CEDH, 22 février 2018, n° 588/13
Paru dans le N°100 - Mars 2018
Statut général et dialogue social
Un employé de la SNCF, M. L. a été licencié après que la saisie de son ordinateur professionnel, alors qu’il faisait l’objet d’une mesure de suspension de fonctions, a révélé le stockage de fichiers à caractère pornographique et de fausses attestations réalisées au bénéfice de tiers. Ces fichiers étaient stockés dans le disque dur de son ordinateur professionnel ainsi dénommé « D :/données personnelles ».
M. L. a contesté en vain son licenciement devant les juridictions internes.
La Cour de Cassation rejette son pourvoi au motif que les fichiers créés par lui à l’aide de l’outil informatique mis à disposition par son employeur sont présumés avoir un caractère professionnel sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels. Elle confirme l’arrêt de la cour d’appel qui a retenu que la dénomination « D :/données personnelles » du disque dur de l’ordinateur du salarié ne pouvait lui permettre d’utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l’accès à l’employeur.
M. L. saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après la CEDH) au motif notamment que l’ouverture par son employeur, en dehors de sa présence, de fichiers figurant sur le disque dur de son ordinateur professionnel a constitué une violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales relatif droit au respect de la vie privée et familiale.
La CEDH, après avoir considéré recevable le grief invoqué, conclut à la non violation de l’article 8 de la Convention.Elle constate que la consultation des fichiers de M. L. par son employeur, qualifié par la CEDH d'autorité publique, répondait à un but légitime de protection des droits de l’employeur, qui peut légitimement vouloir s’assurer que ses salariés utilisent les équipements informatiques qu’il met à leur disposition en conformité avec leurs obligations contractuelles et la réglementation applicable.
Elle observe que le droit français contient un principe visant à la protection de la vie privée suivant lequel, si l’employeur peut ouvrir les fichiers professionnels, il ne peut ouvrir les fichiers identifiés comme étant personnels sans la présence de l’employé.
Les juridictions internes ont jugé que ce principe ne faisait pas obstacle à ce que l’employeur ouvre les fichiers litigieux, ceux-ci n’ayant pas été dûment identifiés comme étant « privés ».
Certes, en faisant usage du mot « personnel » plutôt que du mot « privé », M. L. a utilisé le même terme que celui que l’on trouve dans la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, toutefois, cela ne suffit pas à mettre en cause la pertinence des motifs retenus par les juridictions internes, du fait que la charte de l’utilisateur de la SNCF indiquait spécifiquement que « les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles ».
Ainsi, les autorités internes n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont elles disposaient et il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
La requête de M. L. est rejetée.
La requête de M. L. est rejetée.