édito
L’évolution du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
Bruno Dalles
Directeur de Tracfin

Créé le 9 mai 1990(1), Tracfin participe à la protection de l’économie nationale et à la lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. D’abord dédié à la seule lutte contre le blanchiment de capitaux en 1990, Tracfin a vu son champ de compétence s’élargir à la lutte contre le financement du terrorisme en 2001 et la détection des fraudes aux finances publiques (fraude fiscale en 2009 et fraude sociale en 2012).
L’Union Européenne a adopté quatre directives anti-blanchiment en 1991, 2001, 2005 et 2015 afin de faire évoluer le dispositif. L’adoption de la 4ème directive(2) a constitué une étape importante de l’amélioration de l’efficacité des moyens pour lutter contre le blanchiment de capitaux provenant d’activités criminelles et contre le financement d’activités terroristes. Cependant, les attentats survenus en Europe et plus particulièrement à Paris en 2015 ont mis en lumière la nécessité d’un renforcement supplémentaire du dispositif LCB/FT afin d’endiguer et d’encadrer les supports de paiement facilitant l’anonymat des transactions.
Dès lors, des négociations portant sur l’adoption d’une 5ème Directive anti-blanchiment et financement du terrorisme ont été menées à Bruxelles en 2016 et 2017.
Publiée au JOUE du 19 juin 2018, la « 5ème directive anti-blanchiment »(3) a pour objectif principal de rendre plus complet le dispositif européen de lutte contre le financement du terrorisme. Elle permet notamment d’étendre le champ d’application à de nouveaux professionnels et à de nouvelles activités et de préciser les conditions de mise en œuvre des mesures de vigilance. En outre, elles ont introduit diverses mesures susceptibles d’améliorer l’intervention des autorités compétentes. La France a, par ailleurs, largement anticipé ces évolutions et déjà renforcé son cadre normatif national.
Sous l’effet de la consolidation du cadre normatif, des contrôles effectués par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et des actions de Tracfin en direction des déclarants, les dispositifs LCB/FT des établissements financiers se renforcent. Cela se traduit par une hausse sensible de l’activité de Tracfin. Le nombre d’informations reçues par le Service a atteint 71 070 en 2017, ce flux a augmenté de 10 % en 1 an, de 57 % en 2 ans et de 160 % en 5 ans. Cette dynamique se traduit également, après enquête, par une forte augmentation des transmissions du Service à l’autorité judiciaires (+35 %) et aux autres partenaires (+43 % de notes transmises aux services de renseignement, aux autorités de contrôles, aux administrations fiscales et douanières…etc). L’activité opérationnelle du Service continue de s’enrichir et de se diversifier. Après le développement de « flash fiscaux » en 2017 afin de mieux exploiter les photographies financières de fraudes fiscales, Tracfin a renforcé la coopération avec l’administration des douanes et s’est inscrit dans la rénovation des procédures administratives de préparation des décisions de gels des avoirs.
De nombreux enjeux stratégiques subsistent pour améliorer la performance collective, promouvoir la culture du renseignement financier auprès de nos partenaires et développer les coopérations internationales, nationales et institutionnelles, bilatérales et multilatérales. La perspective de l’évaluation de la France par le GAFI sur l’ensemble du dispositif LAB/FT en 2020 définit la feuille de route prioritaire de l’action de la « start-up administrative » Tracfin pour les mois à venir.