Conseil d'État, 3ème chambre, 15/09/2017, 411637

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B...Toumiaa demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 21 mai 2013 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa candidature au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), section anglais, session 2013, ainsi que de la décision du 28 août 2013 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours gracieux contre la décision du 21 mai 2013. Par un jugement 6 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 16LY03086 du 8 mars 2017, enregistrée le 20 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon, avant qu'il soit statué sur l'appel formé par Mme Toumiacontre ce jugement, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article 4 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son préambule et l'article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;





1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En vue de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique, l'article 1er de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a prévu, à titre dérogatoire, un mode de recrutement réservé à certains agents contractuel de droit public. Le bénéfice de ce recrutement a été notamment subordonné, aux termes du I de l'article 4 de cette loi dans la rédaction à laquelle s'applique la présente question prioritaire de constitutionnalité : " à une durée de services publics effectifs au moins égale à quatre années en équivalent temps plein : / 1° Soit au cours des six années précédant le 31 mars 2011 ; / 2° Soit à la date de clôture des inscriptions au recrutement auquel ils postulent. Dans ce cas, au moins deux des quatre années de services exigées, en équivalent temps plein, doivent avoir été accomplies au cours des quatre années précédant le 31 mars 2011. / Les quatre années de services publics doivent avoir été accomplies auprès du département ministériel, de l'autorité publique ou de l'établissement public qui emploie l'intéressé au 31 mars 2011 ou, dans le cas prévu au second alinéa du III de l'article 2 de la présente loi, qui l'a employé entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2011 ".

3. Mme Toumiasoutient que les dispositions précitées du quatrième alinéa du I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 méconnaissent le principe d'égal accès à l'emploi public garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles créent une discrimination injustifiée au regard des objectifs de cette loi, entre les agents contractuels de l'État selon qu'ils ont effectué l'ensemble de leurs services antérieurs au sein d'établissements d'enseignement publics ou, en partie, au sein d'établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, notamment en étant employés en tant que maîtres délégués.

4. Aux termes de l'article R. 914-45 du code de l'éducation : " Il est pourvu aux services vacants des classes sous contrat d'association, dans les conditions définies aux articles R. 914-75 à R. 914-77, par la nomination de maîtres titulaires, de maîtres contractuels ou, pour suivre l'année de stage, de lauréats de concours externe ou interne de l'enseignement privé ou bénéficiaires d'une mesure de résorption de l'emploi précaire ou, à défaut, de délégués nommés par le recteur. /(...) ". Aux termes de l'article R. 914-58 du même code : " Les maîtres délégués exerçant dans les établissements d'enseignement privés sous contrat d'association sont soumis, pour la détermination de leurs conditions d'exercice et de cessation de fonctions, aux règles applicables aux agents contractuels enseignants de l'enseignement public des premier et second degrés. Ils bénéficient, dans les mêmes conditions que ces derniers, du régime de travail à temps partiel, du régime des congés de toute nature ainsi que d'autorisations d'absence. /(...) "

5. Les enseignants employés comme maîtres auxiliaires ou maîtres délégués sont affectés indifféremment, comme l'a été MmeD..., par les recteurs d'académie dans des établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat d'association en fonction des besoins. Ces enseignants sont, lorsqu'ils exercent leurs fonctions dans un établissement d'enseignement privé, rémunérés directement par l'Etat. Ils occupent des emplois retracés au budget du département ministériel charge de l'éduction. Aussi doivent-ils être regardés comme ayant pour employeur l'Etat et comme servant au sein du département ministériel de l'éducation au sens des dispositions citées au point 2. Dès lors, les services d'enseignement qu'ils ont accomplis auprès d'établissements d'enseignement privés sous contrat d'association ne peuvent être exclus des services pris en compte pour l'appréciation de la condition d'ancienneté posée au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 pour l'accès aux concours réservés, laquelle n'est ainsi pas susceptible de créer une discrimination injustifiée entre les agents contractuels de l'État selon qu'ils ont effectué l'ensemble de leurs services antérieurs au sein d'établissements d'enseignement publics ou en partie au sein d'établissements d'enseignement privés sous contrat.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par Mme Toumia, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.





D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeD....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...épouse Toumiaet au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Lyon.
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ECLI:FR:CECHS:2017:411637.20170915
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