CAA de NANTES, 4ème chambre, 16/11/2017, 16NT02888, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 10 juin 2014 par laquelle le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a déterminé le montant de l'indemnité de licenciement à lui verser à la suite de son licenciement pour inaptitude physique, ensemble la décision du 29 août 2014 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui verser un complément d'indemnité de 9 063,46 euros.
Par un jugement n° 1404123 du 21 juin 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 août 2016 et 26 juin 2017, Mme C...B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler la décision du 10 juin 2014 par laquelle le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a déterminé le montant de l'indemnité de licenciement à lui verser à la suite de son licenciement pour inaptitude physique ;

3°) d'annuler la décision du 29 août 2014 par laquelle le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a rejeté son recours gracieux formé le 7 août 2014 ;

4°) d'assortir toute condamnation à payer de l'agence de l'eau Loire-Bretagne des intérêts au taux légal ;

5°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau Loire-Bretagne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le montant de son indemnité de licenciement aurait dû, en application de l'article 53 du décret du 17 janvier 1986, être assis sur le traitement qui lui a été versé en février 2014 alors qu'elle était positionnée à l'échelon 12 de son grade, et non sur celui de février 2012 alors qu'elle n'était positionnée qu'à l'échelon 11 ; le tribunal a été trompé par une erreur sur le bulletin de salaire identifiant un versement de l'assurance maladie effectué au titre d'un temps partiel thérapeutique et non d'un congé de maladie ; elle était en effet en temps partiel thérapeutique à compter de juin 2013 ; or un salarié en temps partiel thérapeutique est en situation de travail et non en arrêt maladie ; en janvier 2014, elle était employée à temps partiel au titre de son temps partiel thérapeutique, et non en congé de maladie ;

- l'administration aurait dû inclure dans l'assiette servant à déterminer le montant de son indemnité de licenciement la prime de fonction et de résultats, laquelle ne saurait constituer une indemnité accessoire et être exclue de ce montant par application de l'article 53 du décret du 17 janvier 1986 ; l'arrêté du 11 mai 2007 relatif au régime indemnitaire des agents non titulaires des agences de l'eau prévoit que la prime de fonction et de résultats est identique pour toutes les catégories d'agents ; elle n'est donc pas inhérente au poste occupé et fait bien partie de la rémunération principale au même titre que le traitement brut.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2017, l'agence de l'eau Loire-Bretagne, représentée par MeD..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par une ordonnance du 26 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2017 à 12h00.

Un mémoire, présenté par MmeB..., a été enregistré le 29 août 2017, soit après la clôture de l'instruction, et n'a pas été pris en compte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n°2007-834 du 11 mai 2007 relatif au régime indemnitaire des agents non titulaires des agences de l'eau ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que MmeB..., agent non titulaire de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, où elle travaillait sous contrat à durée indéterminée depuis le 1er juin 1992, a été licenciée pour inaptitude physique par une décision du 4 juin 2014 ; que, par décision du 10 juin 2014, le directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne lui a attribué une indemnité de licenciement qu'il a fixée au montant de 27 591,67 euros ; que par lettre du 7 août 2014, Mme B...a contesté le montant de ladite indemnité en tant qu'elle est assise sur le montant du traitement perçu en février 2012 et qu'elle n'a pas intégré dans la base de calcul la prime de fonction et de résultats qu'elle percevait et a réclamé le versement d'une somme complémentaire de 9 063,46 euros ; que Mme B...relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 juin 2014, ensemble la décision du 29 août 2014 rejetant son recours gracieux, d'autre part à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui verser un complément d'indemnité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 17 janvier 1986, dans sa version applicable à la date des décisions contestées : " La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents non titulaires visés à l'article 1er du présent décret. / Les agents non titulaires : 1° Sont, dans tous les cas, affiliés aux caisses primaires d'assurance maladie pour bénéficier des assurances maladie, maternité, invalidité et décès et de la couverture du congé de paternité (...) 3° Sont, dans tous les cas, affiliés aux caisses primaires d'assurance maladie pour bénéficier des dispositions relatives au temps partiel pour motif thérapeutique instaurées par le régime général de la sécurité sociale (...). Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, maternité, paternité, adoption, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les pensions de vieillesse allouées en cas d'inaptitude au travail sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. (...) Lorsqu'en application de l'article R. 321-2 du code de la sécurité sociale les prestations en espèces servies par le régime général sont diminuées, le traitement prévu aux articles 12 et 13 est réduit à due concurrence de la diminution pratiquée " et qu'aux termes de l'article 12 dudit décret : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : (...) Après trois ans de services : - trois mois à plein traitement ; - trois mois à demi-traitement " ; que l'article 53 dudit décret dispose par ailleurs que : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet, telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent. Lorsque le dernier traitement de l'agent est réduit de moitié en raison d'un congé de maladie ou de grave maladie, le traitement servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est sa dernière rémunération à plein traitement. Il en est de même lorsque le licenciement intervient après un congé non rémunéré " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 323-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur à la date des décisions contestées, applicable aux agents contractuels de l'Etat : " En cas de reprise du travail à temps partiel pour motif thérapeutique faisant immédiatement suite à un arrêt de travail indemnisé à temps complet, une indemnité journalière est servie en tout ou partie, dans la limite prévue à l'avant-dernier alinéa du présent article, pendant une durée fixée par la caisse mais ne pouvant excéder une durée déterminée par décret : 1°) soit si la reprise du travail et si le travail effectué sont reconnus comme étant de nature à favoriser l'amélioration de l'état de santé de l'assuré ; 2°) soit si l'assuré doit faire l'objet d'une rééducation ou d'une réadaptation professionnelle pour recouvrer un emploi compatible avec son état de santé. Sauf cas exceptionnel que la caisse appréciera, le montant de l'indemnité servie ne peut porter le gain total de l'assuré à un chiffre excédant le salaire normal des travailleurs de la même catégorie professionnelle (...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que la base de calcul de l'indemnité de licenciement qui lui a été octroyée par l'administration n'a pas respecté lesdites dispositions en ce que, dès lors qu'elle était employée à temps partiel à compter du mois de juin 2013, le calcul de ladite indemnité aurait dû être assis sur le montant de la dernière rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait été employée à temps complet, soit en février 2014, alors qu'elle avait à cette date atteint l'échelon 12 de son grade, et non sur celui qu'elle percevait en février 2012 alors qu'elle était rémunérée à plein traitement, mais sur la base de l'échelon 11 ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir bénéficié d'un congé de longue maladie à plein traitement du 17 mars 2011 au 16 mars 2012, Mme B...a été placée en congé de longue maladie du 17 mars 2012 au 16 juin 2013, en temps partiel thérapeutique du 17 juin 2013 au 27 janvier 2014, puis à nouveau en congé de longue maladie jusqu'à son licenciement prononcé par une décision du 4 juin 2014 avec effet le 24 juillet suivant, et n'a, durant ces périodes successives, perçu qu'un demi-traitement ; que s'il est constant qu'elle a bénéficié, durant la durée de son temps partiel thérapeutique, de l'équivalent d'une rémunération complète, celle-ci n'a été obtenue que par l'adjonction, à sa rémunération correspondant à sa quotité de travail à temps partiel, d'indemnités journalières qui lui ont été versées par la caisse primaire d'assurance maladie en application des dispositions susmentionnées du deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 ; que ces indemnités journalières ne sauraient être regardées comme constitutives de la rémunération, au sens des dispositions précitées au point 2 de l'article 53 du décret du 17 janvier 1986, servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement ; que par conséquent, c'est à juste titre que l'agence de l'eau Loire-Bretagne a calculé l'indemnité de licenciement due à Mme B...sur une base assise sur la dernière rémunération à plein traitement qu'elle a perçue au mois de février 2012 ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 11 mai 2007 susvisé relatif au régime indemnitaire des agents non titulaires des agences de l'eau : " Le régime indemnitaire de ces personnels est commun à l'ensemble des agences de l'eau. Il est composé de deux primes : une prime de fonction et de résultats et une prime de performance collective " ; que son article 3 prévoit que " La prime de fonction et de résultats attribuée à chaque agent est composée de trois niveaux : - un niveau de base d'un montant individuel non modulable ; - une part fonctionnelle rattachée à chaque catégorie, modulable en fonction du rattachement de son emploi à un emploi type déterminé, tel que le prévoit l'article 4 du décret n° 2007-832 du 11 mai 2007 susvisé ; - une part modulable selon les résultats de l'agent " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour fixer le montant de la prime de fonctions et de résultats, l'administration détermine, d'une part, le montant de la part fonctionnelle en tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et de sujétions spéciales liées aux fonctions exercées par l'agent, d'autre part, le montant de la part liée aux résultats de la procédure d'évaluation individuelle et à la manière de servir en tenant compte de ces éléments d'appréciation ;

7. Considérant que Mme B...soutient que l'agence de l'eau Loire-Bretagne devait prendre en compte la prime de fonction et de résultats dans l'assiette servant à déterminer le montant de l'indemnité de licenciement qui lui était due ;

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, eu égard à sa nature, son objet et aux conditions dans lesquelles elle est versée, la prime de fonction et de résultats perçue par Mme B...lorsqu'elle était en activité ne constituait pas une indemnité pour travaux supplémentaires ou une indemnité accessoire au sens des dispositions de l'article 53 du décret susvisé du 17 janvier 1986, citées au point 2, mais un élément de rémunération attaché à l'exercice normal des fonctions et, à ce titre, devait entrer dans la base de calcul de son indemnité de licenciement ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de la décision de l'agence de l'eau Loire-Bretagne du 10 juin 2014, ensemble la décision du 29 août 2014 rejetant son recours gracieux, en tant que celles-ci refusent d'inclure la prime de fonction et de résultats dans l'assiette servant à déterminer le montant de l'indemnité de licenciement qui lui était due ;

Sur la demande d'injonction :

10. Considérant qu'en demandant que la somme à payer par l'agence de l'eau Loire-Bretagne soit assortie des intérêts légaux, la requérante doit être regardée comme demandant qu'il soit enjoint à son ancien employeur de lui verser un complément d'indemnité au titre de son indemnité de licenciement, assortie des intérêts au taux légal ;

11. Considérant que l'annulation des décisions contestées implique qu'il soit procédé à la liquidation, y compris les intérêts, de l'indemnité de licenciement à laquelle a droit MmeB..., en prenant en compte dans la rémunération servant de base de calcul de cette indemnité la prime de fonction et de résultats que percevait l'intéressée lorsqu'elle exerçait ses fonctions, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'agence de l'eau Loire-Bretagne la somme de 1 500 euros demandée par MmeB..., qui ne justifie pas des frais qu'elle aurait exposés ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme que l'agence de l'eau Loire-Bretagne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 juin 2016 est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme B...tendant à l'annulation de la décision de l'agence de l'eau Loire-Bretagne du 10 juin 2014, ensemble celle du 29 août 2014 rejetant son recours gracieux, en tant qu'elles refusent d'inclure la prime de fonction et de résultats dans l'assiette servant à déterminer le montant de l'indemnité de licenciement qui lui était due.

Article 2 : La décision de l'agence de l'eau Loire-Bretagne du 10 juin 2014, ensemble celle du 29 août 2014 prise sur recours gracieux, sont annulées en tant qu'elles refusent d'inclure la prime de fonction et de résultats dans l'assiette servant à déterminer le montant de l'indemnité de licenciement qui était due à MmeB....

Article 3 : Il est enjoint à l'agence de l'eau Loire-Bretagne de procéder à la liquidation, y compris les intérêts, de l'indemnité de licenciement à laquelle a droit MmeB..., en prenant en compte dans la rémunération servant de base de calcul de cette indemnité, la prime de fonction et de résultats que percevait Mme B...lorsqu'elle exerçait ses fonctions, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A... La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02888



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