CCass, ch. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557

Paru dans le N°82 - Juillet 2016
Statut général et dialogue social

M. X. a été engagé en qualité de directeur administratif et financier par une association gérant un centre d'examen de santé, structure faisant partie du dispositif général de la santé publique en Guadeloupe. Après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d'un membre du conseil d'administration et du président de l'association, susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics, il a été licencié pour faute lourde. Il a saisi la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaire.
 
La cour d'appel juge que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié de bonne foi n'avait commis aucune faute en révélant ces faits aux autorités judiciaires. En revanche, la cour a refusé d'annuler le licenciement, considérant que la nullité ne pouvait être prononcée en l'absence de texte la prévoyant. En effet, les articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail, issus de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, n'étaient pas applicables au moment de la dénonciation des faits ayant donné lieu au licenciement.
 
La chambre sociale de la Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel : " en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites contatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité ".
 
La décision s'inscrit dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 21 octobre 2011, Heinisch c/ Allemagne, n° 28274 / 08 par exemple) qui considère que les sanctions prises à l'encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d'un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d'expression au sens de l'article 10-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle s'inscrit églement dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié.
 
Un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d'alerte a, quant à lui, été introduit dans le statut général des fonctionnaires par l'article 4 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
  

Informations légales | Données personnelles