Un travailleur à temps partiel peut soulever une apparence de discrimination

Mme S., ressortissante autrichienne, a été employée par l’université de Vienne sur la base d’une série de contrats à durée déterminée successifs, en partie à temps plein et en partie à temps partiel, notamment dans le but de poursuivre et d’achever un projet de recherche. Ses contrats ayant atteint une durée cumulée de huit ans, ceux-ci n’ont pas été renouvelés, alors qu’elle estimait pouvoir prétendre à une prolongation de ceux-ci jusqu’à douze ans, en vertu d’une disposition de la loi autrichienne sur les universités applicable aux travailleurs à temps partiel poursuivant des projets de recherche.

L’intéressée a saisi le juge autrichien. La juridiction de renvoi saisi en deuxième examen, a sursis à statuer en renvoyant trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur la conformité de la réglementation autrichienne à la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel (directive 97/81/CE), aux articles 2, paragraphe 1, sous b), et 19, paragraphe 1 de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
 
En premier lieu, la CJUE conclut que « la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel (…) doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fixe, pour les travailleurs à durée déterminée qu’elle vise, une durée maximale des relations de travail plus longue pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps plein comparables, à moins qu’une telle différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et soit proportionnée par rapport auxdites raisons, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. La clause 4, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel doit être interprétée en ce sens que le principe du prorata temporis qui y est visé ne s’applique pas à une telle réglementation. »
 
En second lieu, la CJUE observe que la requérante a indiqué qu’en règle générale, les mesures qui affectent négativement les travailleurs à temps partiel par rapport aux travailleurs à temps plein sont susceptibles de désavantager particulièrement les femmes. Cette dernière n’ayant pu cependant étayer cette thèse par des données statistiques complètes, la CJUE sanctionne la réglementation autrichienne, en se fondant sur l’apparence de discrimination : « l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fixe, pour les travailleurs à durée déterminée qu’elle vise, une durée maximale des relations de travail plus longue pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps plein comparables, s’il est établi que cette réglementation affecte négativement un pourcentage significativement plus élevé de travailleurs féminins que de travailleurs masculins et si ladite réglementation n’est pas objectivement justifiée par un but légitime ou si les moyens pour parvenir à ce but ne sont pas appropriés et nécessaires . L’article 19, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens que cette disposition n’exige pas de la partie qui s’estime lésée par une telle discrimination qu’elle produise, afin d’établir une apparence de discrimination, des statistiques ou des faits précis ciblant les travailleurs concernés par la réglementation nationale en cause si cette partie n’a pas accès ou n’a que difficilement accès à ces statistiques ou faits. »
 

Le Conseil d’Etat juge pour la première fois qu’un agent contractuel de l’Etat employé pendant plus de six ans dans les mêmes fonctions auprès de différents employeurs peut obtenir un CDI s’il est prouvé un lien entre les relations de travail, conférant à ces employeurs une unicité

Les affaires n° 422866 et 422874 concernent deux anciens agents du CNRS employés dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) successifs. Dans l’affaire n° 422866, Monsieur B a été embauché en CDD par le CNRS comme ingénieur, puis par l’Université de Lille comme attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) tout en continuant ses activités de recherche au CNRS, et enfin par l’Institut Pasteur afin de mener de nouvelles recherches au CNRS. Dans l’affaire n° 422874, Monsieur A, également ingénieur embauché au CNRS, a ensuite conclu un contrat avec l’Université Provence-Aix-Marseille au sein du même laboratoire, puis un contrat de prestation de services avec le CNRS et cette Université sous le statut d'auto-entrepreneur. Estimant avoir dépassé la durée de six années de services publics effectifs auprès du même employeur, les intéressés ont demandé au CNRS la transformation de leur CDD en CDI, ce qui leur a été refusé. Ils ont alors introduit un recours contentieux.

Dans la première affaire, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du CNRS et enjoint ce dernier de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée (CDI). Dans la seconde affaire, le Tribunal administratif de Marseille a, au contraire, rejeté la demande du requérant. Saisies en appel, les Cours administratives d’appel de Marseille et de Douai ont estimé que les services effectués dans le cadre de ces contrats devaient être pris en considération pour le calcul de la durée des six ans travaillés auprès du CNRS et justifiaient, en conséquence, une CDIsation. Le CNRS s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat juge qu’aux termes de la lecture combinée de l'article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (dite « Loi Sauvadet ») : « Lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné. ». Faisant application de cette méthode aux cas d’espèce, le Conseil d’Etat juge dans la première affaire que les contrats successifs n’ouvraient pas droit à la CDIsation car, d’une part, le CNRS n’est pas l’employeur du contrat d’ATER et que, d’autre part, les fonctions d’ATER ne constituent pas un travail exclusif de recherche. Dans la seconde affaire, il confirme au contraire le jugement rendu par la Cour administrative de Marseille : « en jugeant que le recours à un contrat de prestation de services avec M. A... était entaché de détournement de procédure dans le but de ne pas le faire bénéficier d'un contrat à durée indéterminée en application des dispositions de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. En en déduisant que cette période de prestations de service devait être incluse dans la durée des services publics effectifs accomplis auprès du CNRS au sens de ces mêmes dispositions, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. ».
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Etat des lieux statistique du recours aux contractuels dans la fonction publique territoriale

La direction générale des collectivités locales (DGCL), dans son bulletin d’information statistique de septembre 2019, dresse un panorama du recours aux contractuels dans la fonction publique territoriale.

En 2017, un quart des 1,97 million d’agents de la fonction publique territoriale sont des contractuels. 42% des contractuels occupent un emploi permanent : 79% d’entre eux sont en contrat à durée déterminée, et 21%, en contrat à durée indéterminée. A l’inverse, 58% des contractuels occupent un emploi non permanent : notamment, 36% d’entre eux sont recrutés pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, et 18% sont des contrats aidés.

En moyenne, en équivalent temps plein, les contractuels sont payés 19% de moins que les fonctionnaires (1 633 contre 2 026 euros).
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