La préservation de la neutralité du service public ne peut justifier une décision uniquement fondée sur des motifs tirés de la vie privée de l'intéressé

Paru dans le N°113 - Juin 2019
Recrutement et formation

Un ressortissant turc, enseignant en culture religieuse, classé deuxième à un concours organisé par le ministère de l’éducation nationale pour accéder à un poste d’enseignant à l’étranger, s’est vu refuser la nomination à un poste alors même qu’au terme d’une enquête sur la vie privée réalisée postérieurement aux résultats du concours, il avait été sélectionné. Le Conseil d’Etat a rejeté chacun de ses recours par un arrêt notifié en 2006.

Le requérant a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en invoquant la méconnaissance de l’article 6 sur le droit à un jugement dans un délai raisonnable et l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Cour reconnaît la méconnaissance de l’article 6 de la Convention pour durée excessive de la procédure et la violation de l’article 8 de la Convention. Sur ce dernier point, elle relève que le refus de nomination constitue une ingérence dans l’exercice du droit du requérant au respect de sa vie privée et que l’Etat turc n’apporte aucune explication quant aux raisons d’intérêt public ou quant aux nécessités et aux spécificités des services d’éducation et d’enseignement qui auraient pu expliquer qu’un enseignant, employé par le ministère de l’éducation nationale, ne puisse occuper un poste à l’étranger. Ainsi que le rappelle la Cour, elle a déjà jugé que, dans une affaire analogue, « le souci de préserver la neutralité du service public ne pouvait justifier l’entrée en compte, dans la décision de muter un fonctionnaire, de la circonstance que son épouse portait le voile, élément qui relevait de la vie privée des intéressés ». Si elle « n’exclut pas que dans certaines circonstances, les exigences propres à la fonction publique puissent requérir la prise en compte des constats opérés au cours d’enquêtes de sécurité, (…) elle comprend mal en l’espèce dans quelle mesure le port du voile par l’épouse du requérant et la manière dont il se comporte à son domicile – questions relevant de la sphère privée – pourraient porter atteinte aux impératifs d’intérêt public ou aux nécessités des services d’enseignement et d’éducation ». En conséquence, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la convention.

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