Avis n° 405797 du 31 mars 2017

Version initiale


  • Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 7e et 2e chambres réunies),
    Sur le rapport de la 7e chambre de la section du contentieux,
    Vu la procédure suivante :
    Par un jugement nos 1518724, 1521321 du 8 décembre 2016, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur les demandes de Mme C… A…et de Mme B… D… tendant à l'annulation des décisions du ministre de la défense des 6 mai et 15 avril 2015 par lesquelles il a respectivement mis à leur charge les sommes de 4 037,26 euros et 11 759,82 euros au titre de trop-versés de rémunération, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre les dossiers de ces demandes au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
    1°Faut-il se référer, pour l'interruption et la suspension du délai de prescription biennale institué par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 et compte tenu de l'abrogation par la loi du 17 juin 2008 des dispositions de l'article 2227 du code civil prévoyant que l'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, aux règles du code civil ou appliquer un régime différent ?
    2°Le courrier par lequel l'administration notifie à un agent public son intention de répéter une somme versée indûment en matière de rémunération a-t-il une incidence sur ce délai ?
    3°Dans l'hypothèse où un titre exécutoire est émis, le délai de prescription est-il interrompu par l'émission du titre ou par sa notification ?
    4°Les sommes versées à titre d'avance de rémunération et les cotisations sociales sont-elles, comme le fait valoir le ministre de la défense, exclues du délai spécial de prescription biennale ?
    Des observations, enregistrées les 1er février et 21 mars 2017, ont été présentées par le ministre de la défense.
    Des observations, enregistrées le 3 février 2017, ont été présentées par le ministre de la fonction publique.
    Des observations, enregistrées le 22 mars 2017, ont été présentées par Mme A...
    Vu les autres pièces des dossiers ;
    Vu :


    - le code civil ;
    - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 37-1 ;
    - la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
    - le code de justice administrative ;


    Après avoir entendu en séance publique :


    - le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,
    - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.


    Rend l'avis suivant :
    1. L'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, dispose que : « Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ».
    2. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.
    3. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.
    4. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.
    5. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.
    6. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Paris, à Mme C… A…, à Mme B… D…, au ministre de la défense et au ministre de la fonction publique.
    Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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