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L’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral
CCass, ch. soc., 1er juin 2016, n° 14-19702
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M. X., agent chargé de la qualité dans une entreprise de fabrication de radiateurs, s’estimant victime de harcèlement moral a saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Il a par ailleurs fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La Cour d’appel saisie du litige, déboute le salarié de sa demande au motif que l’employeur justifiait avoir pris un certain nombre de mesures propres à faire cesser le harcèlement moral.
Cependant, la jurisprudence ( Cour de cassation, 25 novembre 2015, n° 14-24444) relative à l’obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité au travail a évolué, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité. La Cour de cassation considère désormais que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
La Cour de cassation dans l’arrêt du 1er juin 2016 étend cette solution à la situation de harcèlement moral, en ce sens que l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise. La seule circonstance qu’il a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu’il l’a fait cesser effectivement, n’est pas suffisante. Il importe également qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment qu’il ait préalablement mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
La Cour de cassation conclut à la cassation de l’arrêt de la cour d’appel. En effet, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir constaté « que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral ». L'une des conditions à l’exonération, à savoir les mesures de prévention, n’était en effet pas remplie dans cette affaire.
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Le fonctionnaire qui, bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice d'une activité syndicale, est affecté, en cours de décharge, sur un nouvel emploi, a droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire attachée à ce nouvel emploi
CE, 27 juin 2016, n° 391825
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M. B., alors brigadier major de police et en décharge de service à temps complet pour exercer une activité syndicale depuis le 1er janvier 1994, a été nommé à compter du 1er juillet 2007, par un arrêté du 28 août 2007, sur un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police, emploi qui ouvre droit à la nouvelle bonification indiciaire (NBI).
Le préfet de police et le ministre de l'intérieur ont refusé de lui attribuer la NBI attachée aux emplois fonctionnels de responsable d'unité locale de la police nationale à compter du 1er juillet 2007.
M. B. a saisi sans succès le tribunal administratif de Paris. La cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement de première instance ainsi que les décisions attaquées et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au versement de la NBI à l'intéressé pour la période concernée, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation.
Il considère que : « le fonctionnaire de l'État qui bénéficie d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical a droit, durant l'exercice de ce mandat, que lui soit maintenu le bénéfice de l'équivalent des montants et droits de l'ensemble des primes et indemnités légalement attachées à l'emploi qu'il occupe à la date à laquelle il est déchargé de l'exercice des fonctions correspondantes pour exercer son mandat, à l'exception des indemnités représentatives de frais et des indemnités destinées à compenser des charges et contraintes particulières, tenant notamment à l'horaire, à la durée du travail ou au lieu d'exercice des fonctions auxquelles le fonctionnaire n'est plus exposé du fait de la décharge de service ».
Il en résulte que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que l'intéressé avait droit au bénéfice de l'équivalent du montant de cette bonification. Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
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Juge judiciaire et protection des lanceurs d'alerte
CCass, ch. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557
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M. X. a été engagé en qualité de directeur administratif et financier par une association gérant un centre d'examen de santé, structure faisant partie du dispositif général de la santé publique en Guadeloupe. Après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d'un membre du conseil d'administration et du président de l'association, susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics, il a été licencié pour faute lourde. Il a saisi la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaire.
La cour d'appel juge que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié de bonne foi n'avait commis aucune faute en révélant ces faits aux autorités judiciaires. En revanche, la cour a refusé d'annuler le licenciement, considérant que la nullité ne pouvait être prononcée en l'absence de texte la prévoyant. En effet, les articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail, issus de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, n'étaient pas applicables au moment de la dénonciation des faits ayant donné lieu au licenciement.
La chambre sociale de la Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel : " en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites contatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité ".
La décision s'inscrit dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 21 octobre 2011, Heinisch c/ Allemagne, n° 28274 / 08 par exemple) qui considère que les sanctions prises à l'encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d'un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation à leur droit d'expression au sens de l'article 10-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle s'inscrit églement dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié.
Un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d'alerte a, quant à lui, été introduit dans le statut général des fonctionnaires par l'article 4 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
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La Semaine juridique, n° 24 - 20 juin 2016
" La nouvelle déontologie de la fonction publique : du décalogue ou catalogue ", par Didier Jean-Pierre, pp. 16 à 19
" La loi du 20 avril 2016, une évolution pour la commission de déontologie, mais pas une révolution ", par Béatrice Thomas-Thual, pp. 20 à 23
" Clarification et renforcement de la protection fonctionnelle des agents publics ", par Isabelle Béguin, pp. 24 à 27
" La déontologie dans les juridictions administratives ", par Lucienne Erstein, pp. 28 à 30
" Le dialogue social dans la fonction publique ", par Nicolas Sautereau, pp. 31 à 35
" Les droits disciplinaires des fonctions publiques, ''unification'', ''harmonisation'' ou ''distanciation'' ?", par Antony Taillefait, pp. 36 à 40
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AJCT, n° 6 - juin 2016 " La fonction de déontologue, mode d'emploi à l'usage des collectivités territoriales ", par Pierre Villeneuve, pp. 307 à 310
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AJDA, n° 21/2016 - 13 juin 2016 " Le juge des référés protecteur de la liberté syndicale ", par Pierre Esplugas-Labatut, pp. 1194 à 1197
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Un 21ème critère de discrimination prohibé par la loi
La loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale modifie l'article 225-1 du code pénal, l'article L. 1132-1 du code du travail et la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations en y inscrivant ce nouveau critère de discrimination de précarité sociale.
Est créé un 21ème critère de discrimination prohibé par la loi : la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur.
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