Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/12/2017, 393466

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Sous le n° 1200999, Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du conseil d'administration du centre communal d'action sociale (CCAS) d'Aimargues (Gard) du 30 janvier 2012, par laquelle celui-ci a décidé que lui serait demandé le remboursement des sommes versées au titre d'une indemnité de fonction, pour un montant total de 34 997,07 euros sur la période couvrant les années 2002 à 2008. Par un jugement n° 1200999, 1201008 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Sous le n° 1202108, Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre exécutoire émis par le président du CCAS d'Aimargues à son encontre le 11 avril 2012 pour le remboursement de la somme de 34 997,07 euros. Par jugement n° 1202108 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13MA04934, 13MA04935 du 10 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de MmeA..., annulé les jugements du tribunal administratif de Nîmes du 7 novembre 2013 ainsi que la délibération du 30 janvier 2012 du CCAS d'Aimargues et le titre exécutoire du 11 avril 2012.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 septembre 2015, 10 décembre 2015 et 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CCAS d'Aimargues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du centre communal d'action sociale d'Aimargues et à la SCP Richard, avocat de Mme A...;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 9 août 1995, le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Aimargues (Gard) a décidé l'attribution au vice-président du centre d'une indemnité de fonction annuelle. Le 1er janvier 2002, Mme A...a été désignée vice-présidente du CCAS, fonctions qu'elle a exercées jusqu'au 21 mai 2008. Elle a perçu l'indemnité de fonction annuelle tout au long de cette période. Estimant toutefois qu'il n'était pas légalement habilité à verser une telle indemnité, le conseil d'administration du CCAS d'Aimargues a, par une délibération du 30 janvier 2012, demandé au conseil municipal d'Aimargues d'ordonner le remboursement par Mme A...des indemnités de fonction qu'elle avait perçues. A la suite d'une délibération du conseil communal d'Aimargues, le président du CCAS d'Aimargues a, le 11 avril 2012, émis le titre de perception correspondant. Par deux jugements du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes d'annulation introduites par Mme A...contre la délibération du conseil d'administration du CCAS d'Aimargues du 30 janvier 2012 et contre le titre exécutoire du 11 avril 2012. Par un arrêt du 10 juillet 2015, contre lequel le CCAS d'Aimargues se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, sur appel de MmeA..., les jugements du tribunal administratif ainsi que la délibération du CCAS d'Aimargues du 30 janvier 2012 et le titre exécutoire du 11 avril 2012.

2. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l'avantage en cause ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l'administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du conseil d'administration du CCAS d'Aimargues du 9 août 1995, une indemnité de fonction a été allouée au vice-président de ce centre communal, de sorte que Mme A...était en droit d'en bénéficier quand elle a été désignée à ce poste sans qu'aucune autre décision formelle lui octroyant cette indemnité ne soit nécessaire. L'indemnité de fonction a été versée chaque mois à Mme A...au cours des années 2002 à 2008 où elle a occupé ce poste de vice-président. Dans ces circonstances, le versement de cette indemnité à Mme A...ne saurait résulter d'une simple erreur de liquidation ou de paiement de la part de l'administration. En conséquence, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ou d'erreur de droit en jugeant, de manière suffisamment motivée, que la décision d'attribution de l'indemnité figurant dans la délibération du 9 août 1995 avait créé des droits pour Mme A...dès la date de sa désignation, alors même qu'elle était illégale depuis l'origine.

4. Le CCAS d'Aimargues soutient que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en estimant que la délibération de son conseil d'administration du 30 janvier 2012 avait procédé au retrait de la délibération du 9 août 1995, aurait commis une erreur de droit dès lors que, cette délibération revêtant un caractère réglementaire, il pouvait se prévaloir de son illégalité à tout moment pour constater l'absence de base légale des versements mensuels de l'indemnité de fonction à Mme A..., se serait méprise sur les termes du litige, aurait dénaturé les pièces du dossier et méconnu les règles relatives à la charge de la preuve en se fondant sur le caractère définitif de la délibération pour en déduire qu'il n'était pas en droit de la retirer. Toutefois, dès lors que la cour s'était prononcée sur le caractère créateur de droits de la décision d'attribution de l'indemnité, les autres motifs figurant dans son arrêt sont surabondants, ce qui rend inopérants les moyens du pourvoi dirigés contre ces derniers. Par suite, ils doivent être écartés.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CCAS d'Aimargues le versement d'une somme de 3 500 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du centre communal d'action sociale d'Aimargues est rejeté.
Article 2 : Le centre communal d'action social d'Aimargues versera à Mme A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre communal d'action sociale d'Aimargues et à Mme B...A....

ECLI:FR:CECHR:2017:393466.20171213
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