Le Conseil d’État
et la justice administrative

Bilan d’activité 2018
Bruno Lassere
L’année 2018 vue par

Bruno Lasserre,

vice-président du Conseil d’État

Bruno Lassere

L’année 2018 a été une année marquante pour la juridiction administrative, placée sous le sceau de la continuité autant que de la transformation. Bruno Lasserre revient sur les temps forts de l’activité du Conseil d’État et de la juridiction administrative.

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éditorial

Une année marquante pour la juridiction administrative

L’année 2018 a été une année marquante pour la juridiction administrative, placée sous le sceau de la continuité autant que de la transformation. Le bilan statistique qui vous est présenté dans les pages suivantes reflète d’abord la persistance d’une demande de justice forte, une tendance observable sur le long terme. L’activité des juridictions administratives est ainsi restée très dynamique avec une progression du nombre de nouveaux recours de plus de 8 % en première instance et en appel, et de plus de 9 % devant la Cour nationale du droit d’asile.

Malgré ces chiffres, la juridiction administrative a poursuivi son action sans faiblir, soucieuse de rester à la hauteur des attentes placées en elle. Les juridictions ont ainsi œuvré à la régulation sociale, rendant des jugements importants notamment en matière de fin de vie, d’aménagement du territoire et de liberté d’expression.

La fonction consultative mais aussi la force de proposition du Conseil d’État se sont pour leur part illustrées par la qualité et l’actualité de leurs travaux. Plusieurs avis majeurs ont été rendus sur des sujets aussi divers que la révision de la Constitution ou la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. La section du rapport et des études a pour sa part rendu plusieurs rapports qui feront date sur des sujets essentiels pour notre pays : la citoyenneté, la révision des lois de bioéthique, la prise de risque dans l’action publique, l’inflation normative et les règles de publicité applicables aux professions de santé.

2018 a aussi été une année de transformation, plusieurs chantiers ayant été menés à bien. En particulier, l’accessibilité de la juridiction administrative a été renforcée grâce à deux réformes majeures : la rénovation du mode de rédaction et l’extension des téléprocédures. Après une expérimentation et des évolutions progressives, la généralisation de la nouvelle rédaction des décisions de justice au premier janvier 2019 résulte de la volonté du juge administratif de ne pas seulement rendre des décisions compréhensibles par les professionnels du droit, mais de se faire comprendre de tous les citoyens. Quelques mois après sa généralisation en novembre 2018, Télérecours citoyens est aussi à mettre au crédit d’une accessibilité renforcée du juge administratif : même non représentés par un avocat, les justiciables peuvent désormais saisir la juridiction administrative par voie dématérialisée. La justice administrative est une justice du quotidien. En facilitant l’accès au juge et en fluidifiant ses communications avec les parties, ces réformes contribuent à rendre un meilleur service à ceux – ils sont nombreux – qui ont recours à elle.

« L’année 2019 s’annonce comme une année charnière pour notre pays, mais la juridiction administrative et le Conseil d’État sauront prendre toute leur part aux réformes qui s’imposent pour répondre aux attentes des citoyens. »

L’année 2018 a également permis d’ancrer la médiation dans notre culture juridictionnelle, au profit des parties qui obtiennent ainsi un règlement plus rapide, complet et équitable de leur litige. Il nous faudra aussi tirer toutes les conséquences de l’expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire actuellement menée pour certains recours relatifs aux prestations et aides sociales ou de la fonction publique territoriale.

Le Conseil d’État et la juridiction administrative doivent désormais poursuivre leur modernisation pour continuer à rendre une justice pertinente, efficace et de qualité. Plusieurs projets sont en cours – le perfectionnement de nos outils numériques, la rénovation de nos locaux pour en renforcer l’accessibilité et la sécurité, la promotion d’une meilleure inclusion et d’une plus grande diversité dans nos juridictions… Surtout, par nos décisions, nos avis et nos études, nous devons, dans une France souvent fractionnée et traversée de tensions, être les acteurs de solutions concrètes et montrer qu’il n’y a pas d’avenir commun sans respect de l’État de droit.

L’année 2019 s’annonce comme une année charnière pour notre pays, mais la juridiction administrative et le Conseil d’État sauront prendre toute leur part aux réformes qui s’imposent pour répondre aux attentes des citoyens.


Bruno Lasserre,
vice-président du Conseil d’État.

Débats & thémas
  • Futur projet de loi de bioéthique

    débats

    Futur projet de loi de bioéthique : le Conseil d’État consulté

    En vue du prochain réexamen des lois de bioéthique, le Premier ministre a saisi le Conseil d’État d’une demande d’étude préalable concernant le cadrage juridique de diverses questions.

    Le Conseil d’État a été conduit à analyser, comme il l’avait déjà fait à l’occasion des trois premières lois de bioéthique, les enjeux juridiques en cause afin d’éclairer les arbitrages nécessaires à la préparation du futur projet de loi comme à la réflexion du législateur lorsque ce texte sera examiné au Parlement.

    « L’étude du Conseil d’État confronte les questions à l’ordre du jour de la révision à ce « modèle », pour éclairer le législateur sans se substituer à lui. Elle le fait en évaluant la contrainte juridique, en indiquant les options possibles et en identifiant leurs implications dans un souci de cohérence. »

  • Être (un) citoyen aujourd’hui

    débats

    Étude annuelle 2018
    La citoyenneté - être (un) citoyen aujourd’hui

    Que signifie être citoyen aujourd’hui ? Peut-on parler d’une crise de la citoyenneté ? Comment favoriser un renouveau de la citoyenneté et une plus grande unité nationale ? En 2018, le Conseil d’État s’est attaché à répondre à ces questions au travers de son étude annuelle :
    “ La citoyenneté - être (un) citoyen aujourd’hui ”.


    Engagement citoyen », « consommation » ou « geste » citoyens, « consultation citoyenne » « entreprise citoyenne », « réserve citoyenne » … À l’évidence, la communication publique comme privée a progressivement inscrit la citoyenneté en valeur de référence pour les initiatives et les comportements désireux de s’afficher vertueux.

    « La citoyenneté, ciment de la société républicaine et point de convergence des trois principes de liberté, d’égalité et de fraternité a fait, en 2018, l’objet de l’étude annuelle du Conseil d’État. »

  • La réforme de la rédaction des décisions juridictionnelles

    thémas

    Nouvelle rédaction des décisions juridictionnelles : une réforme au nom de la clarté et de l’intelligibilité du droit

    En décembre 2018, le Conseil d’État a publié un guide sur les nouveaux modes de rédaction des décisions de la juridiction administrative. Issu d’une large concertation et d’une phase d’expérimentation, cet outil vise à renforcer la clarté et enrichir la motivation des décisions.

    Retour sur cette réforme avec Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d’État.

    « Nos décisions sont rendues au nom du peuple français. Cela implique que les citoyens […] comprennent les raisons pour lesquelles le juge leur donne satisfaction ou tort. »

    Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d’État

    Jean-Denis Combrexelle
  • Télérecours citoyens

    thémas

    Télérecours citoyens : saisir le juge administratif en un clic

    Après une expérimentation dans trois juridictions, l’application Télérecours citoyens a été généralisée à tout le territoire fin novembre 2018. Accessible à l’adresse www.telerecours.fr, elle permet à chaque citoyen, entreprise ou association de déposer un recours auprès d’une juridiction administrative de manière totalement dématérialisée.

    Thomas Charpentier, magistrat administratif à la direction des systèmes d’information du Conseil d’État, revient sur les avantages multiples de l’application, qui participe pleinement à la modernisation de l’action publique.

    « Je suis convaincu que la qualité de la justice que nous rendons passe par la simplicité de sa saisine. »

    Thomas Charpentier, magistrat administratif à la direction des systèmes d’information du Conseil d’État

    Thomas Charpentier
  • La médiation administrative

    thémas

    La médiation administrative, pour un autre mode de règlement des litiges

    À l’opposé d’une procédure contentieuse qui se déroule devant le juge administratif, la médiation vise à résoudre un litige à l’amiable entre les parties, avec l’aide d’un tiers. Lancé en 2017 dans les juridictions, rendu obligatoire dans certains contentieux en 2018 à titre expérimental, ce nouveau mode de règlement des conflits introduit une culture de la conciliation et de la pédagogie.

    Explications avec Philippe Gazagnes, président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et référent national pour la médiation.

    « Les citoyens veulent davantage être associés aux décisions (référendum, participation), la médiation est un des outils de cette association. »

    Philippe Gazagnes, président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand

    Philippe Gazagnes

Conseiller

Le Conseil d’État est le conseiller du Gouvernement pour la préparation des projets de loi et d’ordonnance et de certains décrets. Il est également le conseiller du Parlement et peut être saisi d’une demande d’avis sur des propositions de loi élaborées par les parlementaires.

Les 10 faits marquants
  • Emploi et formation professionnelle

    Travail

  • Projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022

    Justice

  • Attractivité de la place de Paris

    Économie

  • École de la confiance

    Éducation

  • Nouvelle politique de l’immigration et de l’asile

    Étrangers

  • Questions posées par l’abandon du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes

    Travaux publics

  • Réforme des institutions

    Pouvoirs publics

  • Statuts types des fondations et associations d’utilité publique

    Vie associative

  • Code de la commande publique

    Collectivités publiques

  • Obligations déclaratives des plateformes d’économie collaborative

    Lutte contre la fraude fiscale

Travail

Emploi et formation professionnelle

Saisi d’un projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Conseil d’État a examiné un ensemble de réformes qui modifient en profondeur la formation professionnelle, l’apprentissage et les règles régissant l’assurance-chômage.

Il a veillé à ce que les nouvelles modalités de calcul des crédits du compte personnel de formation ne contreviennent pas au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Il s’est assuré que les différences de traitement entre les salariés involontairement privés d’emploi et ceux ayant démissionné soient justifiées par des différences objectives de situation. Afin d’assurer le respect des principes d’égalité et de légalité des délits, il a invité le législateur à prévoir qu’aucune sanction ne soit prononcée si un demandeur d’emploi refuse une offre qui n’est pas compatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles.

Compte personnel de formation

Le compte personnel de formation (CPF) est utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active, pour suivre une formation qualifiante. Le CPF a remplacé le droit individuel à la formation (DIF) le 1er janvier 2015. Les salariés ne perdent pas les heures acquises au titre du DIF et sont en capacité de les mobiliser jusqu’au 31 décembre 2020. Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est alimenté en euros et non plus en heures.

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Justice

Projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022

Le Conseil d’État a été saisi du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022. Il a notamment examiné la conformité à la Constitution et la compatibilité avec nos engagements internationaux de l’extension du recours à des techniques spéciales d’enquête et l’élargissement des pouvoirs des enquêteurs. Il a suggéré d’introduire dans le projet de loi des dispositions reconnaissant à toute personne ayant fait l’objet d’une perquisition ou d’une visite domiciliaire le droit de saisir le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue sur la légalité de cette mesure.

Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé que les dispositions relatives au recours préalable à un mode de règlement amiable, à peine d’irrecevabilité de la saisine de la juridiction, ou la faculté donnée au juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, qui s’inscrivent dans un mouvement déjà ancien d’encouragement et de développement des modes alternatifs de règlement des différends, étaient de nature à permettre d’atteindre les objectifs envisagés et ne se heurtaient à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

En matière d’organisation de la justice, le Conseil d’État a estimé pertinents et clairs les projets d’expérimentation du tribunal criminel départemental, de fusion/absorption des tribunaux d’instance par les tribunaux de grande instance, ainsi que la création d’un parquet national antiterroriste. Sur ce dernier point, il a cependant attiré l’attention du Gouvernement sur les risques que peut engendrer la création d’une structure spécialisée, notamment en termes de perte de perception des liens entre petite délinquance et terrorisme, et de rigidité de gestion.

Pour les dispositions du texte qui prévoient de privilégier des mesures alternatives aux poursuites des auteurs de délits devant le juge, le Conseil d’État a estimé que la bonne administration de la justice conduisait à ce que de telles mesures, pour les délits de droit commun les plus graves, soient soumises à la validation ou à l’homologation du juge.

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Économie

Attractivité de la place de Paris

Saisi d’un projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), le Conseil d’État s’est notamment prononcé sur les mesures visant à renforcer l’attractivité de la place économique de Paris.

À cet égard, le projet de loi instaure un régime d’exemption temporaire d’affiliation aux régimes obligatoires de base et complémentaire d’assurance vieillesse pour les salariés dits impatriés, c’est-à-dire appelés de l’étranger à occuper un emploi en France. Le Conseil d’État a estimé que la différence de traitement qui résultait de ce dispositif ne méconnaissait pas le principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Il a en effet relevé que cette différence de traitement était en rapport direct avec l’objectif poursuivi qui consiste à favoriser l’implantation en France de salariés étrangers, notamment de cadres de haut niveau, dans un souci de développement de l’attractivité économique du territoire national. Le Conseil d’État a considéré que cette exemption ne méconnaissait pas non plus la disposition du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantissant la sécurité matérielle aux vieux travailleurs, dès lors que les salariés qui opteront pour ce régime devront justifier d’une couverture par une assurance vieillesse de nature à leur offrir cette sécurité.

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Éducation

École de la confiance

Saisi du projet de loi pour une école de la confiance, le Conseil d’État a d’abord estimé que le choix du législateur de fixer à trois ans l’âge de l’instruction obligatoire et d’étendre la durée de celle-ci de dix à treize ans contribuait à garantir les principes d’égal accès à l’instruction et de droit à l’instruction.

Il a également considéré que la modification du dispositif de contrôle de l’instruction dans la famille permettait d’assurer une conciliation équilibrée entre le droit à l’instruction dans la famille et l’objectif de sauvegarde de l’ordre public qui s’attache, notamment, au droit de l’enfant à être instruit. Pour garantir le respect de la vie privée qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil d’État a invité le Gouvernement à mieux préciser l’objet du contrôle au domicile familial par les autorités académiques, les objectifs pédagogiques au regard desquels il s’exerce, ainsi que les conditions d’information des personnes responsables de l’enfant, et à indiquer que ce contrôle se déroule « en principe au domicile où l’enfant est instruit ».

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Étrangers

Nouvelle politique de l’immigration et de l’asile

Le Conseil d’État a été saisi du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif. Ce texte organise une réduction des délais de dépôt des demandes d’asile devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de recours contre les décisions de l’Office devant la Cour nationale du droit d’asile.

Le Conseil d’État a considéré que ces nouvelles dispositions ne contrevenaient à aucun principe constitutionnel ou conventionnel. Il a validé l’inflexion notable de la politique d’accueil des demandeurs d’asile qui rend plus directif le schéma national d’accueil, en estimant qu’elle respecte les exigences du droit de l’Union européenne, dans la mesure où la situation personnelle et familiale de l’étranger est prise en compte. Le Conseil d’État a estimé par ailleurs que si la progression de la durée maximale de la rétention des étrangers en situation irrégulière, de 45 à 90 jours, n’était pas incompatible avec le droit européen, cet allongement n’était susceptible d’être justifié par le dépôt d’une demande d’asile ou de protection à la fin de la période de 45 jours que dans l’hypothèse de demandes présentées dans le but de faire échec à une mesure d’éloignement de l’étranger.

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Travaux publics

Questions posées par l’abandon du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes

L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a conduit le Gouvernement à interroger le Conseil d’État sur la possibilité de modifier ou de résilier la convention de concession accordée à l’exploitant pour un motif de force majeure ou d’intérêt général.

Le Conseil d’État a estimé qu’il n’était pas légalement possible de modifier la convention en affectant la nature globale du contrat initial. Il a estimé que si la notion de force majeure ne pouvait pas être retenue pour résilier la convention, cette résiliation pouvait être justifiée par un motif d’intérêt général. Il a toutefois relevé, dans la convention de concession, que le mode de calcul de l’indemnité due au concessionnaire était inadapté à une résiliation aussi précoce. Il a préconisé qu’à l’avenir, les contrats de concession de l’État prévoient des régimes indemnitaires différents selon que l’exploitation a ou non débuté.

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Pouvoirs publics

Réforme des institutions

Le Conseil d’État a examiné trois projets de loi réformant les institutions, destinés à promouvoir une démocratie plus représentative, responsable et efficace.

Parmi les dispositions de nature constitutionnelle, il a examiné le régime d’incompatibilités entre les fonctions de membre du Gouvernement et l’exercice de certaines responsabilités locales. Il a estimé que ce régime était de nature à prévenir les conflits d’intérêts tout en permettant aux membres du Gouvernement de se consacrer entièrement à leur tâche.

En matière de responsabilité pénale des membres du Gouvernement, le Conseil a considéré que la compétence de la cour d’appel de Paris, qui se substituerait à celle de la Cour de justice de la République, était justifiée par la nécessité de rapprocher du droit commun la responsabilité pénale des ministres pour les délits et les crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions. Relevant que la responsabilité des membres du Gouvernement ne peut être mise en cause à raison de leur inaction « que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable », il a suggéré d’étendre cette règle, dans le code pénal, aux autres décideurs publics exposés à des difficultés comparables et à réfléchir aux conditions de son application aux décideurs privés.

Enfin, à l’occasion de l’examen d’un nouvel article 72-5 de la Constitution relatif à la Corse, le Conseil d’État a estimé que la possibilité donnée aux collectivités territoriales de se voir attribuer des compétences dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie constituait une réelle souplesse de nature à donner son effectivité au principe de subsidiarité énoncé à l’article 72. S’agissant de la possibilité ouverte aux collectivités territoriales de déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, notamment à la suite d’une expérimentation, le Conseil d’État a estimé qu’elle pouvait renforcer la démocratie locale et permettre aux collectivités territoriales d’exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité grâce aux responsabilités supplémentaires données aux élus pour innover et adapter leur action aux réalités des territoires, ainsi qu’aux besoins de la population et de l’économie.

Article 72 de la Constitution

L’article 72 de la Constitution permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, (de) déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences », « sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ».

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Vie associative

Statuts types des fondations et associations d’utilité publique

Le Conseil d’État a approuvé les nouveaux statuts types pour les fondations et les associations reconnues d’utilité publique après avoir auditionné les principaux acteurs du secteur des associations et des fondations. Ces nouveaux statuts types constituent les lignes directrices qui guident le ministre dans le cadre d’une procédure de reconnaissance d’utilité publique d’une fondation ou d’une association. Il peut y être dérogé pour des motifs d’intérêt général ou de situation particulière de la fondation ou de l’association.

Le Conseil d’État a mis en ligne un recueil commenté de jurisprudences à destination des porteurs de projet afin de faciliter la mise en œuvre des procédures de reconnaissance d’utilité publique prévues par ces nouveaux statuts types.

Les statuts types des associations et des fondations

Les associations et les fondations peuvent être reconnues d’utilité publique par décret en Conseil d’État. Pour obtenir cette reconnaissance, les fondations doivent être établies conformément aux statuts types rédigés par l’administration, tandis que les associations, qui doivent justifier d’un fonctionnement démocratique, peuvent s’en inspirer.

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Collectivités publiques

Code de la commande publique

Le Conseil d’État a été saisi d’un projet d’ordonnance et d’un projet de décret relatifs aux parties législative et réglementaire du nouveau code de la commande publique. Afin de simplifier et moderniser le droit de la commande publique, le code réunit les textes anciens et récents relatifs aux contrats de concession et aux marchés publics. Il intègre également les règles jurisprudentielles bien établies, comme celles relatives aux pouvoirs de l’administration dans la vie des contrats, ou au sort des biens d’une concession de services ou de travaux en fin de contrat.

Le Conseil d’État a approuvé la structure du code, articulée autour de la division cardinale entre marchés et concessions. Il a jugé opportune la création d’un titre préliminaire qui rappelle les grands principes de la commande publique et répond à l’exigence de clarté et d’accessibilité de la norme.

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Lutte contre la fraude fiscale

Obligations déclaratives des plateformes d’économie collaborative

Saisi d’un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, le Conseil d’État a notamment examiné les nouvelles obligations déclaratives mises à la charge des plateformes collaboratives de vente, d’échange ou de partage de biens ou services par voie électronique. Afin de permettre les recoupements nécessaires aux contrôles, le texte soumet en particulier ces plateformes à l’obligation d’adresser, chaque année, aux intéressés un document mentionnant le nombre et le montant total brut des transactions qu’ils ont réalisées au cours de l’année, et d’adresser par ailleurs un document récapitulatif à l’administration fiscale. Le non-respect de ces obligations déclaratives entraîne l’application d’une amende de 5 % du montant des sommes non déclarées par la plateforme.
Le Conseil d’État a estimé que cette amende reposait sur une assiette rationnelle et répondait à la nécessité d’assurer l’efficacité des contrôles.

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Juger

Le juge administratif est le seul habilité à annuler ou réformer les décisions prises par l'État, les collectivités territoriales et les autorités ou organismes publics. Le Conseil d'État est la juridiction suprême de l'ordre administratif.

Les 12 faits marquants
  • Traitements administrés à une enfant et office du juge du référé-liberté

    Arrêt de traitements

  • Modalités d’imposition des gains tirés des bitcoins

    Fiscalité

  • Reproduction des dauphins en captivité

    Animaux en captivité

  • Projet de liaison ferroviaire « CDG Express »

    Infrastructures

  • Officiers publics et ministériels

    Professions réglementées

  • Liberté d’expression et principe de neutralité de l’enseignement public

    Enseignement

  • Traitement des harkis et responsabilité de l’État

    Réparations pour préjudice

  • Régime juridique des manuscrits du général de Gaulle

    Archives publiques

  • Biens relevant du domaine public

    Domaine public de l'État

  • Sanctions prononcées par le CSA

    Audiovisuel

  • Asile : risques de persécution liés à l’orientation sexuelle

    Asile

  • Tribunaux et cours

    Justice administrative

Arrêt de traitements

Traitements administrés à une enfant et office du juge du référé-liberté

À l’issue d’une procédure collégiale, l’équipe médicale du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy a pris la décision d’arrêter les traitements d’une enfant mineure ayant subi de très graves lésions neurologiques à la suite d’un arrêt cardio-respiratoire. Ses parents ont demandé au juge du référé-liberté du tribunal administratif de Nancy d’ordonner au CHRU de suspendre cette décision. Le juge des référés ayant rejeté leur requête, ils ont formé un appel devant le juge du référé-liberté du Conseil d’État.

Statuant en formation collégiale de trois juges, le juge du référé-liberté s’est fondé sur le rapport des trois médecins experts, rendu à la demande du tribunal, selon lequel le pronostic neurologique de l’enfant était « catastrophique », qu’elle se trouvait dans un état végétatif persistant, incapable de communiquer avec son entourage, et que ses lésions neurologiques présentaient un caractère irréversible dans l’état actuel de la science.

Il a en outre relevé qu’il n’était pas possible, au vu des éléments à sa disposition, de déterminer quelle aurait été la volonté de la jeune fille si celle-ci avait été en état de l’exprimer. Il a dès lors considéré que, en dépit de l’opposition de ses parents à l’arrêt des traitements, au vu de l’état irréversible de perte d’autonomie de l’enfant, qui la rendait tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales, et en l’absence de contestation sérieuse tant de l’analyse médicale des services du CHRU que des conclusions du rapport du collège d’experts, la poursuite des traitements était susceptible, en l’état de la science médicale, de caractériser une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique.

Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que la décision d’arrêt des traitements répondait aux exigences fixées par la loi et ne portait donc pas une atteinte grave et manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale. Il a dès lors rejeté l’appel des parents de l’enfant contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal, précisant qu’il appartenait désormais au médecin en charge de l’enfant d’apprécier si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement devait être mise en œuvre.

CE, 5 JANVIER 2018, MME B. ET M. D., N° 416689

Le référé

Si les circonstances de l’affaire le justifient, le juge administratif peut statuer en urgence par la voie du référé. Le juge des référés se prononce dans des délais très courts (de 48 heures, voire moins, à quelques semaines) pour que sa décision conserve un effet utile au regard de l’objet du litige. Il apporte ainsi une réponse rapide à certains contentieux en ordonnant des mesures provisoires tendant à préserver les droits des justiciables.

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Fiscalité

Modalités d’imposition des gains tirés des bitcoins

L’administration fiscale avait indiqué dans des instructions que les gains tirés par les particuliers de la cession de bitcoins étaient imposables, en distinguant deux cas de figure : lorsqu’ils correspondent à une activité habituelle, ces gains sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et lorsqu’ils correspondent à une activité occasionnelle, dans celle des bénéfices non commerciaux (BNC). Plusieurs personnes avaient demandé au Conseil d’État d’annuler ces textes.

Le Conseil d’État a jugé que ces gains relèvent en principe de la catégorie des plus-values de bien meubles, mais que certaines circonstances propres à l’opération de cession peuvent impliquer qu’ils relèvent de dispositions relatives à d’autres catégories de revenus, dont les BIC et BNC. Il a donc annulé partiellement les textes attaqués, en tant qu’ils indiquent de manière générale que ces gains sont imposables dans la catégorie des BNC.

CE, 26 AVRIL 2018, M. G. ET AUTRES, N°S 417809, 418030, 418031, 418032, 418033

Le bitcoin

(De l’anglais bit, unité d’information binaire, et coin, pièce de monnaie) est un crypto-actif né au début des années 2010, dans le sillage du développement de communautés dites « virtuelles ». Il est défini par le Code monétaire et financier comme « tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou transférées dans le but d’acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l’émetteur ».

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Animaux en captivité

Reproduction des dauphins en captivité

Un arrêté ministériel du 3 mai 2017 fixant les caractéristiques et règles de fonctionnement des établissements présentant au public des spécimens vivants de cétacés a interdit la reproduction en captivité des grands dauphins. Plusieurs sociétés exploitant des parcs aquatiques et détenant des dauphins ont demandé au Conseil d’État l’annulation de cette interdiction.

Deux organismes devaient être consultés avant l’adoption de ce texte, qui devait aussi être soumis au public. Le Conseil d’État a constaté que l’interdiction de reproduction des grands dauphins avait été insérée dans l’arrêté postérieurement à ces consultations, de sorte que ni les organismes concernés, ni le public n’avaient pu s’exprimer sur ce point. Il a donc annulé l’arrêté du 3 mai 2017 au motif qu’il avait été rendu au terme d’une procédure irrégulière.

CE, 29 JANVIER 2018, SOCIETE MARINELAND, SOCIETE SAFARI AFRICAIN DE PORT-SAINT-PERE, N°S 412210, 412256

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Infrastructures

Projet de liaison ferroviaire « CDG Express »

Le projet « CDG express » de liaison ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport international de Paris-Charles de Gaulle, déclaré d’utilité publique en 2008, a été modifié et de nouveau déclaré d’utilité publique par un arrêté de 2017, à l’issue d’une nouvelle enquête publique. Une commune, trois associations et plusieurs particuliers ont demandé au Conseil d’État d’annuler cet arrêté.

Le Conseil d’État a estimé que la nouvelle enquête publique avait été fondée sur un dossier suffisamment documenté et ­actualisé par rapport au dossier initial afin de tenir compte des modifications substantielles apportées au projet et des évolutions notables du contexte. Il a jugé que la procédure suivie pour prendre l’arrêté avait été régulière et, bien que le coût du projet ait été réévalué, admis l’utilité publique du projet.

CE, 22 OCTOBRE 2018, COMMUNE DE MITRY-MORY ET AUTRES, N°S 411086, 411154

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Professions réglementées

Officiers publics et ministériels

La loi du 6 août 2015 a fixé une limite d’âge à 70 ans pour les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Elle a aussi prévu un système de tirage au sort pour départager les demandes de création d’offices notariaux. Le décret d’application de cette loi a été attaqué devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a jugé que la limite d’âge en cause ne méconnaissait aucun engagement international et encadré les possibilités de recourir au tirage au sort lorsque cela n’est pas prévu par la loi. Il a jugé que le pouvoir réglementaire peut prévoir de faire reposer sur le tirage au sort le départage des demandes adressées à l’administration, à condition que le mode de ­départage soit en adéquation avec l’objet des demandes et conforme aux intérêts dont l’administration a la charge. Après avoir jugé que le mode de tirage au sort en cause était conforme à la loi, le Conseil d’État a rejeté le recours.

CE, 18 MAI 2018, M. K. ET AUTRES, N°S 400675, 400698, 400858, 401795, 401810

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Enseignement

Liberté d’expression et principe de neutralité de l’enseignement public

Une association a demandé au ministre de l’éducation nationale d’abroger l’arrêté qui prévoit l’enseignement de l’histoire du génocide des Arméniens de 1915 en classe de troisième au motif qu’il porte atteinte aux libertés d’expression, de conscience et d’opinion des élèves, ainsi qu’à la neutralité du service public de l’éducation.

Devant le refus implicite du ministre, elle a saisi le Conseil d’État qui a jugé que le terme « génocide des Arméniens » ne renvoyait pas à une qualification pénale mais à une terminologie courante dans les travaux de recherche historique, reprise par la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance de ce génocide.

Le Conseil d’État a rappelé que l’objet des programmes d’histoire est de faire enseigner aux élèves l’état des savoirs tel qu’il résulte de la recherche historique, laquelle repose sur une démarche critique, fondée sur la liberté de soumettre à débat toute connaissance. Dès lors, puisqu’il n’existe pas en France d’« histoire officielle » et que chaque enseignant est tenu à une stricte obligation de neutralité politique et religieuse, la requête de l’association ne pouvait qu’être rejetée.

CE, 4 JUILLET 2018, ASSOCIATION POUR LA NEUTRALITE DE L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE TURQUE DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES, S 392400, 404850

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Réparations pour préjudice

Traitement des harkis et responsabilité de l’État

Le fils d’un ancien supplétif de l’armée française en Algérie a saisi le Conseil d’État d’une demande d’indemnisation des préjudices matériels et moraux subis lors du rapatriement de sa famille et dans les camps où il est né et a résidé en France, qui ont notamment fait obstacle à son apprentissage du français et entraîné des séquelles psychologiques.

Le Conseil d’État a tout d’abord qualifié d’actes de gouvernement le défaut de protection et de rapatriement des harkis pendant la période allant du cessez-le-feu du 18 mars 1962 aux accords d’Évian. Ces actes, non détachables de la conduite des relations entre la France et l’Algérie, ne sauraient dès lors engager la responsabilité de l’État sur le fondement de la faute.

Le Conseil d’État a ensuite reconnu que les conditions d’accueil et de vie réservées au requérant sur le territoire français entre 1962 et 1975 étaient indignes et constitutives d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État. Le fait que des mesures financières et symboliques aient été prises en faveur des harkis et de leurs familles ne s’oppose pas à ce qu’une réparation, dont le montant doit correspondre au préjudice effectivement subi, soit attribuée au requérant.

CE, 3 OCTOBRE 2018, M. TAMAZOUNT, N° 410611

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Archives publiques

Régime juridique des manuscrits du général de Gaulle

L’État a engagé une action en revendication d’archives publiques devant le juge judiciaire aux fins de se voir remettre les brouillons manuscrits de télégrammes écrits par le général de Gaulle, entre 1940 et 1942, détenus par une société privée. La cour d’appel de Paris a estimé que la détermination du caractère public de ces archives soulevait une difficulté sérieuse et a transmis à la juridiction administrative une question préjudicielle.

Le Conseil d’État a rappelé que l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le ­territoire continental a fait de la France libre la « dépositaire de la souveraineté nationale » à partir du 16 juin 1940. C’est donc à Londres que se trouvait l’État et non à Vichy où se trouvait seulement une autorité de fait « se disant Gouvernement français ». Dès lors, les documents qui émanent des institutions de la France libre et de leurs dirigeants et représentants sont des archives publiques. Cette qualification peut toutefois aussi être accordée aux documents procédant de l’activité du Gouvernement de Vichy.

CE, 13 AVRIL 2018, ASSOCIATION DU MUSEE DES LETTRES ET MANUSCRITS ET AUTRES, N° 410939

La question préjudicielle

La question préjudicielle est le mécanisme par lequel un juge, confronté dans le cadre d’un procès à une question qui ne relève pas de sa compétence, la transmet au juge compétent pour en connaître la réponse, et suspend, dans l’attente, le procès en cours.

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Domaine public de l'État

Biens relevant du domaine public

Lors de la Révolution française ont été transférés à la Nation les biens du clergé et, parmi eux, une statuette provenant du tombeau de Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne.

La famille qui la détenait depuis 1813 a souhaité la vendre mais le ministre de la culture a exigé sa restitution au motif qu’elle appartenait au domaine public de l’État depuis 1789. Le Conseil d’État a estimé que, compte tenu de la durée pendant laquelle la famille avait conservé la statuette médiévale, sans initiative de l’État pour la récupérer, celle-ci pouvait se prévaloir du droit au respect de ses biens. Il a jugé toutefois que la restitution de la statuette ne méconnaissait pas l’exigence de respect d’un juste équilibre entre les intérêts privés de la famille et l’intérêt public majeur qui s’attache à la protection de cette œuvre d’art appartenant au domaine public.

CE, 21 JUIN 2018, SOCIETE PIERRE BERGE ET ASSOCIES ET AUTRES, N° 408822

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Audiovisuel

Sanctions prononcées par le CSA

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a prononcé en 2017 trois sanctions contre la société C8 en raison d’émissions portant atteinte à la dignité humaine ou discriminatoires. La société les a contestées devant le Conseil d’État, au nom de la liberté d’expression.

La première sanction a été annulée par le Conseil d’État, car la personne ayant été filmée à son insu en caméra cachée n’avait pas été montrée sous un jour dégradant, humiliant ou attentatoire à sa dignité.

Les deux autres sanctions ont été confirmées par le Conseil d’État. Pour la première, le comportement de l’animateur a été jugé inacceptable : il avait placé une chroniqueuse dans une situation dégradante, tendant à donner de la femme une image stéréotypée la réduisant au statut d’objet sexuel. S’agissant de la seconde, l’animateur avait incité les personnes interviewées à dévoiler avec des termes crus leur intimité et à donner des éléments de nature à les identifier, sans les prévenir que leurs propos seraient diffusés. Il avait par ailleurs adopté une attitude visant à donner une image caricaturale des homosexuels, qui ne pouvait qu’encourager les préjugés et la discrimination à leur encontre.

CE, 18 JUIN 2018, SOCIETE C8, N°S 414532, 412071, 412074

Le CSA

Le CSA est l’autorité publique française de régulation de l’audiovisuel.
Cette régulation s’opère au service de la liberté d’expression dans l’intérêt du public et des professionnels. Elle repose sur le respect et la protection des droits et libertés individuels, la régulation économique et technologique du marché, et la responsabilité sociale.

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Asile

Asile : risques de persécution liés à l’orientation sexuelle

La Cour nationale du droit d’asile était saisie du recours d’un homme alléguant être exposé à des persécutions du fait de relations sexuelles qu’il aurait eues contre rémunération avec des mineurs de quinze ans. La Cour a d’abord relevé que l’article 10 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dispose que l’orientation sexuelle, qui est susceptible de justifier l’octroi du statut de réfugié, « ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation nationale des États membres ». Estimant que les craintes exprimées se rattachaient directement à la commission de tels actes délictueux, la Cour a refusé de les assimiler à des craintes de persécution motivées par l’appartenance de leur auteur à un groupe social fondé sur une orientation sexuelle partagée et a dès lors refusé de reconnaître à l’intéressé la qualité de réfugié.

CNDA, 25 JUILLET 2018, M. S. N° 16017680

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Justice administrative

Tribunaux et cours

En 2018, le juge administratif de première instance et d’appel a été saisi de nombreux recours en matière de police administrative.

Il a ainsi eu à se prononcer sur la légalité d’un arrêté ordonnant la fermeture administrative d’un débit de boissons pour une durée de six mois en raison de faits délictueux s’étant déroulés à l’intérieur de cet établissement1. Alors même que ces faits ont été commis à l’insu du gérant de l’établissement, il a considéré qu’ils étaient de nature à justifier une fermeture administrative.

Le juge administratif a également été amené à se prononcer sur la légalité d’un arrêté portant interdiction de vente et de consommation de boissons alcooliques sur la voie publique dans un secteur du 11e arrondissement de Paris2. Il a estimé qu’eu égard à la gravité des troubles à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics constatés dans le secteur concerné, l’interdiction était proportionnée à l’objectif de maintien de l’ordre public et ne portait pas une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie.

Par ailleurs, saisi dans le cadre d’un référé-liberté, le juge administratif a eu à se prononcer sur les atteintes aux libertés fondamentales que peut porter un arrêté « antimendicité » ayant pour objet d’éloigner du centre-ville des catégories de personnes particulièrement vulnérables. Il a considéré que l’arrêté litigieux portait indirectement mais nécessairement atteinte à la liberté fondamentale d’aider autrui dans un but humanitaire mais que cette atteinte n’était ni suffisamment grave, ni manifestement illégale eu égard au caractère très limité de la zone concernée et aux troubles à l’ordre public constatés dans cette zone3.

Enfin, c’est encore par la voie du référé-liberté qu’il a considéré que l’arrêté d’interdiction du « Calais Vegan Festival » portait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression, de réunion et du commerce et de l’industrie4.

1. CAA de Bordeaux, 12 juillet 2018, Préfet de la Gironde c/ Société I Boat, n° 16BX01498.
2. CAA de Paris, 20 février 2018, Association des commerçants de la rue Jean-Pierre Timbaud, n° 16PA02890.
3. TA de Besançon, 28 août 2018, M. G., n° 1801454.
4. TA de Lille, 4 septembre 2018, Association L.214 et autres, n° 1807923.

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Gérer

Le secrétariat général du Conseil d’État assure la gestion et le fonctionnement de la juridiction administrative.

  • La justice administrative s’engage pour la diversité et l’égalité professionnelle

  • Le tribunal administratif de Nice s’installe dans ses nouveaux locaux

  • Lancement des travaux du nouveau tribunal administratif de Marseille

  • Le Conseil d’État publie ses avis rendus au Gouvernement pendant la Première Guerre mondiale

La justice administrative s’engage pour la diversité et l’égalité professionnelle

Candidate à l’attribution du label « Diversité et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », la justice administrative s’engage pour prévenir les discriminations et promouvoir la diversité. Pour sensibiliser et informer les personnels, des manifestations ont été organisées à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (diffusion de portraits, personnes valides mises en situation de handicap…) ou de la Journée internationale des droits des femmes (conférence au Conseil d’État, « Café de l’égalité » au tribunal de Caen…). Autour de Catherine Bobo, déléguée à la diversité, un réseau de référents se mobilise pour mettre en œuvre le plan d’action « Vivre ensemble ». De nombreuses initiatives sont prises : formation des jurys de concours et des recruteurs, mise en accessibilité de la juridiction et recours à des établissements et services d’aide par le travail pour certaines prestations. D’autres actions seront menées en 2019 visant à limiter l’effet des biais cognitifs dans les procédures de recrutement et de promotion. À cet effet, un guide sera diffusé aux recruteurs de la juridiction administrative. Enfin, une cellule d’écoute a été mise en place au Conseil d’État, qui reçoit les réclamations individuelles.

« Fédérer les énergies autour des valeurs de la diversité et de l’égalité : la lutte contre les discriminations, pour être efficace, doit devenir l’affaire de tous au sein de la juridiction. »

Catherine Bobo
Secrétaire générale adjointe du Conseil d’État et déléguée à la diversité

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Le tribunal administratif de Nice s’installe dans ses nouveaux locaux

Dix-huit mois de travaux ont été nécessaires pour installer le tribunal administratif de Nice dans de nouveaux locaux, plus fonctionnels que ne l’était la villa La Côte, son précédent siège.

Malgré de multiples difficultés, en particulier une quantité importante d’amiante à retirer, cette opération immobilière de grande ampleur a été conduite dans le respect des délais et du budget. Le nouveau siège du tribunal répond en tous points à l’objectif de modernisation des installations de la juridiction administrative que s’assigne le Conseil d’État : accessibilité, sécurité et sûreté des usagers de la juridiction ainsi que garantie de la qualité du débat collégial et du travail collaboratif. Le nouveau tribunal administratif de Nice a été inauguré le 29 octobre 2018 par la garde des Sceaux, le vice-président du Conseil d’État et le président de la juridiction. Les magistrats et les agents de greffe s’y trouvent réunis depuis le 19 novembre.

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Lancement des travaux du nouveau tribunal administratif de Marseille

Le tribunal administratif de Marseille s’installera dans un nouveau bâtiment au cours du premier trimestre 2021. Situé dans le quartier en plein renouveau de la Joliette, ce bâtiment industriel permettra d’offrir des espaces adaptés au fonctionnement de la juridiction (accueil du public, accessibilité, sûreté et meilleures conditions de travail). Les travaux ont été lancés fin novembre 2018.

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Le Conseil d’État publie ses avis rendus au Gouvernement pendant la Première Guerre mondiale

En 2018, le Conseil d’État a publié (base des avis ConsiliaWeb) les 122 avis rendus au Gouvernement pendant la Première Guerre mondiale.

Une activité consultative ininterrompue. Dès 1914, de nombreux membres et personnels quittent le Conseil d’État pour rejoindre le front ou administrer la guerre. Pendant toute la guerre, l’activité consultative se poursuit, le Conseil d’État examinant de nombreux projets de décret et plusieurs demandes d’avis.

Des avis nés de la guerre. Ces avis traitent des conséquences de la guerre sur la vie publique mais aussi, de manière émouvante, sur la vie des Français, tel l’avis du 27 décembre 1916 : le Conseil d’État répond au Gouvernement que les veuves mariées par procuration avec un engagé au front ont droit à une pension même si le mariage définitif n’a pas pu être célébré avant le décès du conjoint.

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Repères

Activité consultative

Nature des textes examinés
  • 69

    projets
    de loi

  • 7

    propositions
    de loi

  • 27

    projets
    d’ordonnance

  • 822

    projets
    de décret

  • 17

    demandes
    d’avis

Délais moyens d’examen des projets de loi
  • 36 %

    en moins
    de quinze jours

  • 98,5 %

    en moins
    de deux mois

Délais moyens d’examen des projets de décret
  • 24 %

    en moins
    de quinze jours

  • 99 %

    en moins
    de deux mois

Activité juridictionnelle

Conseil d'État
  • 9 563

    affaires enregistrées
    -3 % par rapport
    à 2017

  • 9 583

    affaires jugées
    -5,5 % par rapport
    à 2017

Délai prévisible moyen de jugement

6 mois 17 jours

-31 % entre 2008 et 2018

Tribunaux administratifs
  • 213 029

    affaires enregistrées
    +8 % par rapport
    à 2017

  • 209 618

    affaires jugées
    +4 % par rapport
    à 2017

Délai prévisible moyen de jugement

9 mois 15 jours

-27 % entre 2008 et 2018

Cours administratives d’appel
  • 33 773

    affaires enregistrées
    +8 % par rapport
    à 2017

  • 32 854

    affaires jugées
    +5 % par rapport
    à 2017

Délai prévisible moyen de jugement

10 mois 23 jours

-15 % entre 2008 et 2018

Cour nationale du droit d’asile
  • 58 671

    affaires enregistrées
    +9,5 % par rapport
    à 2017

  • 47 314

    affaires jugées
    stable par rapport
    à 2017

Délai moyen constaté

6 mois 15 jours

Ce délai est en augmentation de 39 jours par rapport à 2017. Des mesures ont été prises pour augmenter la capacité de jugement de la CNDA en 2019, afin de réduire le délai et de faire face à l'augmentation des entrées.

En image

Le bureau

des présidents

De gauche à droite, Thierry-Xavier Girardot, Secrétaire général • Catherine Bobo, Secrétaire générale adjointe, chargée du Conseil d’État • Didier-Roland Tabuteau, Président de la section sociale • Martine de Boisdeffre, Présidente de la section du rapport et des études • Jean Gaeremynck, Président de la section des finances • Bruno Lasserre, Vice-président du Conseil d’État • Sylvie Hubac, Présidente de la section de l’Intérieur • Jacques Arrighi de Casanova, Président de la section de l’administration • Philippe Martin, Président de la section des travaux publics • David Moreau, Secrétaire général adjoint, chargé des juridictions administratives • Jean-Denis Combrexelle, Président de la section du contentieux.

Conseil d'État