Le Conseil d’Etat juge pour la première fois qu’un agent contractuel de l’Etat employé pendant plus de six ans dans les mêmes fonctions auprès de différents employeurs peut obtenir un CDI s’il est prouvé un lien entre les relations de travail, conférant à ces employeurs une unicité

Paru dans le N°116 - Octobre 2019
Agents contractuels de droit public

Les affaires n° 422866 et 422874 concernent deux anciens agents du CNRS employés dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) successifs. Dans l’affaire n° 422866, Monsieur B a été embauché en CDD par le CNRS comme ingénieur, puis par l’Université de Lille comme attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) tout en continuant ses activités de recherche au CNRS, et enfin par l’Institut Pasteur afin de mener de nouvelles recherches au CNRS. Dans l’affaire n° 422874, Monsieur A, également ingénieur embauché au CNRS, a ensuite conclu un contrat avec l’Université Provence-Aix-Marseille au sein du même laboratoire, puis un contrat de prestation de services avec le CNRS et cette Université sous le statut d'auto-entrepreneur. Estimant avoir dépassé la durée de six années de services publics effectifs auprès du même employeur, les intéressés ont demandé au CNRS la transformation de leur CDD en CDI, ce qui leur a été refusé. Ils ont alors introduit un recours contentieux.

Dans la première affaire, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du CNRS et enjoint ce dernier de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée (CDI). Dans la seconde affaire, le Tribunal administratif de Marseille a, au contraire, rejeté la demande du requérant. Saisies en appel, les Cours administratives d’appel de Marseille et de Douai ont estimé que les services effectués dans le cadre de ces contrats devaient être pris en considération pour le calcul de la durée des six ans travaillés auprès du CNRS et justifiaient, en conséquence, une CDIsation. Le CNRS s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat juge qu’aux termes de la lecture combinée de l'article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (dite « Loi Sauvadet ») : « Lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné. ». Faisant application de cette méthode aux cas d’espèce, le Conseil d’Etat juge dans la première affaire que les contrats successifs n’ouvraient pas droit à la CDIsation car, d’une part, le CNRS n’est pas l’employeur du contrat d’ATER et que, d’autre part, les fonctions d’ATER ne constituent pas un travail exclusif de recherche. Dans la seconde affaire, il confirme au contraire le jugement rendu par la Cour administrative de Marseille : « en jugeant que le recours à un contrat de prestation de services avec M. A... était entaché de détournement de procédure dans le but de ne pas le faire bénéficier d'un contrat à durée indéterminée en application des dispositions de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. En en déduisant que cette période de prestations de service devait être incluse dans la durée des services publics effectifs accomplis auprès du CNRS au sens de ces mêmes dispositions, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. ».

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