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Pourquoi il faut se méfier du présentéisme au travail

Le présentéisme est encore très ancré dans la culture managériale en France. Pourtant, rester au travail alors que l’on est trop fatigué ou malade pour être efficace présente de nombreuses conséquences néfastes.

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Rester au travail lorsque l'on n'est plus efficace est inutile... et dangereux pour la santé ! (Shutterstock)
Publié le 25 juil. 2018 à 08:00

Dans la famille des obstacles au bien-être au travail, j’appelle le présentéisme ! Cette mauvaise habitude, qui est devenue dramatiquement dangereuse au Japon, où une personne sur cinq risque de mourir de surmenage au travail selon un rapport remis au Premier ministre nippon en 2017, est également bien ancrée dans la culture française. Le présentéisme consiste à rester au travail alors que l’on n’est plus productif, en faisant des journées trop longues, en ne posant pas assez de congés, ou encore lorsque l’on est malade et que l’on ne se repose pas.

“Le présentéisme donne une mauvaise image de soi-même, estime David Mahé, président de Stimulus et administrateur de Consulting France. Quand on est physiquement au travail, mais psychologiquement absent, on se sent mal utilisé par son entreprise, et on perd le goût du travail bien fait.” L'insatisfaction au travail figure ainsi parmi les manifestations courantes du présentéisme, de même que la fatigue extrême.

De fait, un tel épuisement peut conduire à terme à un absentéisme accru. Selon une étude de Malakoff Médéric, parmi les arrêts de travail prescrits en 2016, un sur cinq n’a pas été suivi. La moitié des salariés ayant continué à travailler en étant malade ont invoqué le fait qu’ils n’avaient “pas l’habitude de se laisser aller”. Pourtant 39% d’entre eux disent l’avoir regretté a posteriori car cela a eu un impact négatif sur leur productivité, leur santé ou encore leur moral.

Recherche de reconnaissance

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Paradoxalement, en France, les heures supplémentaires passées au travail sont bien souvent considérées comme un signe de productivité et de motivation. “Les gens cherchent à obtenir une certaine reconnaissance à travers le présentéisme”, explique David Mahé.

Pour Gaël Chatelain, consultant, conférencier et auteur de “Mon boss est nul, mais je le soigne”, certains salariés utilisent le présentéisme pour justifier une promotion. “Le présentéisme commence souvent lorsque vous devenez cadre. Vous légitimez alors votre poste en allongeant vos journées”, observe-t-il.

Le présentéisme n’est pourtant pas un mal nécessaire, puisque les pays anglo-saxons ou les pays scandinaves s’en passent aisément. Rester tard au bureau y est même considéré comme un manque de productivité. “Aux Etats-Unis, si un collaborateur part à 19h30, tout le monde lui demande pourquoi il n’est pas plus efficace”, illustre le consultant. Et de souligner l’importance culturelle et sociale donnée au travail en France. A contrario, l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle est beaucoup plus ancré dans les habitudes des pays d’Europe du Nord. “En Suède, on travaille 8 heures, on passe 8 heures en famille, et on dort 8 heures”, résume-t-il.

Femmes pénalisées

Cette valorisation du travail par les horaires plus que par les résultats pénalise en outre les femmes, “qui assurent encore 72% des tâches domestiques”, rappelle Pauline Chabert. “Elles commencent plus tôt et partent plus tôt. Mais lorsque vous arrivez à 8h le matin, personne ne s’en rend compte, alors que vous pouvez sentir la pression de vos collègues lorsque vous quittez le bureau à 17h”, déplore-t-elle.

Pour David Mahé, sortir du présentéisme ne peut passer que par le management. “Il faut cesser de valoriser les comportements délétères !, affirme-t-il. Le présentéisme est le résultat d’un dysfonctionnement du management de l’entreprise”. Être ferme sur les horaires, ne pas organiser de réunions après 16h, ne pas envoyer de mails le soir… Voici quelques solutions pour décourager ses salariés à faire du présentéisme. Mais surtout, en tant que manager, éviter les journées à rallonge. “L’exemplarité, ce n’est pas un mode de management, c’est le seul”, tranche David Mahé.

Déborah Loye

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