Intelligence artificielle et ressources humaines, les multiples usages se doivent d’être encadrés
Paru dans le N°40 - Décembre 2021
DOSSIER
Alors que ses champs d’utilisation se diversifient et se multiplient, l’intelligence artificielle a déjà commencé à investir le domaine des RH et le secteur public n’est pas en reste. Employeur majeur, il se laisse convaincre par les nombreuses possibilités d’automatisation de certaines procédures et autres traitements analytiques de l’information.
Piloté par l‘Allemagne, un programme d’évaluation des impacts de l’IA sur les domaines que sont le travail, l’innovation, la productivité et les compétences a été lancé en 2020 par l‘OCDE (1). Son objectif est d’accompagner les administrations dans la gestion de la transition en veillant à une utilisation responsable et centrée sur l‘humain pour améliorer le bien-être individuel et sociétal.
En Belgique, les services fédéraux mènent une enquête auprès de leur personnel afin d’appréhender le niveau de déploiement de l’IA et les interrogations ou réticences qui persistent. Sur la base des résultats, des recommandations stratégiques doivent être formulées prochainement.
Optimiser la recherche de poste est devenu une réalité en Autriche. La bourse de l’emploi public s’est dotée d’une fonctionnalité (CV-parsing) qui vise à faciliter et à personnaliser cette démarche. Le CV téléchargé peut être analysé par un système qui en codifie et structure les éléments pour proposer les offres correspondant à ces critères. Il en résulte une sélection plus affinée mais aussi plus précise.
C’est dans une municipalité de Suède que le premier « recruteur virtuel » est devenu opérationnel à l’aune de la crise sanitaire. À Upplands-Bro, la principale qualité du robot Tengai, développé par l’université de Stockholm et une startup, est de mener des entretiens basés sur des données prétendant éliminer les biais inconscients en supprimant l’influence humaine.
Les SIRH de la Fonction publique vont aussi certainement s’inspirer de cette technologie. Un pays est déjà précurseur en ce sens : la Corée du Sud. E-Saram est bien plus qu’une application de gestion. Il contribue à mettre en œuvre la politique RH grâce à plusieurs modules d’aide à la décision. Les conseillers RH réalisent des simulations (définir les compétences prioritaires sur les postes dits en tension, modéliser les parcours professionnels pour assister l’orientation et la sélection de candidats ou encore organiser la transmission des savoirs en identifiant les binômes potentiels).
Une composante qu’il va falloir rapidement intégrer dans les formations dispensées aux agents et qui dépasse le cadre des seules compétences numériques car elle comporte une forte dimension éthique. Aux États-Unis, une certification IA sera délivrée aux personnels fédéraux qui auront suivi un cursus dédié et s’engageront à respecter strictement une charte de déontologie.
De nombreux projets - non sans controverse - commencent déjà à émerger. La communauté autonome d’Andalousie en Espagne veut, par exemple, mettre en place un « génôme du fonctionnaire ». Selon ses concepteurs, il s’agit de recueillir les commentaires publiés sur les réseaux sociaux pour « mieux cerner ses intérêts et donner l'accès à un poste où il s'adapte ». Il se heurte aux oppositions des organisations professionnelles.
Recourir aux nombreuses possibilités offertes par l’IA est donc une tendance qui s’affirme progressivement. Au Royaume-Uni, l’autorité de régulation chargée de la protection des droits a alerté le Civil service sur les risques, voire les dérives d’une automatisation intensive qui pourrait se généraliser. Les algorithmes sont le produit d’une programmation humaine et, à ce titre, ne garantissent ni l’égalité de traitement, ni la non-discrimination.
1 46 pays ont à ce jour approuvé la Recommandation du Conseil sur l’intelligence artificielle adoptée le 22 mai 2019.
- En savoir plus sur oecd.org (en anglais), (traduction automatisée en français)