Réforme de la fonction publique en Europe : quel avenir pour la gestion des ressources humaines ?

par Christoph Demmke

À propos de l'auteur

Christoph Demmke est professeur de gestion publique à l'université de Vaasa en Finlande. Il est l'auteur de nombreuses publications dans le domaine des réformes comparatives des ressources humaines et de l'éthique.

 

Alors que la plupart des pays de l'Union européenne continuent de s’éloigner du modèle d’organisation classique de type wébérien et bureaucratique, ils ne s’orientent pas pour autant vers un modèle de référence universel fondé sur les meilleures pratiques ni vers un modèle de gouvernement privatisé. Au lieu de cela, les nouvelles réformes tendent vers des formes flexibles de gouvernance et une diversité de nouvelles pratiques et d’organisations. Les tendances actuelles remettent également en question les concepts classiques de séparation entre l’administration publique et la société, de rationalité, de normalisation et même d’État de droit. Cet article examine les implications du processus actuel vers une fragmentation, une flexibilisation et une individualisation accrues au sein de la fonction publique.

 

L’administration publique est l’un des éléments constitutifs du système de gouvernement et son importance est telle qu’un pays peut subsister sans gouvernement mais pas sans administration publique. C’est ainsi qu’à ce jour, aucun gouvernement n’a totalement privatisé la prestation de services publics et aucune administration publique ne fonctionne comme une société privée. Pourtant, malgré l’importance qu’elle présente pour des millions de personnes, sa nature est peu connue du grand public auprès duquel elle n’a en général pas très bonne réputation. Dans le meilleur des cas, le sujet de la réforme de l’administration publique n’intéresse que les spécialistes. De même, les réformes de la fonction publique et de la gestion des ressources humaines (GRH) sont surtout l’affaire des juristes, des spécialistes des ressources humaines (RH) et des fonctionnaires eux-mêmes. Il y a là de quoi surprendre puisque, l’administration et la fonction publiques étant en principe au service des citoyens, les réformes qui les transforment devraient susciter un plus grand intérêt au sein de la population.

Si les citoyens ne s’intéressent que peu à l’administration publique, ils ont néanmoins des attentes légitimes à son égard qui se traduisent par l’exigence d’une prestation de services publics guidée par des objectifs ambitieux. Les citoyens attendent notamment des systèmes de GRH qu’ils garantissent le respect des valeurs fondamentales, des principes du droit administratif et donnent la priorité à l’efficacité, l’efficience et la transparence. Les politiques de GRH appliquées dans l’Administration sont également supposées garantir l’égalité de traitement et l’équité, être attractives et compétitives par rapport à celles du secteur privé, tout en s’inscrivant dans une gestion prudente de l’argent des contribuables et en récompensant les performances individuelles. Les structures d’emploi devraient quant à elles appliquer de plus en plus des politiques de diversité et être représentatives tout en garantissant le respect des principes de la reconnaissance du mérite, de l’égalité des chances et de la non-discrimination (dont la définition est aujourd’hui beaucoup plus large qu’il y a quelques dizaines d’années).

L’émergence de la fonction publique de type bureaucratique aux XIXe et XXe siècle

 

Pendant longtemps, la fonction et l’emploi publics ont pu être définis en rapport avec la souveraineté de l’État, la doctrine de la primauté du droit et le principe de légalité. L’attribution du statut d’agent de l’État était toujours liée à l’exercice de fonctions régaliennes, à la protection de l’intérêt général de l’État et à la conception classique de l’État-nation.

En Europe, l’instauration d’une fonction publique indépendante et impartiale est aussi étroitement liée à l’émergence de l’État républicain (en France en premier lieu) et de l’État-nation (en particulier après le congrès de Vienne de 1815) (Schulze, 2004). En France, le statut de droit public a été « inventé » pendant la révolution afin d’attacher les fonctionnaires à l’État plutôt qu’à la monarchie ou à d’autres intérêts privés. Ainsi, Bekke et van der Meer (2001) et Rosanvallon (2015) définissent-ils les systèmes modernes d’administration comme des systèmes dépersonnalisés qui diffèrent des modes traditionnels de gouvernement. Cependant, la mise en place d’une fonction publique indépendante, impartiale et fondée sur le mérite fut plus difficile qu’attendu. « En effet, pendant la majeure partie du XIXe siècle [...] le clientélisme dominait les politiques de gestion du personnel. [...] La fonction publique était devenue un fief privé où l’arrogance, la cupidité et l’opportunisme prévalaient sur l’honneur, l’ouverture et la prudence. Le favoritisme, le népotisme, l’intimidation, la corruption, le gaspillage, les scandales et les licenciements massifs étaient chose courante durant cette époque peu glorieuse. Sa priorité absolue n’était pas la gouvernance mais de récompenser ses amis, d’octroyer des faveurs en contrepartie de faveurs reçues. » (Bowman et West, 2008 : 183)

Au XIXe siècle, la GRH connaît une centralisation croissante ainsi que d’importants changements avec la mise en place de procédures de recrutement centralisées, l’adoption de lois encadrant la fonction publique et l’introduction de dispositions favorisant la reconnaissance du mérite (examens d’entrée, sécurité d’emploi, système de carrière et neutralité politique, notamment). Ces changements étaient supposés garantir la moralité de la démocratie et protéger les agents des décisions motivées par des considérations politiques. La protection du fonctionnaire passe alors également par son statut qui a de nombreuses particularités par rapport aux régimes d’emploi de droit commun. Contrairement aux idées reçues, la création d’une telle fonction publique de type bureaucratique avait comme but d’accompagner l’émergence d’un État libéral qui reposait sur la primauté du droit. C’est ainsi que les États libéraux européens donnèrent à leurs organisations publiques des caractéristiques particulières pensant que cela conditionnerait l’attitude des fonctionnaires.

Au XXe siècle, les États instaurent des structures organisationnelles hiérarchiques et formelles, des méthodes de gestion scientifiques inspirées de Taylor et de Fayol, des plans de carrière clairs et immuables, des postes à temps plein et des emplois à vie, de l’avancement à l’ancienneté, des régimes de retraite avantageux et des systèmes de rémunération rigides pour réduire autant que possible les risques d’ingérence politique, de corruption, de comportements abusifs, de satisfaction d’intérêts privés et d’instabilité administrative. Jusqu’à aujourd’hui, l’essence de la bonne conduite administrative est de suivre des principes de hiérarchie et des doctrines fondées sur l’État de droit. En suivant cette approche, l’administration est considérée comme efficace et éthique si elle parvient au moins à appliquer et à faire respecter les lois existantes et les objectifs stratégiques du gouvernement alors en place. En outre, un comportement éthiquement bon ou acceptable continue à être défini en référence à la rationalité, au respect de la loi, à l’impartialité et à la standardisation. D’un point de vue éthique, suivre les obligations légales ou les ordres des supérieurs hiérarchiques ne pose généralement pas de problème. Cette ligne directrice, encore considérée pertinente pour les agents publics, souligne l’importance de la primauté du droit et de la loyauté envers les gouvernements démocratiquement élus.

Dicey définit la primauté du droit en ces termes : « lorsque nous disons que notre pays a pour caractéristique d’être un « État de droit », cela signifie non seulement qu’avec nous aucun homme n’est au-dessus de la loi mais aussi (et c’est une autre idée) qu’ici tout homme, quels que soient son rang et sa condition, est soumis à la loi ordinaire du royaume et peut avoir à répondre de ses actes devant les tribunaux ordinaires. » Ainsi, personne n’est au-dessus de la loi et tous sont soumis aux mêmes lois que font appliquer les mêmes tribunaux. (Bingham, 2010). Cette vision traditionnelle, rationnelle, technique, légaliste et instrumentale des organisations publiques et de leurs agents n’a aujourd’hui pas entièrement disparu. Les administrations publiques centrales restant fermées sur elles-mêmes et séparées de la société et des citoyens, leurs agents constituent encore une catégorie de personnel relativement protégée. En raison de leur statut particulier, les fonctionnaires sont supposés être motivés par le sens du service public (Perry et Hondeghem, 2008), avoir des valeurs et des personnalités différentes, être animés par d’autres facteurs motivationnels, travailler différemment des employés du secteur privé, aspirer davantage à la sécurité, s’acquitter différemment de leurs tâches, être plus respectueux des règles et avoir plus à cœur le bien commun.

 

La « psychologisation » de la gestion des ressources humaines : une rupture avec le modèle bureaucratique traditionnel 

 

Les tendances actuelles en matière de GRH ont ouvert la fonction publique à des innovations toujours plus variées. Même si la plupart des gouvernements conviennent que l’État n’a pas à tenter de forger le caractère ou cultiver la vertu de ses citoyens, l’intérêt croissant pour l’éthique comportementale (Wieland, 2010), le « tournant affectif dans l’économie » (Priddat, 2010), la popularité du nudge (en tant qu’outil), le mouvement de déstandardisation et la tendance à la délégation des responsabilités par le biais de l’engagement, de la formation continue et du développement des aptitudes des agents (qui deviennent des stratégies de GRH) indiquent que la tendance actuelle dans le domaine de la GRH est à l’individualisation et à la « psychologisation » (Godard, 2014).

Ces évolutions vont à l’encontre d’une grande tradition administrative : dans le secteur public, la GRH a longtemps été dominée par des méthodes rationnelles, légalistes, standardisées et techniques. La GRH traditionnelle est aujourd’hui menacée, à la fois sur le plan théorique et dans la pratique, car elle est contestée par des arguments d’ordre éthique, financier, budgétaire, comportemental et managérial et par les dernières découvertes dans le domaine des neurosciences (Thompson, 2011 : 363). La discipline de la GRH est en train d’intégrer de nouvelles connaissances, émanant notamment des sciences comportementales. Cette évolution tranche avec l’approche classique, qui était fondée sur des idées technicistes et légalistes ignorant la dimension psychologique, bien que l’on sache depuis les expériences menées à l’usine Hawthorne (et même bien avant cela) que le comportement individuel est en grande partie influencé, notamment, par le sentiment de justice et d’équité, par des émotions comme l’espoir et la peur, par les aspirations ou les attentes. Aujourd’hui, des outils comme le nudge sont devenus extrêmement populaires. Par exemple, en matière d’éthique, l’approche consistant à légiférer et à veiller au respect des règles est jugée inefficace puisqu’elle ne protège que des formes volontaires de comportement contraire à l’éthique (et non des formes involontaires). Des disciplines comme l’éthique comportementale expliquent pourquoi les individus surestiment leur capacité à faire ce qui est juste et pourquoi ils peuvent agir sans le vouloir de manière contraire à l’éthique (Bazerman et Tenbrunsel, 2011). Cet intérêt pour les méthodes comportementales est sans doute une réaction aux failles des méthodes (bureaucratiques) traditionnelles.

Toutefois, l’approche comportementale n’est ni nouvelle ni exempte de difficultés. Il y a quelques décennies, Lindblom affirmait que « les décisions prises dans ce cadre politique ne peuvent jamais être parfaitement rationnelles mais [...] sont le fruit d’une rationalité limitée ». Cela signifie qu’au lieu de chercher à tout prix des solutions « optimales », le décideur public doit se satisfaire de solutions « suffisamment bonnes » ou, comme l’écrivait Lindblom, doit « faire au mieux » (Lindblom, 1959).

Dans les années 1950, Simon n’écartait pas la possibilité que des changements puissent découler de processus rationnels. Toutefois, il a démontré que les organisations ne fonctionnaient jamais de manière purement rationnelle ou parfaite : « Nous oublions parfois qu’une organisation est un groupe de personnes agissantes. Ces personnes ne sont ni des outils ni des machines. Elles ont des sentiments, des espoirs et des peurs. Elles peuvent tomber malades, avoir faim, se mettre en colère, se sentir frustrées, être heureuses ou être tristes. Leur comportement est soumis à toute une série d’influences remontant jusqu’à leur naissance [...] » (Simon, 1973). D’après Simon, l’administration publique est le siège de conflits et de blocages incessants dans le système de communication, qui résultent des facteurs suivants :

  • barrière de la langue (mauvaises interprétations et incompréhensions) ;
  • divergence des cadres de référence (concepts appréhendés sous un angle différent) ;
  • distance géographique (entre services, pays, ministères) ;
  • différences de statut (conduisant à un filtrage des informations d’un niveau hiérarchique à l’autre) ;
  • volonté de se protéger (les individus sont plus enclins à communiquer ce qui les met en valeur) ;
  • charge de travail (les agents ont tendance à négliger des questions importantes) ;
  • censure (restriction du flux d’informations par l’autorité ou la force).

 

Ainsi, il y a déjà de nombreuses années, des spécialistes sont parvenus à la conclusion qu’en réalité, le travail des agents publics est paradoxal, individuel, influencé par des préconceptions, émotionnel, pluriel, politique et imprévisible. L’approche bureaucratique classique de Weber et de Taylor négligeait l’importance des individus car elle se concentrait sur le concept de « neutralité administrative » et sur la supériorité des méthodes rationnelles et légalistes. Pourtant, une confrontation de ces deux approches et une comparaison de leurs avantages et inconvénients respectifs n’auraient pas grand sens. La meilleure manière d’évaluer un système de GRH est en réalité d’examiner le niveau de qualité, d’efficience, d’impartialité, de professionnalisme et de réactivité qu’il génère, et d’observer dans quelle mesure il facilite la réalisation des objectifs et la fourniture de services de qualité aux citoyens. Les nouvelles approches comportementales (OCDE, 2018) doivent donc recevoir un accueil favorable tant qu’elles ne conduisent pas à un nouveau « relativisme moral » et à une défiance systématique vis-à-vis de la pensée rationnelle. En effet, à l’heure des découvertes en sciences comportementales, leur popularité croissante remet en question des concepts (et des outils) classiques, tels que la primauté du droit, et les principes du droit administratif.

 

Vers une gestion déstandardisée et individualisée des ressources humaines ?

 

Comme exposé plus haut, la modernité reposait essentiellement sur des principes tels que l’universalité des valeurs, le caractère absolu des normes, la bureaucratie et la rationalité. À l’inverse, dans le cadre du postmodernisme, « les postulats fondamentaux sont discrédités en ce qu’ils sont définitifs et absolus. Les postulats relatifs à l’existence d’une nature humaine objectivement réelle et universelle, d’un droit naturel ou de valeurs absolues et de vérités suprêmes […] ne sont plus valables… » (Cooper, 2006, 45). Fukuyama (2018) estime que les concepts universels sont remis en cause par des formes de reconnaissance partiales fondées sur l’appartenance à une nation, une religion, une secte, un groupe ethnique ou un genre, ou par des individus souhaitant être reconnus comme supérieurs. « L’une des principales menaces qui pèsent sur les démocraties libérales modernes est la montée en puissance de la politique des identités… » (Fukuyama, 2018, xvi). Par ailleurs, dans le domaine de la gestion publique, le paradigme de notre époque n’est plus celui de l’ère où l’obéissance, la prise de décisions hiérarchique et le traitement uniforme des individus étaient censés assurer à tous un traitement équitable (Menzel, 2011). En conséquence, l’importance des théories sur la justice organisationnelle ne cesse de croître.

« L’ère de la standardisation et du déclin du clientélisme était un contexte favorable à l’idée que traiter tous les individus de manière égale revenait à les traiter de manière équitable et à sa mise en pratique. Les sociétés postmodernes, parallèlement à la diversité des origines ethniques, des genres et des âges, ont mis les élus et les gestionnaires de tous pays au défi de repenser comment être équitable en traitant les individus de manière inégale » (Menzel, 2011, 122). Un nouveau pari à relever, toutefois, est donc de concevoir des systèmes de GRH équitables dans un cadre décentralisé et individualisé, car « l’enjeu à long terme (…) est de créer des structures qui allient l’efficacité et la capacité de service des organisations décentralisées au caractère uniforme et légaliste des organisations hiérarchiques » (Peters et Pierre, 2003:6).

Dans le domaine de la GRH, un large éventail de politiques et de dispositifs ont fait l’objet de réformes axées sur la déstandardisation, la diversité et l’individualisation, notamment :

  • la déstandardisation et la flexibilisation des horaires de travail ;
  • la déstandardisation et l’individualisation de la rémunération (au moyen du mouvement vers la différenciation des salaires et la rémunération liée à la performance) ;
  • la déstandardisation des méthodes et procédures de recrutement fondées auparavant sur les qualifications et non sur l’amélioration des compétences et les aptitudes ;
  • la déstandardisation et l’individualisation de la formation, par exemple l’accompagnement professionnel et les politiques d’évolution de carrière ;
  • la déstandardisation et l’individualisation des politiques d’amélioration des compétences et de gestion des aptitudes ;
  • la flexibilisation des politiques de retraite et de l’âge de la retraite ;
  • la flexibilisation des contrats de travail et des politiques de l’emploi ;
  • l’introduction de politiques de la diversité ;
  • la décentralisation des compétences en matière de RH aux gestionnaires de proximité ;
  • la réforme de l’organisation du travail et les mesures en faveur d’une plus grande autonomie professionnelle ;
  • la possibilité d’accroître la mobilité entre les secteurs public et privé, interministérielle, intraministérielle et tout au long de la carrière ;
  • la suppression des politiques d’avancement de carrière traditionnelles telles que l’avancement automatique à l’ancienneté.

 

Toutes ces avancées sont porteuses de possibilités nouvelles, mais aussi de difficultés inédites. Ainsi, les pays européens offrent un plus large éventail de relations d’emploi et cette diversité des relations contractuelles fait qu’il n’est pas rare de voir des fonctionnaires travailler aux côtés d’agents publics ou de titulaires de contrats à durée déterminée, tous effectuant les mêmes tâches. Une autre conséquence du processus de déstandardisation est sans doute d’avoir laissé aux experts en RH et aux managers dotés de pouvoirs de décision discrétionnaires dans ces domaines le pouvoir de juger de la moralité des méthodes légalistes et des pratiques de GRH standardisées et fondées sur le mérite. Le déclin des approches standardisées a ainsi accru la vulnérabilité de nombreux agents à l’égard de comportements discrétionnaires, opportunistes et subjectifs. Par ailleurs, l’évolution vers la numérisation et la flexibilisation transforme les conditions de travail et conduit à l’individualisation des pratiques de GRH en facilitant le suivi, la mesure et l’enregistrement des efforts individuels et de l’engagement des agents (Sundararajan, 2016 ; Lupton, 2016). Le fait que certains pays tendent de plus en plus à mesurer le degré d’engagement de différentes catégories de personnel, voire de certains cadres, illustre bien cette réalité.

 

Mesurer l’engagement des effectifs issus de la diversité

Mesurer l’engagement des effectifs issus de la diversité : enseignements d’une enquête menée auprès du personnel de la fonction publique britannique

 

Une analyse des données du Civil Service People Survey (une enquête menée auprès du personnel de la fonction publique britannique, toutes administrations confondues), peut être effectuée pour différents groupes issus de la diversité. Elle met en lumière la disparité des situations vécues par les personnels de la fonction publique. Globalement, les femmes sont plus impliquées que les hommes, de même que les agents issus de minorités ethniques comparés à leurs collègues blancs. La perception des agents homosexuels et bisexuels n’est pas sensiblement différente de celle des agents hétérosexuels, tandis que les agents handicapés apparaissent nettement moins impliqués que les agents valides. Ces tendances sont restées relativement stables sur la période de sept ans couverte par l’enquête.

Ces caractéristiques générales masquent certains enseignements intéressants que l’on peut tirer en observant des sous-groupes à l’intérieur de ces catégories. Ainsi, bien que les femmes soient dans l’ensemble plus impliquées que les hommes, lorsqu’on les compare à chaque échelon, le niveau d’engagement des femmes occupant des postes de direction est similaire à celui des hommes ayant les mêmes responsabilités. De même, si les agents issus de minorités ethniques sont plus impliqués que leurs homologues blancs, les premiers manifestent un engagement moindre que les seconds lorsqu’ils occupent des postes d’encadrement supérieur. Les agents homosexuels et bisexuels montrent le même degré d’engagement que leurs collègues hétérosexuels, et ce quel que soit l’échelon auquel ils se situent ; à l’inverse, l’engagement des agents handicapés, à chaque échelon, est nettement plus faible que celui des agents valides. Globalement, si le degré d’engagement et l’attitude générale des agents homosexuels et bisexuels vis-à-vis de leur travail ne semblent pas différents, ils sont 1,5 fois plus susceptibles de faire l’objet de discrimination ou de harcèlement dans leur environnement professionnel.

Ces variations ne se retrouvent pas de manière identique dans l’ensemble des agences et ministères. Ainsi, si l’écart entre les agents handicapés et les agents valides en termes d’engagement dans toute la fonction publique s’établissait à 9 points de pourcentage en 2014, il était de 16 points de pourcentage au ministère des Collectivités territoriales (Department for Communities and Local Government) et de seulement 2 points de pourcentage à l’Agence nationale contre le crime (National Crime Agency).

Au début de l’année 2015, la fonction publique a diffusé, comme d’ordinaire, les résultats obtenus par l’ensemble des administrations publiques et par chaque ministère/agence, mais également des analyses détaillées effectuées à partir de l’enquête menée auprès de son personnel pour différents groupes issus de la diversité.

Source: UK Cabinet Office (services du Premier ministre britannique), Civil Service People Survey, Cabinet Office, Londres.

 

Cette situation invite à s’interroger de manière plus approfondie sur « la moralité de la GRH contemporaine et accroît l’intérêt de procéder à une évaluation morale du comportement des directeurs, gestionnaires et professionnels des ressources humaines » (Pinnington/Macklin/Campbell, 2012, 3). Par ailleurs, cette tendance à la déstandardisation des pratiques de GRH, cet idéal d’autonomie des individus et cette évolution dans le domaine des aptitudes individuelles et des politiques d’amélioration des compétences mettent également en cause les conceptions classiques fondées sur le mérite. Comment préserver la reconnaissance du mérite, l’équité et l’égalité de traitement dans un cadre fragmenté, décentralisé et individualisé ?

 

Déstandardisation de la rémunération et sentiment d’équité

 

Dans le passé, les politiques de GRH reposaient sur un principe : pour garantir l’équité, tous les agents devaient être traités de la même manière. Les fonctionnaires de la même tranche d’âge, du même grade et dotés des mêmes qualifications ont longtemps perçu un salaire identique (qui, bien souvent, augmentait de manière régulière conformément au principe de l’avancement automatique à l’ancienneté). Les systèmes de rémunération traditionnels, établis depuis plusieurs décennies, n’ont guère connu d’évolution sur une longue période. L’importance accordée à la carrière, à la stabilité, à l’ancienneté et aux fonctions avait alors un sens, la grande majorité des agents publics ayant des qualifications et des emplois similaires. Le système de rémunération classique était adapté aux valeurs qui prédominaient à l’époque : la bureaucratisation, la standardisation et l’égalité. Ainsi, tandis que les politiques de rémunération de la fonction publique reposaient sur le principe d’égalité, le secteur privé rémunérait les salariés selon le principe de l’autonomie. Aujourd’hui, le paradigme de notre époque n’est plus celui de l’ère où le traitement uniforme des individus était censé assurer à tous un traitement équitable ; la plupart des gens estiment en effet que pour être équitable, il faut traiter les individus de manière différenciée (Cooper, 2006).

En conséquence, les systèmes de rémunération traditionnels fondés sur une échelle des carrières et l’augmentation des salaires en fonction de l’ancienneté reflètent de plus en plus une conception de l’emploi qui tombe en désuétude. De nos jours, les agents eux-mêmes s’attendent à ce que leurs performances individuelles soient immédiatement reconnues et récompensées. Néanmoins, peu d’études ont été menées jusqu’à présent sur l’incidence des tendances à la déstandardisation et de l’évolution des systèmes de rémunération au mérite sur le comportement en milieu de travail et le sentiment de justice organisationnelle chez les agents publics. Dans l’ensemble, la diversité des salaires en tant que telle s’est accrue au sein des systèmes nationaux et des professions et grades (OCDE, 2017). Entre-temps, un large écart s’est creusé entre les rémunérations des dirigeants, des cadres intermédiaires et des personnels techniques. Il convient de noter que les salaires varient aussi très fortement d’un pays à l’autre pour une même catégorie de personnel.

Par ailleurs, la structure des systèmes s’est diversifiée. Ainsi, il est considéré aujourd’hui comme équitable que des fonctionnaires perçoivent des salaires plus élevés s’ils obtiennent des résultats remarquables et des évaluations de performance positives. Toutefois, cette logique conduit également à s’interroger sur la possibilité réelle de réaliser des évaluations de performance professionnelles et équitables qui justifient des inégalités de salaire, et sur les modalités de ces évaluations. Cette évolution vers la dispersion salariale posera problème tant que les gestionnaires ne parviendront pas à faire en sorte que les agents perçoivent davantage cette dispersion des salaires comme légitime (et à accroître leur sentiment de justice organisationnelle), ce qui permet de penser que l’équité des procédures des systèmes de GRH peut maximiser l’efficacité de la distribution des ressources de l’organisation, telles que la rémunération.

Le sentiment d’équité a donc évolué et revêt une autre forme. Désormais, le sentiment nouveau d’être traité de manière inéquitable (par exemple par ceux qui mesurent les niveaux de performance) est apparu et, dans nombre de cas, les agents sont encore plus démotivés et déçus après l’introduction de la rémunération à la performance. Comparant sans cesse leurs résultats à ceux de leurs collègues, les agents ont aussi tendance à penser que ceux qui perçoivent des primes et une rémunération à la performance ne les méritent pas. Par ailleurs, ceux qui ne bénéficient pas de cette rémunération à la performance peuvent être démotivés car ils s’attendaient à recevoir des primes ou une autre forme de gratification. Un autre problème est que de nombreux agents doutent de la capacité de leurs supérieurs à prendre des décisions équitables au moment de déterminer leur rémunération en fonction de leurs performances. En conséquence, beaucoup estiment qu’ils sont traités de manière inéquitable et que leurs supérieurs prennent des décisions peu professionnelles ou injustes quant à leur rémunération. Dans tous les cas, l’aspiration à être considéré individuellement se concilie mal avec l’aspiration à être traité sur un pied d’égalité avec les autres. L’individualisation et la disparité de plus en plus marquée des salaires semblent également induire un sentiment plus aigu d’injustice distributive.

L’exemple de la différenciation des salaires illustre bien le fait que les gens sont de plus en plus attentifs au caractère équitable des événements et situations qu’ils rencontrent au quotidien dans une grande variété de contextes (Matrinko/Gundlach/Douglas, 2002). En conséquence, le fait que les individus perçoivent qu’ils sont traités de manière injuste et inéquitable peut fortement influencer leur comportement et avoir une incidence positive ou négative sur leurs propres résultats et ceux de leur organisation (de Schrijver/Delbeke/Maesschalck/Pleysier, 2010).

 

Déstandardisation des politiques de recrutement et équité

 

Auparavant, les fonctions publiques nationales avaient majoritairement recours à des cadres de recrutement communs et standardisés tels que les concours. En règle générale, les agents étaient recrutés sur la base de leurs qualifications et de leurs diplômes. La plupart des pays ont également instauré des systèmes de recrutement fondés sur le mérite et définissant des critères communs auxquels les fonctionnaires devaient satisfaire, par le biais, notamment, d’épreuves standardisées. Ces systèmes étaient conçus pour garantir un haut niveau de professionnalisation (et non de politisation) de la fonction publique et assurer les mêmes chances à tous les candidats. S’il est vrai que ces systèmes reposaient sur des valeurs d’équité interne, de professionnalisme et d’égalité d’accès, il leur a été reproché de s’avérer peu efficaces dans un contexte de mise en concurrence pour des ensembles de compétences particuliers (OCDE, 2017c, 75). En outre, ces systèmes de recrutement étaient peu satisfaisants car ils étaient fondés sur les compétences et des qualifications acquises et évaluées dans le passé, et non sur le développement de compétences sociales et techniques ni d’aptitudes comportementales nouvelles.

De nos jours, les responsables politiques et les gestionnaires répètent volontiers que la compétitivité économique dépend de manière cruciale des compétences et de l’investissement dans la formation des ressources humaines. Partout, les gouvernements, les décideurs et les experts en gestion s’accordent sur le rôle essentiel des compétences, de la formation et de l’apprentissage tout au long de la vie pour assurer la compétitivité et la cohésion sociale. Selon ce discours, les compétences constituent la réponse à toute une série de problèmes économiques et sociaux. Compte tenu de l’importance croissante des politiques relatives aux compétences, la notion même de compétences a également beaucoup évolué et recouvre un champ bien plus vaste. Le discours en vogue actuellement utilise des concepts aussi disparates que l’élargissement des compétences de base, les compétences d’employabilité, les compétences d’adaptation, les compétences clés, les compétences en matière de gestion, les compétences du futur, les compétences numériques et les compétences de direction (Payne, 2000). Le terme même de « compétence » est aussi devenu indiscernable des caractéristiques, aptitudes et comportements personnels.

Pourquoi les politiques d’amélioration des compétences occupent-elles désormais une si large place, en dehors des facteurs économiques ? Cela tient principalement à l’évolution que connaissent les structures traditionnelles et hiérarchiques vers des structures « aplaties » et une plus grande autonomie professionnelle, les agents devant disposer de compétences comportementales plus solides dans le domaine relationnel et en matière de communication et de résolution de problèmes. Toutefois, les progrès technologiques et la restructuration des organisations ne sont pas les seuls facteurs du renouvellement des compétences. Globalement, la décentralisation, la fragmentation et l’individualisation des structures et des processus impliquent aussi la décentralisation et l’individualisation des politiques d’amélioration des compétences et de formation.

Dans leur publication sur la formation et la valorisation des ressources humaines dans les États membres de l’Union européenne (Training and Human Resource Development in the European Union Member States), Bossaert et al. (2008) notent que l’évolution vers des méthodes de GRH plus individualisées peut s’observer également dans le domaine de la formation, « où la philosophie du "catalogue" d’activités de formation standardisées tend à disparaître au profit de programmes d’"action" sur mesure, qui s’appuient sur les besoins concrets des individus et visent essentiellement au transfert d’aptitudes » (Bossaert, 2008, 6). En outre, les pays s’efforcent de plus en plus de recruter, de valoriser et de rémunérer les fonctionnaires sur la base d’ensembles d’aptitudes et de compétences spécifiques, dans le cadre d’un marché concurrentiel. Ainsi, la numérisation de l’administration publique oblige les agents à s’adapter rapidement à ce changement. C’est pourquoi un nombre croissant de pays escomptent que leurs fonctionnaires seront capables d’anticiper les évolutions touchant à leur poste (OCDE, 2017, 15).

Les administrations publiques répondent aux nouveaux défis qui se présentent en mettant en œuvre des politiques de recrutement déstandardisées et individualisées et en ajustant leurs méthodes de recrutement en fonction des compétences particulières requises (OCDE, 2017, 76). Cette évolution se fait de plus en plus en ayant recours à des pratiques de recrutement plus diversifiées et au recrutement externe, ou à des pratiques de recrutement distinctes, par exemple pour les hauts fonctionnaires. Par ailleurs, les administrations publiques conçoivent de plus en plus des profils d’aptitudes spécifiques pour différentes catégories d’agents. De nos jours, les pays souhaitent élaborer des politiques d’emploi et des cadres de recrutement axés sur les qualités, les compétences et l’expertise individuelles (OCDE, 2017, 10) afin de faire coïncider les nouvelles exigences en matière de compétences avec l’évolution des aptitudes.

Néanmoins, cette tendance vers des compétences attendues différentes telles que la capacité d’amélioration des compétences et le recours à l’autoformation aux fins d’adaptation marque une rupture claire avec la vision traditionnelle du bureaucrate docile et les politiques de recrutement standardisées. Ces tendances remettent en cause l’équité et les systèmes de recrutement fondés sur le mérite et posent la question des modalités de conception, d’évaluation et de contrôle des compétences individuelles dans un cadre décentralisé et individualisé (OCDE, 2017, 67). Aujourd’hui, les systèmes de recrutement déstandardisés sont plus exposés aux atteintes à l’intégrité que les systèmes standardisés. Ces dernières années, la politisation et le clivage des fonctions publiques décentralisées et déstandardisées des pays d’Europe centrale, en particulier, sont devenus de plus en plus évidents (Itrich-Drabarek, 2015).

 

Les effets du changement

 

Naturellement, il est difficile de savoir où nous mènent toutes ces réformes. Pour ce faire, il est absolument essentiel de parvenir à identifier ce qui ressort de ces nombreuses réformes, mais l’exercice est loin d’être simple. En réalité, les experts n’ont pas une compréhension précise des mutations à l’œuvre dans la fonction publique. De plus, les éléments probants manquent pour déterminer si ces processus de changement produisent de meilleurs résultats et, dans l’affirmative, quels processus de changement et quels instruments de réforme précisément. « Un examen approfondi des « résultats » nécessite donc de poser la question plus vaste de « quels résultats pour qui, définis par qui, et selon quels objectifs ? » » (Bouckaert/Pollitt, 2011).

Le cas des réformes organisationnelles montre que le problème dans la fonction publique n’est pas tant le manque de réformes ou d’innovations, mais l’absence de preuves quant aux effets des tendances évoquées plus haut : débureaucratisation générale, émergence de nouveaux systèmes de GRH hybrides, déstandardisation des pratiques de travail, individualisation et psychologisation de la GRH, et influence croissante de l’économie comportementale dans le domaine de la transformation de la fonction publique. Malheureusement, le champ de la transformation de la fonction publique est encombré de théories qui reflètent des opinions, des perceptions et des représentations personnelles. Pour éviter tout jugement idéologique ou avis personnel sur les effets des réformes, il serait préférable de partir d’un point de vue général selon lequel les résultats des réformes de la fonction publique et de la GRH peuvent être positifs et/ou négatifs, efficaces et/ou inefficaces, mais peuvent aussi involontairement entraîner un certain nombre d’effets collatéraux positifs ou négatifs, tels qu’une bureaucratisation accrue, des niveaux de stress plus élevés, une intensité du travail renforcée, moins de contrôle sur les tâches accomplies, des attentes supérieures en termes de compétences d’encadrement, des défis éthiques plus nombreux, des conflits d’intérêts, etc. Par conséquent, il semblerait que la difficulté soit d’accepter que les réformes actuelles produisent des effets très variés (Hesse/Hood/Peters, 2011). En outre, les effets des réformes dépendent non seulement de l’impact des contraintes budgétaires mais aussi de nombreux autres facteurs, tels que l’encadrement, les compétences, la perception de la justice organisationnelle, la culture de l’organisation, les qualifications, l’âge, les fonctions, le grade, l’expérience, etc.

Dans Organizing Leviathan (2018), Dahlström et Lapuente montrent que les systèmes administratifs fondés sur le mérite présentent des niveaux de corruption plus faibles et une efficacité plus élevée. Bien que la notion de mérite soit un élément important des systèmes bureaucratiques, ces derniers ne présentent aucun effet positif. Par ailleurs, le sens de « mérite » évolue. Paradoxalement, plus la notion de « méritocratie » devient une réalité, plus elle semble légitimer une hiérarchie des privilèges. Le problème avec le principe de la méritocratie réside dans le fait que nos systèmes, qui récompensent les personnes talentueuses, n’offrent aucune porte de sortie à ceux qui échouent dans la compétition. Par conséquent, l’application du principe du mérite semble remettre en cause l’un des principaux piliers fondateurs des administrations publiques, à savoir les principes d’égalité et d’équité. Bovens et Wille (2009) montrent que l’idéal platonicien d’un État gouverné par les plus performants et les plus intelligents est (presque) devenu une réalité. Une autre faiblesse notable des fondements éthiques de la méritocratie réside dans le fait qu’ils passent pratiquement sous silence les aspects du « mérite qui ne reflètent pas les écarts importants de statut, de rétribution et de pouvoir… » (Menzel, 2011). Un autre problème est que le principe de la méritocratie peut parfois se révéler contre-productif : « Plus les membres d’une société ont des chances de réussir, moins cette réussite a de la valeur pour eux » (Dench, 2006). Si tout le monde investit dans une éducation plus poussée et dans l’acquisition de compétences et d’aptitudes, cela se termine par une course au sommet. Tout le monde peut vite être déçu. « S’il y a quelque chose de pire que d’être bloqué, c’est de voir d’autres réussir là où vous avez échoué » (Dench, 2006: 190).

Le mérite comme fondement des décisions d’embauche est une valeur fondamentale. Cependant, la confiance des agents dans l’application du principe du mérite est relativement faible et semble en déclin dans de nombreux pays. Par conséquent, les fonctions publiques modernes ne sont ni plus justes, ni mieux protégées contre la politisation et le sentiment d’injustice organisationnelle et de manque de reconnaissance gagne du terrain. Le fait que ce sentiment d’injustice soit répandu n’est pas nouveau et peut s’analyser à travers la distinction opérée par les spécialistes de la justice organisationnelle (Molina/Cropanzano/Martinez-Tur, 2017) entre justice distributive, justice procédurale et justice interactionnelle. Au XVIIIe siècle déjà, Emmanuel Kant concluait que rien ne cause autant d’indignation que l’injustice. Cependant, à l’heure actuelle, les perceptions d’accroissement des inégalités sont corrélées à une hausse des perceptions de manque de reconnaissance de l’« identité ». De fait, il semblerait que la demande d’identité, de diversité et de reconnaissance soit en constante progression dans le domaine de la GRH. De plus en plus, les gens sont attentifs au caractère équitable des événements et situations qu’ils rencontrent au quotidien dans une grande variété de contextes et aux diverses actions et décisions mises en œuvre ou prises chaque jour par les organisations et leurs dirigeants (Matrinko/Gundlach/Douglas, 2002). Un traitement injuste et inéquitable et le sentiment d’un manque de reconnaissance peuvent peser fortement sur les comportements individuels et exercer une influence positive ou négative sur les performances individuelles et organisationnelles (de Schrijver/Delbeke/Maesschalck/Pleysier, 2010). Selon Fukuyama, l’indignation et le sentiment d’injustice augmentent à cause des perceptions suscitées par un manque de reconnaissance (Fukuyama, 2018). 

 

Perspectives et prospectives de la GRH

 

Globalement, en dépit des représentations populaires et des opinions critiques, le travail dans la fonction publique promet de rester intéressant, stimulant et important, tout en continuant de jouer un « rôle-clé pour bâtir une société et un monde meilleurs » (Rosenbloom/Kravchuk/Clerkin, 2009:548). Cependant, les futures réformes de la fonction publique seront également de plus en plus paradoxales. Actuellement, toutes les tendances examinées remettent en cause les arguments classiques en faveur d’une spécificité de la fonction publique. Malgré cela, il y a des raisons de penser que dans le futur, les politiques relatives à l’administration publique continueront de mettre en œuvre certaines caractéristiques bureaucratiques spécifiques qui resteront en place pour soutenir le principe de rationalité et la séparation entre secteurs public et privé, et pour défendre des valeurs démocratiques fondamentales comme l’égalité, l’équité et la sécurité juridique. Aucun autre acteur institutionnel ne peut cumuler l’expertise, la continuité de service et le professionnalisme combinés à l’impartialité et l’équité. Pour cette raison, notre XXIe siècle a plus que jamais besoin de fonctions publiques et de fonctionnaires (Raadschelders/Toonen/Van der Meer, 2015, 369).

Mais tandis que les citoyens ont de plus en plus d’attentes envers l’administration publique, les ressources disponibles pour satisfaire ces attentes se raréfient. À l’avenir, les agents publics devront dès lors savoir gérer une plus forte intensité du travail, davantage de stress et de complexité tout en faisant preuve de plus de souplesse. Ils devront être à l’aise avec le changement, souvent rapide. Dans le même temps, ils devront prendre des décisions de manière plus autonome, assumer davantage de responsabilités, rendre des comptes, mettre l’accent sur les résultats et répondre à de nouvelles attentes en termes de compétences et d’aptitudes. Les agents de l’administration centrale seront moins nombreux, plus mobiles, plus qualifiés et ils auront des profils plus diversifiés que jamais. Si les contraintes budgétaires persistent, il est probable que les niveaux de satisfaction au travail, d’engagement, de confiance dans l’organisation et dans la hiérarchie continueront de s’amenuiser. Les pays doivent prendre ces évolutions préoccupantes au sérieux et adopter des mesures pour y remédier (Demmke, 2016). Ce qu’il faut au contraire, c’est économiser les ressources en introduisant des mesures d’austérité « intelligentes », concevoir des lieux de travail innovants, réformer et moderniser les systèmes de GRH et professionnaliser les politiques de RH.

Les moteurs de l'innovation dans le domaine de la GRH

Accorder aux agents un certain degré d’autonomie constitue un moteur d’innovation important. « Des analyses complémentaires ont montré que lorsque plusieurs pratiques liées aux modes d’organisation du travail sont mises en œuvre simultanément et associées à d’autres pratiques visant à promouvoir la participation des agents, les probabilités d’innovation sont encore accrues. Cet effet s’explique probablement par les possibilités d’apprentissage et de partage des connaissances combinées à la faculté d’agir de manière autonome que ces pratiques donnent aux agents. Ceux-ci s’approprient de nouvelles idées lorsqu’ils sont exposés à des innovations externes dans leur domaine d’expertise et au-delà, et lorsqu’ils interagissent avec d’autres organisations. La faculté d’agir de manière autonome incite les agents à fournir un effort discrétionnaire – effort supplémentaire par rapport au minimum requis par la tâche considérée –, ce qui fait de cet environnement enrichi en connaissances un terreau fertile pour faire émerger des idées innovantes. D’autres pratiques, telles que la formation des agents, le recours aux primes et l’embauche de personnels hautement qualifiés – décrites collectivement comme des pratiques de gestion des ressources humaines – favorisent également l’innovation, tant lorsqu’elles sont appliquées individuellement que collectivement, en association avec des pratiques visant à promouvoir la participation des agents. Là encore, ce sont des pratiques qui améliorent les connaissances et les compétences au sein d’une organisation et renforcent les capacités d’innovation en récompensant les initiatives et la faculté des agents à agir de manière autonome. »

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (2017), Living and Working in Europe, Luxembourg, p. 33.

Cette professionnalisation des politiques de RH ne pourra être réalisée qu’en associant les agents – et non de manière descendante, sans eux. À titre d’exemple, si les organisations veulent des agents engagés, satisfaits et motivés, elles doivent intégrer que l’« engagement des agents est plutôt le résultat des actions mises en place par les dirigeants pour favoriser des perceptions de confiance, d’équité et de justice organisationnelle, en particulier de justice procédurale et de justice interactionnelle ou interpersonnelle. Ce sont les conditions préalables à l’engagement. Reste à savoir comment la confiance, l’équité et la justice se construisent. Chacune d’elle procède essentiellement de la qualité des interactions entre la direction et les agents » (Purcell, 2012:13). Malheureusement, dans un contexte de restrictions budgétaires, les réformes aboutissent plutôt à une baisse de la confiance et, souvent, la qualité des interactions s’en ressent.

Les tendances actuelles sont contradictoires : bien que les frontières entre secteurs public et privé s’estompent et que les gouvernements continuent d’aligner les conditions de travail du secteur public sur celles du secteur privé, ceux-ci souscrivent néanmoins à l’idée que l’« administration publique » n’est pas assimilable au « secteur privé » et que les agents publics doivent bénéficier de conditions de travail spécifiques. En un sens, c’est une bonne nouvelle. Encore aujourd’hui, les systèmes de GRH dans l’administration correspondent davantage au principe de justice de Rawls et sont plus « conviviaux pour les agents » que les tendances à l’œuvre dans de nombreuses branches du secteur privé, qui génèrent de multiples formes d’injustice, de stress et d’intensification du travail, de bureaucratisation accrue et, parfois, des résultats pervers en termes de récompense des performances individuelles.

Malgré toutes les insuffisances des processus de réforme actuels, ceci n’est pas un plaidoyer pour un retour au concept traditionnel de bureaucratie mais plutôt un appel à une meilleure évaluation ex ante des processus de réforme actuels. Dans l’ensemble, la transformation de la fonction publique est en effet une question de choix politiques, et elle constitue aussi en elle-même un processus de réforme politique.

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