CE, Ass, 27 mars 2015, n° 372426

Monsieur B. A., professeur et père de trois enfants, s’est vu refuser par son administration une mise à la retraite anticipée avec pension à jouissance immédiate sur le fondement des règles relatives à la mise à la retraite anticipée et à la bonification pour enfant dans leur rédaction postérieures à l’arrêt Griesmar (CJCE 29 nov. 2001, aff. C-366/99, Griesmar c. Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie).

À la suite de cette décision, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 modifiée portant réforme des retraites a créé un système transitoire qui maintient le bénéfice de la bonification d’un an pour les parents d’enfants nés avant 2004, sous réserve de justifier d’une interruption de travail d’une durée de deux mois. Monsieur B. A.  a saisi le juge administratif aux fins d’annulation de la décision de refus en faisant valoir que l’avantage procuré aux femmes par rapport aux hommes par cette disposition constituait une discrimination indirecte interdite par le droit de l’Union européenne. Après rejet de sa demande par le tribunal administratif de Limoges, il s’est pourvu en cassation.

Entre temps, la Cour de justice de l’Union européenne, par son arrêt Leone du  17 juillet 2014 (n ° C173/13), a estimé que ces différences de traitement entre fonctionnaires masculins et féminins « ne peuvent s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe ». Cet arrêt laissait une liberté d’appréciation au juge national  pour  « déterminer si et dans quelle mesure la disposition législative concernée est justifiée par un tel facteur objectif ».

Dans l’affaire de Monsieur B. A, le Conseil d’État use de cette liberté d’appréciation pour ne pas suivre la Cour. Après avoir détaillé les désavantages concrets subis par les fonctionnaires mères de famille en termes de niveau de pension, il estime que le régime de la bonification pour enfant « n’a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l’objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ». Le Conseil d’État reconnaît bien qu’existe une « différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d’enfants nés avant le 1er janvier 2004 » mais juge que celle-ci « est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu’elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ».

En ce qui concerne la faculté de départ anticipé pour les parents de trois enfants, progressivement supprimée par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’Assemblée du contentieux estime que le législateur a entendu « compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que, dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d’un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d’offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l’éducation d’enfants sur le déroulement de la carrière d’une femme, en l’état de la société française d’alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu’elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ».
 
Notes
puce note CE, Ass, 27 mars 2015, n° 372426, M. B...A
 
 
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