Gestion des conflits d’intérêts : l’emploi d’avant et d’après-mandat

La mobilité accrue entre les secteurs public et privé – et, notamment, les allers-retours de certains individus entre les deux sphères – suscite au sein de la population des interrogations qui peuvent entamer la confiance à l’égard de la fonction publique. Dans le même temps, il est dans l’intérêt de la population et des administrations de donner au secteur public la possibilité de recruter des agents expérimentés et qualifiés pour servir l’intérêt général. À cet égard, les situations de conflit d’intérêts doivent être repérées et gérées de manière appropriée et adéquate afin de garantir une saine gouvernance démocratique. Une approche trop stricte pourrait entraîner une inefficience bureaucratique et, de plus, décourager le recrutement d’agents qualifiés et compétents au sein du secteur public.

Pour traiter correctement la question de l’emploi d’après-mandat, 22 pays de l’OCDE ont édicté des règles et procédures spécifiques. À l’exception de la Suède, tous les pays membres de l’OCDE étudiés contraignent légalement les agents publics à ne pas utiliser d’informations confidentielles ou d’autres informations « d’initié » une fois qu’ils quittent le secteur public. De plus, 21 d’entre eux (soit 66 %) imposent un délai de carence pendant lequel les personnes qui quittent la fonction publique n’ont pas la possibilité d’exercer des activités de lobbying ni de s’impliquer dans des opérations officielles en interagissant avec d’anciens subordonnés ou collègues de la fonction publique. La durée de ce délai de carence varie en fonction des pays : si elle est inférieure à un an en Autriche, elle peut durer jusqu’à cinq ans en Allemagne, où les emplois d’après-mandat en lien avec les anciennes fonctions de l’agent public doivent être déclarés et peuvent être interdits s’ils nuisent à l’intérêt général. Le délai de carence peut varier selon les agents publics, en fonction de leur ancienneté et de la nature de leur poste ; c’est notamment le cas aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Slovénie. Pendant le délai de carence, certaines catégories d’agents publics perçoivent une compensation en Autriche,en Espagne, en Israël, en Norvège et au Portugal. En Espagne par exemple, les agents publics touchent 80 % de leur salaire de base en guise de compensation, laquelle, en Norvège, est uniquement attribuée en cas d’interdiction d’accepter une nomination spécifique ; son montant équivaut au salaire perçu par l’agent juste avant son départ de la fonction publique.

L’emploi d’avant-mandat est beaucoup moins encadré que l’emploi d’après-mandat. Seuls sept pays de l’OCDE – l’Australie, l’Autriche, la France, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas – restreignent l’accès à la fonction publique des employés du secteur privé, des lobbyistes et des fournisseurs des administrations, voire de ceux qui ont négocié des marchés publics pour le compte d’une entreprise. La plupart de ces restrictions sont appliquées lors du processus de recrutement, dans le cadre duquel les emplois précédents des candidats sont examinés afin de repérer d’éventuels conflits d’intérêts. Une fois recrutés, les fonctionnaires sont également tenus de gérer ces derniers en se récusant de toute implication dans les processus de décision pertinents ou en s’abstenant de divulguer certaines informations.

Méthodologie et définitions

Les données ont été recueillies dans le cadre d’une enquête de 2014 de l’OCDE sur la gestion des conflits d’intérêts dans le pouvoir exécutif et la protection des lanceurs d’alerte. Trente-deux pays de l’OCDE ont participé à cette enquête, de même que le Brésil, la Colombie, la Fédération de Russie et la Lettonie. Les répondants étaient des délégués nationaux responsables des politiques d’intégrité au sein de l’administration centrale/fédérale.

Un « conflit d’intérêts » implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public dans le cadre duquel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités.

On entend par « agent public » toute personne titulaire d’un mandat exécutif au sein d’un pays, qu’elle ait été nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu’elle soit rémunérée ou non, et quel que soit son niveau de responsabilité, et toute autre personne exerçant des fonctions publiques, y compris pour une entreprise publique ou un organisme public, ou fournissant un service public, conformément aux définitions figurant dans le droit interne du pays.

Pour en savoir plus

OCDE (2010), L’emploi d’après-mandat : bonnes pratiques en matière de prévention des conflits d’intérêts, OCDE, Paris.

OCDE (2003), Recommandation du Conseil sur les Lignes directrices de l’OCDE pour la gestion des conflits d’intérêts dans le service public, OCDE, Paris.

OCDE (1998), Recommandation du Conseil sur l’amélioration du comportement éthique dans le service public incluant les principes propres à favoriser la gestion de l’éthique dans le service public, OCDE, Paris.

Notes relatives aux graphiques

7.1 : On ne dispose pas de données pour le Danemark et le Luxembourg. Au Chili, les agents publics quittant la fonction publique après avoir exercé une fonction de supervision ne sont pas autorisés, pendant six mois, à s’engager dans une relation de travail avec une quelconque entité du secteur privé supervisée par l’agence qu’ils ont quittée. En Finlande, des instructions existent en ce qui concerne l’emploi d’après-mandat, même s’il n’y a pas de réglementation en la matière. En Israël, les conseillers politiques/titulaires d’une nomination politique ne reçoivent de compensation qu’à condition d’avoir été fonctionnaires. Au Royaume-Uni, les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires n’en perçoivent une que dans certains cas tout à fait exceptionnels, pendant qu’ils observent un délai de carence.

7.2 : On ne dispose pas de données pour le Danemark et le Luxembourg. Dans le cas présent, l’expression « fournisseurs publics » peut faire référence aux fournisseurs des administrations publiques comme à ceux qui négocient des marchés publics pour le compte d’une entreprise.

Informations sur les données concernant Israël : https://doi.org/10.1787/88932315602.

Tableau 7.1. Emploi d’après-mandat : rémunération pendant le délai de carence (2014)

Président

Premier Ministre

Ministre ou Membres du Cabinet

Conseillers politiques/titulaires de nominations politiques

Hauts fonctionnaires

Fonctionnaires

Allemagne

Australie

X

Autriche

Belgique

X

Canada

X

Chili

X

Corée

Espagne

X

Estonie

États-Unis

X

Finlande

France

Grèce

Hongrie

Irlande

Islande

Israël

Italie

Japon

X

Mexique

X

Norvège

X

Nouvelle Zélande

X

Pays-Bas

X

Pologne

Portugal

République slovaque

République tchèque

Royaume-Uni

X

Slovénie

Suède

X

Suisse

X

Turquie

Total OCDE

● Oui

 2

 3

 3

 2

 2

 2

❍ Non

 4

 9

11

10

17

15

❒ Pas de période de carence

15

17

18

20

13

15

Brésil

X

Colombie

X

Lettonie

Russie

Source : OCDE (2014), Survey on Managing Conflict of Interest in the Executive Branch and Whistleblower Protection, OCDE, Paris.

 https://doi.org/10.1787/888933348367

7.2. Restrictions relatives à l’emploi d’avant-mandat (2014)
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Source : OCDE, (2014), Survey on Managing Conflict of Interest in the Executive Branch and Whistleblower Protection, OCDE, Paris.

 https://doi.org/10.1787/888933347534