CE, 22 septembre 2017, n° 398310

M.B., directeur général des services d’un syndicat intercommunal d'assainissement d’Île-de-France, a été radié des cadres et a liquidé ses droits à la retraite le 31 août 2011. Dès le lendemain, il a poursuivi les mêmes fonctions dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à mi-temps. Par ailleurs, M. B. a été élu en qualité d'adjoint au maire d’une commune  de Seine-et-Marne et exerçait ce mandat depuis mars 2008.

Il a demandé à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) le cumul de sa pension de retraite et du revenu de cette activité. La CNRACL a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas liquidé des droits à pensions acquis au titre du régime des élus auprès de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités locales (IRCANTEC) et l’a informé qu’il lui était redevable d’une somme de plus de 18 000 euros.

M. B. a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Melun, qui n’a pas fait droit à son recours. Il s’est alors pourvu en cassation.

Le Conseil d’État a considéré « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le bénéfice de la dérogation prévue par le troisième alinéa de cet article, permettant à un assuré de pouvoir entièrement cumuler sa pension avec les revenus d'une activité professionnelle exercée pour l'un des employeurs mentionnés à l'article L. 86-1, est subordonné à la condition que l'intéressé ait préalablement liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires ; que, toutefois, le législateur n'a pas entendu, eu égard à l'objet de ces dispositions, inclure dans les régimes visés le régime spécifique de retraite assis sur les cotisations versées au titre de l'exercice d'un mandat d'élu local, organisé par le code général des collectivités territoriales qui prévoit notamment que les pensions servies à ce titre sont cumulables sans limitation avec toutes les autres pensions ».

Ainsi « la circonstance que M. B. n'a pas liquidé ses droits auprès de l'IRCANTEC à raison de son mandat d'élu local n'est pas de nature à le faire regarder comme n'ayant pas liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite».

Le jugement du tribunal administratif de Melun est donc annulé pour erreur de droit.

 

CE, 6 octobre 2017, n° 407297

Mme B. a exercé à Mayotte des fonctions d'agent administratif contractuel en milieu hospitalier entre 1980 et 1982, en étant alors affiliée à la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

De 1994 et jusqu'à son admission à la retraite en janvier 2015, elle a exercé des fonctions administratives à la préfecture de Mayotte. D’abord comme agent contractuel relevant de la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), puis à partir de 2002, comme agent titulaire de la fonction publique territoriale de Mayotte et a alors été affiliée à la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte (CRFM). Enfin, elle a été intégrée, en 2009, dans la fonction publique de l'État, reclassée dans le corps des secrétaires administratifs des ministères de l'intérieur et de l'outre-mer.

Une pension de retraite lui a été concédée par deux arrêtés des 19 janvier et 13 juillet 2015, au titre du régime de la pension unique institué par le VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, issu de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique. Cette pension ne prenait pas en compte ses services accomplis en qualité d’agent contractuel entre 1980 et 1982 et entre 1994 et 2002. Elle conteste ces arrêtés devant le tribunal administratif de Mayotte qui fait droit à sa demande et qui  enjoint à l'administration de régulariser sa situation.

Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation,

Le Conseil d’État, après avoir rappelé les dispositions législatives et réglementaires applicables au litige, considère que «les agents titulaires et contractuels dans une collectivité territoriale ou dans un établissement public administratif de Mayotte, qui ont été intégrés ou titularisés dans une des trois fonctions publiques, sont affiliés, le jour de leur intégration ou de leur titularisation, au régime spécial de retraite correspondant au corps ou cadre d'emplois d'intégration ou de titularisation ; que les services qu'ils ont effectués antérieurement à cette affiliation ne sont pris en compte dans la liquidation de la pension unique que s'ils ont donné lieu à une affiliation à la caisse de retraite des fonctionnaires et des agents des collectivités publiques de Mayotte ; que, dans ce cas, ils sont pris en compte selon les règles applicables à ce régime au 1er janvier 2006, en retenant les derniers émoluments soumis à retenue pour pension perçus par l'intéressé depuis six mois au moins avant l'affiliation au régime spécial de retraite ; que, dans le cas inverse, ces services ne doivent être pris en compte, le cas échéant, que pour la liquidation d'autres pensions auprès des régimes auxquels l'intéressé était effectivement affilié ».  

En conséquence, le tribunal administratif de Mayotte en estimant que Mme. B. pouvait prétendre à une pension unique prenant en compte l'ensemble des services publics qu'elle a effectué à Mayotte a entaché son jugement d’une erreur de droit.

Le jugement du tribunal administratif de Mayotte est donc annulé.

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CE, 13 octobre 2017, n° 396934

La création, en 1997, d'un service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) au centre hospitalier de Vire a entraîné l'organisation d'astreintes de nuit au service d'anesthésie pour assurer la continuité de ce service d'urgence.

A la suite d’un accord conclu en 2005 entre le centre hospitalier et les infirmières anesthésistes de l'établissement, le temps de travail a été réparti, pour chaque période de 24 heures, entre un temps de travail effectif de 15 heures, pour les périodes comprises entre 8 heures et 23 heures et un temps d'astreinte de 9 heures, pour les périodes comprises entre 23 heures et 8 heures.

Durant ce temps d'astreinte, les infirmières anesthésistes devaient être en mesure de rejoindre rapidement l'établissement et pouvaient soit résider à leur domicile, soit bénéficier d'un logement indépendant situé dans l'enceinte de l'établissement.

 Mme A., infirmière anesthésiste en fonction dans ce centre hospitalier, a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Vire à lui verser les sommes correspondant au paiement en tant que temps de travail effectif des heures d'astreinte qu'elle a effectuées au cours des années 2008 à 2012.

Le tribunal administratif a rejeté sa demande, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre ce jugement au motif qu’elle n'était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et pouvait, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles.

 Mme A.  se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’État a indiqué que pour déterminer la rémunération des heures de travail effectuées par les agents en fonction dans les établissements publics de santé, les articles 5, 24 et 25 du décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière distinguent, d'une part, les périodes de travail effectif durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles et, d'autre part, les périodes d'astreinte durant lesquelles les agents ont l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement.

« La circonstance que l'employeur mette à la disposition des agents, pour les périodes d'astreinte, un logement situé à proximité ou dans l'enceinte du lieu de travail, pour leur permettre de rejoindre le service dans les délais requis, n'implique pas que le temps durant lequel un agent bénéficie de cette convenance soit qualifié de temps de travail effectif, dès lors que cet agent n'est pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et peut, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles ».

En l’espèce « les périodes d'astreinte effectuées par Mme A. dans le logement mis à disposition par le centre hospitalier de Vire dans l'enceinte de l'hôpital ne constituaient pas du temps de travail effectif, alors même que, compte tenu de la brièveté du temps d'intervention exigé d'elle en cas d'urgence, elle n'avait d'autre possibilité que d'effectuer ces périodes dans ce logement ».

Le pourvoi de Mme A. est donc rejeté.

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AJDA n° 35 / 2017 - 23 octobre 2017, " L'agent public, le temps et l'argent - la prescription de la répétition de l'indu de rémunération ", par Charles Froger, commentaire de l'avis du CE, 31 mars 2017, n° 405797 (commenté dans Vigie n° 91 - Mai 2017), pp. 2022 à 2026
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