Préserver l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, encadrer pour mieux concilier

Paru dans le N°25 - Mai 2020
DOSSIER

Rarement l’équilibre des temps de vie n’avait été mis à aussi rude épreuve. En cette période inédite où un très grand nombre d’agents publics ont poursuivi leur activité à leur domicile tout en gérant la garde et les cours de leurs enfants ou en apportant des soins à un proche, les vies professionnelle et personnelle ont été fortement mêlées.

Une étude menée en 2018 par la Commission européenne avait révélé d’importantes disparités  au sein de l’Union. Un citoyen sur cinq n’était pas satisfait de sa situation. Pourtant plusieurs pays ont, ces dernières années, mis en place des actions visant à améliorer la protection des personnels qu’ils emploient.

En Allemagne, il existe le label « Emploi et famille ». Cette certification, qui doit être renouvelée tous les trois ans, garantit que des mesures concrètes sont mises en œuvre pour que l’employé bénéfice de toutes les conditions favorables à un bon équilibre. Huit critères sont analysés : temps, organisation et lieu de travail, information et communication, encadrement, développement personnel, éléments de la rémunération et prestations ciblées vers la famille. Tous les services de l’administration fédérale (ministères, autorités et offices) ont sollicité et obtenu le label.

De son côté, le Portugal a lancé le programme « 3eme Ligne», dont l’un des quatre volets est spécifiquement dédié à l’Administration. Il prévoit notamment l’instauration d’un module de formation obligatoire pour tous les cadres, avec sensibilisation aux bonnes pratiques, ainsi que des enquêtes auprès des agents et des évaluations régulières qui attesteront de la réalisation des objectifs.

À Malte, la DRH de l‘État a constitué un réseau de conseillers « soutien au personnel et à leur bien-être ». Ils sont expressément chargés de répondre aux demandes des agents et de leur proposer des solutions pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

Les pays nordiques, qui ont une culture forte du bien-être et de l’équilibre (« hygge » au Danemark, « lagom » en Suède) sont très attentifs au respect du temps personnel et les services publics tiennent à être exemplaires. Outre les dispositions réglementaires s’articulant autour de la vie parentale, les aménagements du temps de travail ont été généralisés et sont pratiqués par près de 60 %. Le simple fait, et ce à tout niveau de la hiérarchie, d’avoir de longues journées n’est pas considéré comme une performance, mais comme le signe d’une charge de travail qui doit être revue, voire d’inefficacité.

En Espagne, en plus des « moscosos » - ces jours pour convenances personnelles dont l’utilisation règlementée couvre spécifiquement les besoins de la vie familiale - le Gouvernement et les syndicats ont signé récemment un accord qui permet de solliciter, ponctuellement et pendant une période donnée, un crédit temps (jusqu’à 8 % du volume horaire annuel) pour garde d’enfant ou soins à un proche. Celui-ci devra ensuite être effectué dès la reprise normale d’activité.

Outre Atlantique, OPM, la DRH de l’administration fédérale des Êtats-Unis a élaboré une boite à outil pour les managers (Work-Life toolkit). Elle se compose de supports d’auto-formation, de guides d’entretien avec les collaborateurs et d’un inventaire de bonnes pratiques. Chaque agence est classée selon le taux de satisfaction de ses personnels, recueilli lors du baromètre annuel national.

Mais qu’en est-il du droit à la déconnexion en ces temps de télétravail massif ? Même si la France a innové en encadrant désormais cette pratique dans le secteur privé (1), une étude menée par le réseau des employeurs publics européens (EUPAE) – et qui établit une liste de recommandations pour améliorer l’équilibre des temps de vie dans un contexte d’utilisation croissante des outils numériques professionnels – montre que seule l’Estonie en restreint partiellement l’accès en dehors des heures de travail.

Pour l’Autriche, qui obtient déjà de très bons résultats, chaque agent peut et doit devenir acteur de cet équilibre. La nouvelle application « smartWorkLife » vise ainsi à faciliter l’acquisition de réflexes par la pratique régulière d’exercices sur la délimitation entre travail et loisirs.


1 Loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (article 55).


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