Une décision créatrice de droits entachée d’un vice « danthonysable » ne peut être retirée ou abrogée, même dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision
Paru dans le N°120 - Février 2020
Légistique et procédure contentieuse
Mme A... B..., fonctionnaire territoriale relevant du corps des attachés territoriaux, a été nommée directrice générale des services de la commune de Bussy-Saint-Georges par arrêté du maire la détachant dans cet emploi fonctionnel. Moins de quatre mois plus tard, le maire a retiré l’acte portant nomination de Mme A... B... au motif que son détachement n’avait pas été précédé de la consultation de la commission administrative paritaire (CAP). Il l’a ainsi réintégrée dans son corps d’appartenance et l’a affectée à d’autres fonctions.
Mme A... B... a introduit un référé suspension devant le tribunal administratif de Melun visant à obtenir la suspension de l’exécution de l’arrêté de retrait de la décision la nommant directrice générale des services ainsi que des décisions prononçant sa réintégration et sa nouvelle affectation. Le juge des référés du tribunal administratif de Melun ayant rejeté ses demandes, la requérante se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’ordonnance rendue par le tribunal administratif.
Le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, le principe découlant de sa jurisprudence Ternon (CE, Ass., Ternon, n° 197018, 26 octobre 2001), désormais codifié à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), selon lequel le retrait d’une décision créatrice de droits n’est possible que si cette décision est illégale : « l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Il précise que si un vice de forme entraîne en principe l’illégalité d’une décision, un tel vice ne saurait affecter la légalité d’une décision administrative créatrice de droits que s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie, selon sa jurisprudence Danthony (CE, Ass., Danthony, n° 335033, 23 décembre 2011) : « Un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable […] n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».
Conciliant les apports de ces deux jurisprudences, le Conseil d’État conclut en l’espèce « qu’une décision créatrice de droits, entachée d’un vice qui n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision et qui n’a pas privé les intéressés d’une garantie, ne peut être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l’administration de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Il précise que « lorsque la loi ou le règlement prévoit la consultation préalable [d’une CAP] avant la décision de détachement, cette consultation constitue une garantie au bénéfice de l’ensemble des candidats à ce détachement ou susceptibles de l’être. Le défaut de cette consultation préalable ne peut en outre être regardé comme régularisé par la consultation [de la CAP] après la décision que dans les hypothèses où la loi ou le règlement permettent expressément de déroger au caractère préalable de la consultation, hypothèses dans lesquelles il n’est ni établi ni allégué que l’on se soit trouvé en l’espèce ».
En conséquence, les demandes de la requérante sont rejetées par la Haute juridiction.
Mme A... B... a introduit un référé suspension devant le tribunal administratif de Melun visant à obtenir la suspension de l’exécution de l’arrêté de retrait de la décision la nommant directrice générale des services ainsi que des décisions prononçant sa réintégration et sa nouvelle affectation. Le juge des référés du tribunal administratif de Melun ayant rejeté ses demandes, la requérante se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’ordonnance rendue par le tribunal administratif.
Le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, le principe découlant de sa jurisprudence Ternon (CE, Ass., Ternon, n° 197018, 26 octobre 2001), désormais codifié à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), selon lequel le retrait d’une décision créatrice de droits n’est possible que si cette décision est illégale : « l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Il précise que si un vice de forme entraîne en principe l’illégalité d’une décision, un tel vice ne saurait affecter la légalité d’une décision administrative créatrice de droits que s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie, selon sa jurisprudence Danthony (CE, Ass., Danthony, n° 335033, 23 décembre 2011) : « Un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable […] n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».
Conciliant les apports de ces deux jurisprudences, le Conseil d’État conclut en l’espèce « qu’une décision créatrice de droits, entachée d’un vice qui n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision et qui n’a pas privé les intéressés d’une garantie, ne peut être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l’administration de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
Il précise que « lorsque la loi ou le règlement prévoit la consultation préalable [d’une CAP] avant la décision de détachement, cette consultation constitue une garantie au bénéfice de l’ensemble des candidats à ce détachement ou susceptibles de l’être. Le défaut de cette consultation préalable ne peut en outre être regardé comme régularisé par la consultation [de la CAP] après la décision que dans les hypothèses où la loi ou le règlement permettent expressément de déroger au caractère préalable de la consultation, hypothèses dans lesquelles il n’est ni établi ni allégué que l’on se soit trouvé en l’espèce ».
En conséquence, les demandes de la requérante sont rejetées par la Haute juridiction.