Un travailleur à temps partiel peut soulever une apparence de discrimination

Paru dans le N°116 - Octobre 2019
Agents contractuels de droit public

Mme S., ressortissante autrichienne, a été employée par l’université de Vienne sur la base d’une série de contrats à durée déterminée successifs, en partie à temps plein et en partie à temps partiel, notamment dans le but de poursuivre et d’achever un projet de recherche. Ses contrats ayant atteint une durée cumulée de huit ans, ceux-ci n’ont pas été renouvelés, alors qu’elle estimait pouvoir prétendre à une prolongation de ceux-ci jusqu’à douze ans, en vertu d’une disposition de la loi autrichienne sur les universités applicable aux travailleurs à temps partiel poursuivant des projets de recherche.

L’intéressée a saisi le juge autrichien. La juridiction de renvoi saisi en deuxième examen, a sursis à statuer en renvoyant trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur la conformité de la réglementation autrichienne à la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel (directive 97/81/CE), aux articles 2, paragraphe 1, sous b), et 19, paragraphe 1 de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
 
En premier lieu, la CJUE conclut que « la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel (…) doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fixe, pour les travailleurs à durée déterminée qu’elle vise, une durée maximale des relations de travail plus longue pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps plein comparables, à moins qu’une telle différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et soit proportionnée par rapport auxdites raisons, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. La clause 4, point 2, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel doit être interprétée en ce sens que le principe du prorata temporis qui y est visé ne s’applique pas à une telle réglementation. »
 
En second lieu, la CJUE observe que la requérante a indiqué qu’en règle générale, les mesures qui affectent négativement les travailleurs à temps partiel par rapport aux travailleurs à temps plein sont susceptibles de désavantager particulièrement les femmes. Cette dernière n’ayant pu cependant étayer cette thèse par des données statistiques complètes, la CJUE sanctionne la réglementation autrichienne, en se fondant sur l’apparence de discrimination : « l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui fixe, pour les travailleurs à durée déterminée qu’elle vise, une durée maximale des relations de travail plus longue pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps plein comparables, s’il est établi que cette réglementation affecte négativement un pourcentage significativement plus élevé de travailleurs féminins que de travailleurs masculins et si ladite réglementation n’est pas objectivement justifiée par un but légitime ou si les moyens pour parvenir à ce but ne sont pas appropriés et nécessaires . L’article 19, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens que cette disposition n’exige pas de la partie qui s’estime lésée par une telle discrimination qu’elle produise, afin d’établir une apparence de discrimination, des statistiques ou des faits précis ciblant les travailleurs concernés par la réglementation nationale en cause si cette partie n’a pas accès ou n’a que difficilement accès à ces statistiques ou faits. »

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