Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 29/03/2017, 393150

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Bagneux à lui verser une indemnité de 191 050 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, au titre des préjudices subis en raison de son licenciement irrégulier. Par un jugement n° 1110669 du 5 novembre 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Bagneux à lui verser la somme de 4 952,46 euros. Par un arrêt n° 14VE00156 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement et, sur appel incident de la commune de Bagneux, a annulé l'article 1er du jugement et rejeté la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 septembre et 2 décembre 2015 et le 20 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et à l'ensemble de ses conclusions indemnitaires ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bagneux une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...et à la SCP Marlange de la Burgade, avocat de la commune de Bagneux ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l'une des réserves mentionnées à l'article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi ". Aux termes des troisième à sixième alinéas de ce même article : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ".

2. Il résulte de ces dispositions que les collectivités et les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, en application du premier alinéa de l'article 3 de la même loi, recruter pour une durée maximale d'un an un agent non titulaire pour faire face temporairement à la vacance d'un emploi de titulaire qui ne peut être immédiatement pourvu par un fonctionnaire. Lorsqu'ils n'ont pas été en mesure de recruter un fonctionnaire à l'issue de ce délai d'un an, ils ne peuvent renouveler le contrat de l'agent pour le même motif. S'agissant des emplois du niveau de la catégorie A, le contrat peut, en revanche, être renouvelé sur le fondement du cinquième alinéa du même article jusqu'à ce qu'un fonctionnaire ait pu être recruté.

3. Par ailleurs, aux termes du II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : / 1° Etre âgé d'au moins cinquante ans ; / 2° Etre en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; / 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; / 4° Occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de la même loi ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été engagé par la commune de Bagneux, à compter du 1er avril 1995, par deux contrats successifs d'une durée de trois ans chacun en qualité de médecin du travail. A compter du 1er juin 2001, il a été recruté, sur le fondement du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, pour une durée d'un an afin d'occuper, en qualité d'agent non titulaire, un emploi de médecin territorial de 2ème classe relevant du niveau de la catégorie A, qui avait été créé par une délibération du 6 mars 2001 et qui était demeuré vacant en l'absence de recrutement d'un fonctionnaire. Cet engagement a été ensuite reconduit jusqu'en 2011 pour des durées maximales d'un an et pour le même motif. Dès lors, en jugeant que, alors même qu'il occupait un emploi relevant du niveau de la catégorie A, M. B... ne pouvait prétendre avoir été employé sur le fondement des dispositions du cinquième alinéa du même article 3, pour en déduire qu'il ne remplissait pas la condition posée par le 4° du II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, la cour, à qui, eu égard à ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, il appartenait de regarder les contrats dont l'intéressé avait bénéficié à partir de 2002 comme des contrats conclus sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, a commis une erreur de droit. Par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme globale de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 2 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune de Bagneux versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Bagneux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... et à la commune de Bagneux.


ECLI:FR:CECHR:2017:393150.20170329
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