Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29/05/2019, 428080

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1706888 du 13 février 2019, le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande de Mme A...B...tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à l'indemniser des préjudices nés de l'accomplissement, en sa qualité d'infirmière anesthésiste, d'actes médicaux effectués par délégation de médecins en exécution d'un protocole de coopération, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Un principe général du droit oblige-t-il l'employeur public à rémunérer un fonctionnaire investi, pour assurer le fonctionnement normal du service, de tâches excédant son statut dont l'exécution exige de surcroît l'acquisition de compétences supplémentaires '

2°) En cas de réponse positive à la première question et s'agissant de l'accomplissement d'actes de santé facturés par l'employeur public, la rémunération servie à l'agent doit-elle être assise par référence à cette facturation, ou fixée par analogie à la rémunération réservée par l'article L. 4011-2-2 du code de la santé publique aux infirmiers anesthésistes libéraux ayant adhéré au protocole de coopération entre professionnels de santé, ou sur une base forfaitaire propre à la fonction publique '



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2017-984 du 10 mai 2017 ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT :




1. En premier lieu, l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit que les fonctionnaires régis par cette loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Selon les dispositions de cet article, " les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services (...) ". Il en résulte qu'un agent titulaire de la fonction publique hospitalière ne peut prétendre, au titre de la rémunération qui lui est versée à raison de l'emploi qu'il occupe, à d'autres indemnités que celles qui sont instituées par un texte législatif ou réglementaire.

2. En second lieu, d'une part, l'article L. 4311-1 du code de la santé publique dispose que : " Est considérée comme exerçant la profession d'infirmière ou d'infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu (...) ". Les articles R. 4311-1 et suivants du même code définissent le contenu des soins infirmiers et l'article R. 4311-12 de ce code énumère les actes qu'un infirmier, anesthésiste diplômé d'Etat, est en outre habilité à accomplir. Aux termes de l'article 3 du décret du 10 mai 2017 portant statut particulier du corps des infirmiers anesthésistes de la fonction publique hospitalière, ces infirmiers anesthésistes " exercent les fonctions définies à l'article R. 4311-12 du code de la santé publique ". D'autre part, l'article L. 4011-1 du code de la santé publique dispose que, par dérogation notamment à l'article L. 4311-1 du même code, " (...) les professionnels de santé peuvent s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre des protocoles définis aux articles L. 4011-2 à L. 4011-3 ". Aucune disposition législative ou réglementaire n'institue une indemnité rémunérant de manière spécifique l'accomplissement, par un infirmier anesthésiste diplômé d'Etat relevant de la fonction publique hospitalière, d'actes de soins qui lui ont été transférés dans le cadre d'un protocole de coopération régi par les articles L. 4011-2 à L. 4011-3 du même code.

3. Il résulte de ce qui précède que les infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat employés par les établissements publics de santé ne peuvent, en l'absence de texte le prévoyant, prétendre au versement d'une rémunération spécifique au titre des actes de soins qu'ils accomplissent dans le cadre d'un protocole de coopération régi par les articles L. 4011-2 à L. 4011-3 du code de la santé publique. Au demeurant, il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point 2 que la réalisation de ces actes entre dans la mission statutaire de ces personnels, au même titre que celle des actes relevant de la profession d'infirmier et de ceux définis à l'article R. 4311-12 du même code.

4. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question posée par le tribunal administratif de Lyon.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lyon, à Mme B..., aux hospices civils de Lyon et à la ministre de la santé et des solidarités. Il sera publié au Journal officiel de la République française.




ECLI:FR:CECHR:2019:428080.20190529
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