privée au sein d'une société ou d'une association à but lucratif (articles 6 et 7) ;
- le cumul d'activités des agents à temps non complet ou incomplet (articles 8 et 9) ;
- l’exercice d’une activité accessoire (articles 10 à 15) ;
- la possibilité pour l’autorité hiérarchique de s’opposer au cumul d’activités ou à sa poursuite (article 17).
L’article 8 du décret crée, pour l’autorité hiérarchique, un devoir d’information de l’agent sur l’existence de la possibilité de cumuler son emploi avec une activité privée quand il est à temps non complet ou incomplet.
En revanche, les dispositions spécifiques aux enseignants chercheurs, contenues dans le décret n°2017-105 et prises en application des articles L.531-1 à L.531-16 du code de la recherche n’ont pas été reprises dans le décret n°2020-69. En effet, plusieurs modifications apportées par la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) qui viennent en substitution de ces dispositifs.
Pour rappel, les articles 34 et 35 de la loi n°2019-828 de transformation de la fonction publique prévoient également les dispositions suivantes, qui ne font pas l’objet de dispositions spécifiques dans le décret :
- Durant les trois années qui suivent le début de l’activité privée lucrative ou la nomination dans l’un des emplois publics prévus aux articles 4 et 5 du décret, la HATVP pourra effectuer des contrôles inopinés et demander à l’agent de lui fournir toute explication ou document justifiant du respect de l’avis rendu. Si l’agent ne fournit pas les informations demandées ou s’il ne respecte pas l’avis, la HATVP informe l’autorité hiérarchique dont relève l’agent. Elle a également la possibilité de rendre public le résultat du contrôle.
- Les sanctions applicables en cas de nonrespect des avis rendus par la HATVP sont étendues aux cas où l’agent n’a pas effectué la saisine préalable de son autorité hiérarchique lors d’un départ vers le secteur privé.
- Une nouvelle sanction est créée, interdisant à une administration de procéder, pendant trois ans, au recrutement d’un agent contractuel n’ayant pas respecté les obligations déontologiques prévues à l’article 25 octies de la loi de 1983.
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