La mesure de suspension de l’avocat du requérant suspend également le délai de production de son mémoire complémentaire
Monsieur A, ressortissant russe, a demandé l’annulation de l’arrêt d’extradition prononcé à son encontre. A cette fin, son avocat a formé une requête sommaire dans laquelle il annonçait la production d’un mémoire complémentaire. Or, avant l’expiration du délai réglementaire de trois mois fixé par l’article R. 611-22 du code de justice administrative pour déposer son mémoire, sous peine de désistement d'office, cet avocat a fait l’objet d’une mesure de suspension. Cette mesure de suspension a, par application de l'article R. 634-1 du code de justice administrative, suspendu le cours du délai de production du mémoire complémentaire. Après constitution d'un nouvel avocat, le délai de production du mémoire a été fixé à deux mois à compter de la date de cette constitution.
Le mémoire complémentaire ayant été produit avant l'expiration de ce nouveau délai, le Conseil d’Etat juge que Monsieur A, ne saurait être regardé comme s'étant désisté de sa requête.
Quel bilan tirer de l’application de la jurisprudence Czabaj ?
Par sa décision d'assemblée Czabaj, en date du 13 juillet 2016, la section du contentieux du Conseil d'Etat a jugé que quand bien même une décision individuelle omettrait de mentionner les voies et délais de recours permettant à son destinataire de la contester, un délai raisonnable de recours s'applique. Celui-ci est fixé en principe à un an, à compter de la notification de la décision ou de la date à laquelle il est établi que le requérant en a eu connaissance.
Le Conseil d'Etat a, depuis trois ans, apporté d'utiles précisions sur le contenu et le champ de cette jurisprudence : les décisions rendues témoignent du large champ d'application qui en est fait. Ainsi, la règle du délai raisonnable est, en principe, opposable à la contestation de tous les recours contentieux dirigés contre les décisions individuelles, quelle qu'en soit la forme, et que ceux-ci soient introduits par voie d'action ou par voie d'exception. La règle ne peut toutefois pas être étendue au contentieux indemnitaire tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique. Par ailleurs, seule la connaissance effective d'une décision est susceptible de déclencher le délai raisonnable. Si la jurisprudence Czabaj invite de ce point de vue à repenser le cadre jurisprudentiel ancien, les décisions récentes témoignent cependant d'une certaine vigilance du juge sur l'établissement de la connaissance de la décision contestée. Certains contentieux ont ainsi retenu des règles dérogatoires d'établissement de la connaissance de la décision, comme c'est le cas dans le domaine des décrets de libération des liens d'allégeance avec la consécration d'un délai raisonnable dérogatoire de trois ans et des conditions particulières de reconnaissance de la connaissance de la décision.
Le délai raisonnable de recours d’un an ne s’applique pas aux actions en responsabilité
Par sa décision d'assemblée Czabaj, en date du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat juge que lorsque le délai de recours contentieux de deux mois n’est pas opposable, le destinataire d’une décision administrative individuelle qui en a eu connaissance ne peut néanmoins la contester au-delà d’un délai « raisonnable », fixé en principe à un an.
L’arrêt du 17 juin 2019 Centre hospitalier de Vichy (CE n° 413097) (Vigie n° 113 - juin 2019) apporte d’utiles précisions sur le champ d’application de cette jurisprudence en confirmant la solution retenue par la cour, à savoir que la règle du délai raisonnable de recours n’est pas applicable aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique. La prise en compte de la sécurité juridique est alors assurée par les règles de prescription existantes.
Un agent public ne peut pas invoquer la jurisprudence Czabaj pour échapper à l’expiration du délai de recours auquel il est normalement soumis
Les requérants, agents publics, soutenaient qu’ils auraient dû bénéficier d’une application à rebours de la jurisprudence Czabaj et disposer d’un délai de recours raisonnable d’un an, en lieu et place du délai de recours de deux mois fixé par les dispositions de l’article R. 421-2 du code de justice administrative qui s’impose aux agents publics même dans le cas d’une décision implicite de rejet. Ils appuyaient leur raisonnement sur une décision récente (CE, 18 mars 2019, n°417270) du Conseil d’Etat qui a précisément étendu le champ d’application de sa jurisprudence Czabaj aux décisions implicites de rejet de l’administration.
Le rapporteur public est cependant d’avis que, compte tenu de la relation particulière liant l’agent à son administration et de l’objectif recherché par la jurisprudence Czabaj et par la décision du 18 mars 2019 d’éviter une remise en cause de situations consolidées par l’effet du temps, il ne peut être fait application de ce principe pour proroger le délai de recours normalement applicable à une telle décision qui ne concerne pas des administrés. Suivi par la Cour d’appel, le rapporteur public conclut en conséquence que les requérants ne peuvent invoquer le bénéfice de la jurisprudence Czabaj pour échapper à l’expiration du délai de recours.