
Pourquoi les entreprises s’approprient-elles le concept du hackathon, né dans l’univers collaboratif et indépendant ?
Anne-Sophie Scher : Le hackathon est un formidable concept pour booster l’innovation au sens large à l’intérieur de l’entreprise, transférer des compétences, développer des techniques agiles avec des approches de design thinking... En regroupant des équipes sur un temps limité - souvent 48 heures -, on mobilise l’intelligence collective autour d’un objectif avec une notion de défi. Chacun sort de sa zone de confort avec des contraintes variant de celles de son quotidien. Comme les équipes sont souvent multifacettes, associant des développeurs, des designers, des architectes IT, un hackathon permet aussi aux participants de se découvrir, d’apprendre à travailler différemment et d’aborder des sujets sur lesquels ils n’avaient pas toujours ce niveau d’implication. La liberté que l’on donne aux « hackathoniens » est aussi un moyen de repérer et de reconnaître les talents. Apprendre, partager et comprendre font partie des multiples étapes de la transformation des entreprises, qui peuvent d’ailleurs s’appliquer à différentes entités comme la DRH, la DSI...
Quels sont les gages de réussite ?
A-S. S. : La communauté des développeurs est constituée de gens très libres, qui n’aiment pas se faire récupérer. Il faut donc de l’authenticité dans la démarche. Si on ne le fait qu’à des fins de marketing et de communication, les effets seront d’ailleurs très éphémères. Une fois que les objectifs sont clairement définis, chaque entreprise peut adapter le concept et le format à ses besoins. Le hackathon peut être organisé uniquement en interne ou en y associant des écoles - l’École 42 participe souvent à ce type de manifestation -, des start-up, des business partners... Quelle que soit la configuration retenue, le modèle doit être gagnant-gagnant. La base du volontariat est aussi essentielle car on ne peut pas obliger les gens à hacker. Il est important que le projet soit porté par la direction, qu’il s’inscrive dans la culture et la stratégie d’innovation de l’entreprise, que les équipes trouvent plaisir à s’y investir... Compte tenu de l’implication de celles-ci, l’après-hackathon est essentiel à envisager, même si c’est souvent compliqué car cela implique un écosystème plus large, peut-être plus lourd en temps ou en investissements...
Quel bilan tirez-vous du hackathon qui a été organisé au printemps chez IBM autour des technologies cognitives ?
A-S. S. : Ce hackathon s’est déroulé sur cinq semaines pour permettre aux participants de concilier cette démarche avec leur activité dans l’entreprise. Il a engendré une vraie spirale collective et positive, qui a accéléré l’ouverture d’esprit et aiguisé la curiosité. La thématique correspondait à une activité importante au sein d’IBM mais aussi à une étape de notre propre transformation. Elle symbolise ce qu’est devenu IBM aujourd’hui, un groupe qui met en place ce qu’il préconise à ses clients et qui est capable de faire émerger de belles idées en quelques semaines. Chaque lundi, un coach spécialisé dans les technologies cognitives était à la disposition des participants. Il est important de donner énormément de liberté mais de les accompagner si besoin. Dans la phase de prototypage, nous avons demandé aux participants d’arriver à 70 % environ de la fonctionnalité du produit final. Certains projets ont été moins aboutis mais ont révélé un potentiel et nécessiteront d’être retravaillés, approfondis... À l’issue des cinq semaines, le hackathon a fait l’objet d’un événement interne qui a réuni plus de 500 collaborateurs et quelques clients qui ont même participé aux délibérations. Chaque pitch a été filmé et diffusé en interne. Un prix du jury et un prix du public ont été décernés. L’idée de l’après-hackathon existait dès le début mais elle s’est affinée pendant ces cinq semaines. En effet, l’aventure va continuer autour d’un petit groupe, idéalement en co-création avec des clients. Quelques idées et prototypes seront accompagnés à travers la mise en place d’un business plan et d’un projet d’industrialisation. Même si le hackathon a été organisé en interne, le but ultime est d’arriver à mettre au point une innovation qui compte et qui apporte de la valeur à nos clients.
D’autres initiatives sont en cours comme un Sparkathon organisé en partenariat avec un client du secteur Banque et dédié à la technologie Apache Spark.
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