L’administration dispose d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la rupture de l'engagement décennal de servir d’un ancien élève de l’Ecole nationale d’administration pour lui réclamer le versement d’une indemnité

Paru dans le N°123 - Juin-juillet-août 2020
Encadrement supérieur

M. B…, à l’issue de sa scolarité à l’Ecole nationale d’administration (ENA), a été nommé magistrat des chambres régionales des comptes en 2002. Deux ans plus tard, il a été placé en disponibilité à plusieurs reprises (pour convenances personnelles et pour création d’entreprise) jusqu’en 2014. Il a ainsi excédé la durée totale pendant laquelle il pouvait bénéficier d’une disponibilité. En 2019, il a demandé sa réintégration dans son corps d’origine. Le Premier président de la Cour des comptes l’a informé par une lettre que, n’ayant pas demandé sa réintégration dans les délais légaux, sa radiation des cadres allait être proposée. Aussi, le Président de la République a réintégré pour ordre puis radié M. B… par décret en mai 2019.

Les anciens élèves de l’ENA signent un engagement à servir d’une durée de dix ans ; s’ils rompent cet engagement, ils doivent verser une somme prévue à l’article 1 du décret n° 2014-1370 du 14 novembre 2014, dont le montant est égal à deux fois le traitement net perçu durant les douze derniers mois de service. Constatant que M. B… n’avait servi l’Etat que pendant deux ans à l’issue de sa scolarité à l’ENA, le Président de la République l’a radié des cadres, et par un même décret, soumis M. B… à l’obligation de versement de cette indemnité.

M. B… a formé un recours devant le Conseil d’Etat contre ce décret du Président de la République.

Le Conseil d’Etat a rappelé la disposition contenue au troisième alinéa de l’article 49 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions de fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive des fonctions, dans sa rédaction applicable au litige, prévoyant que « Trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité, le fonctionnaire fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son corps d'origine ». En l’espèce, M. B… n’a pas fait connaître ses intentions à l’administration dans les délais prévus. De plus, le Premier président de la Cour des comptes a informé M. B… à plusieurs reprises par courriers de la durée de ses droits à disponibilité restants et lui a rappelé par un courrier son obligation de faire connaître ses intentions d’être réintégré ou radié des cadres trois mois avant le terme de sa période de disponibilité. Aussi, le Conseil d’Etat juge légale la radiation des cadres de M. B…

En revanche, le Conseil d’Etat rappelle que, aux termes de l’article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». En l’espèce, l’administration a eu connaissance, au plus tard, de l’épuisement des droits à disponibilité pour convenances personnelles de M. B… et de la rupture de son engagement à servir du fait de l’absence de demande de sa part pour réintégrer son corps d’origine au plus tard à la date d’épuisement desdits droits à disponibilité, c’est-à-dire en mars 2014. Le délai de cinq ans dont elle disposait pour le soumettre à l'obligation de versement de l’indemnité débutait donc à cette date, et non à la date de radiation des cadres. Or le décret du Président de la République attaqué a été pris en mai 2019, soit après l’expiration du délai de cinq ans. Le Conseil d’Etat juge ainsi que la prescription quinquennale fait obstacle à ce que le versement de l’indemnité soit mis à la charge de M. B…

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