Remise du rapport de Jean-Yves FROUIN au Premier ministre sur la régulation des plateformes numériques de travail

Paru dans le N°308 - 18 décembre 2020
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Jean-Yves FROUIN, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, a remis au Premier ministre son rapport intitulé : « Réguler les plateformes numériques de travail »(1) le 2 décembre 2020. Il lui avait été demandé de formuler des propositions en matière de statut, de dialogue social et de droits sociaux, de manière à sécuriser les relations juridiques et protéger les travailleurs sans remettre en cause la flexibilité apportée par le statut d’indépendant.

Les plateformes collaboratives dites d’emploi permettent la vente, la fourniture ou l’échange d’un bien ou d’un service produit ou réalisé par des travailleurs collaboratifs. Elles ont investi différents secteurs : la mobilité (transport particulier de personnes et livraison de biens ou de repas); les services aux particuliers qui proposent des services à domicile et des services à la personne ; les services aux entreprises, qu’il s’agisse de services qualifiés à haute valeur ajoutée (plateformes de freelance) ou de services moins qualifiés (dans les secteurs de la logistique, du commerce de détail, de l’administratif et de l’événementiel ou dans le secteur hôtellerie-café-restauration).

En premier lieu, le rapport explore différentes hypothèses de réformes pour clarifier le statut des travailleurs des plateformes. Il recommande d’écarter le tiers statut entre celui de salarié et d’indépendant qui serait spécifique aux travailleurs des plateformes. Il préconise que les travailleurs des plateformes de VTC et de livraison, après 6 à 12 mois d’activité et un certain niveau de chiffre d’affaires, soient dans l’obligation de s’affilier à un tiers pour les sécuriser. Ce tiers, librement choisi entre les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), les sociétés de portage ou d’autres formes, donnerait aux travailleurs un statut de salarié et toutes les protections du salariat, sans remettre en cause leur autonomie.

En deuxième lieu, le rapport relève que si les plateformes ont déjà organisé des formes de dialogue direct avec leurs travailleurs, ce dispositif est insuffisant pour être qualifié de dialogue social, celles-ci conservant un entier pouvoir de détermination des conditions d’exécution de la prestation. Afin de rééquilibrer les relations contractuelles et de réduire l’asymétrie de pouvoirs entre plateformes et travailleurs, le rapport propose une représentation des travailleurs fondée sur des élections dans chaque plateforme, après une période d’expérimentation.

Le rapport recommande d’inscrire dans la loi un déplacement de la charge de la preuve pour protéger les représentants des travailleurs, dans le cas où une mesure de baisse d’activité, dans une certaine proportion, serait prise par une plateforme à leur encontre. Il appartiendrait alors à la plateforme d’établir que cette baisse d’activité procède de motifs objectifs étrangers à l’exercice des fonctions de représentant.

En troisième lieu, pour réglementer et contrôler les plateformes numériques de travail, le rapport propose la création d’une autorité de régulation des plateformes qui aurait « pour mission de (i) présider à la mise en place du dialogue social au sein des plateformes, de jouer un rôle de médiateur en cas de litiges entre plateformes et travailleurs de plateformes, (ii) prendre position sur la détermination et le calcul du tarif minimum fixé par la loi, (iii) rendre un avis sur les décisions d’octroi, de suspension ou de suppression des licences aux plateformes, (iv) autoriser ou non la rupture des relations contractuelles à l’initiative des plateformes concernant les représentants des travailleurs, (v) organiser la négociation avec les plateformes sur le partage des frais de structuration collective via le recours à un tiers et (vi) d’une manière générale réunir et centraliser les éléments d’information statistique sur les plateformes de travail pour disposer en permanence de l’ensemble des éléments d’appréciation ».

Pour les plateformes dites de mobilité, le rapport recommande d’encadrer le temps de conduite des VTC à 60 heures hebdomadaires dans la zone dense urbaine d’Ile de France et prévoir un droit au repos. Il préconise de fixer dans la loi le principe d’une rémunération minimale pour les travailleurs des plateformes tenues à une responsabilité sociale, correspondant approximativement au SMIC horaire après couverture des coûts d’exploitation, dont le niveau sera fixé par décret, sans préjudice de la fixation d’un niveau supérieur par le dialogue social au sein des plateformes. Pour les VTC, cette rémunération s’établirait à 7€ par course, assortie d’un tarif horaire minimum de 15 à 18 euros, un même calcul devant également être effectué pour la livraison.

Enfin, la lettre de mission du Premier ministre sollicitait des éclairages quant à l’opportunité d’instaurer un ensemble de dispositions juridiques s’appliquant à toutes les formes d’activité professionnelle garantissant un socle de droits communs à l’ensemble des travailleurs. Le rapport se prononce pour un « statut commun des travailleurs », reposant sur la généralisation des comptes personnels et droits rechargeables, ainsi que sur le droit effectif au repos et le droit à la reconversion, reconnus à tous les travailleurs.

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