Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/05/2017, 397333

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 25 février 2013 par laquelle le directeur général de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande de liquidation anticipée de sa pension de retraite à compter du 1er mars 2013 et d'enjoindre à la CNRACL de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1301055 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY01004 du 10 février 2016, enregistrée le 25 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi et le mémoire, enregistrés les 4 avril et 8 août 2014 au greffe de cette cour, présentés par MmeB....

Par ce pourvoi, ce mémoire et un nouveau mémoire, enregistré le 25 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le décret n° 60-1047 du 24 septembre 1960 ;
- le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
- le décret n° 70-1186 du 17 décembre 1970 ;
- le décret n° 88-1080 du 30 novembre 1988 ;
- le décret n° 89-241 du 18 avril 1989 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;
- l'arrêté interministériel du 12 novembre 1969 portant classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B...et de la Fédération CGT Santé - Action sociale et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 avril 2017, présentée par Mme B...et la Fédération CGT Santé - Action sociale.



Sur l'intervention de la Fédération CGT Santé - Action sociale :

1. Considérant que la Fédération CGT Santé - Action sociale justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur le pourvoi de Mme B...:

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a été affectée en qualité d'auxiliaire de puériculture du 1er octobre 1977 au 1er avril 1979 au service des maladies infectieuses du centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, puis à la crèche du personnel de cet hôpital du 2 avril 1979 jusqu'à sa demande de liquidation anticipée de pension de retraite au 1er mars 2013 ; que, par une décision du 25 février 2013, le directeur général de la CNRACL a rejeté cette demande ; que les conclusions de Mme B...tendant à l'annulation de cette décision ont été rejetées par un jugement du 23 janvier 2014 du tribunal administratif de Dijon, au motif qu'elle n'avait pas accompli, au 1er mars 2013, quinze ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 22 et 36 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, du deuxième alinéa de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 2 du décret du 30 décembre 2011 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat, qu'un fonctionnaire civil né en 1957, ayant atteint l'âge de cinquante-cinq ans et neuf mois, pouvait être radié des cadres, en 2013, s'il avait accompli au moins quinze années de services dans des emplois classés dans la catégorie active ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article L. 24 : " Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat " ; que le décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, puis le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ont renvoyé à un arrêté interministériel le soin de déterminer les emplois classés dans la catégorie active ; que, selon l'article 1er de l'arrêté du 12 novembre 1969 pris en application de ces dispositions : " La liste des emplois de la catégorie B établie par les tableaux I et II annexés au présent arrêté se substitue à celle fixée par les tableaux annexés à l'arrêté du 5 novembre 1953 (...) :/ Tableau I (...) / II-3 - Services de santé et établissements publics d'hospitalisation et de cure : surveillants et surveillantes des services médicaux (...), infirmiers et infirmières spécialisés dont l'emploi comporte un contact direct et permanent avec les malades (...), aides soignants et aides soignantes, servants et servantes dont l'emploi comporte un contact direct et permanent avec les malades (...) " ; que le corps des aides-soignants comprend, depuis l'entrée en vigueur du décret du 30 novembre 1988 portant dispositions statutaires relatives aux aides-soignants de la fonction publique hospitalière, les auxiliaires de puériculture ;

4. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que, pour estimer que le directeur général de la CNRACL avait rejeté à bon droit la demande de MmeB..., le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur la circonstance que l'emploi que celle-ci avait occupé à la crèche du CHU de Dijon ne présentait ni risque particulier ni fatigues exceptionnelles, au sens de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et, par voie de conséquence, ne relevait pas de la catégorie active ; qu'il résulte, toutefois, des dispositions de l'arrêté du 12 novembre 1969 que le pouvoir réglementaire a entendu faire bénéficier certains des emplois qu'il mentionne, compte tenu des contraintes et des sujétions auxquelles ils sont soumis, du classement en catégorie active, sans que les intéressés aient à établir que l'occupation de ces emplois les y avait effectivement exposés ; que tel est le cas, notamment, de l'emploi d'aide-soignant ; qu'ainsi, en admettant, sur le fondement de l'arrêté du 12 novembre 1969, qu'il était loisible à l'autorité compétente de rechercher si les services effectivement accomplis dans un tel emploi présentaient un risque particulier ou une fatigue exceptionnelle, et, dans la négative, de refuser leur classement en catégorie active, le tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par MmeB..., celle-ci est fondée à en demander l'annulation ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'à la date à laquelle est intervenu l'arrêté du 12 novembre 1969, qui mentionne l'emploi d'aide-soignant, celui-ci était régi par le décret du 24 septembre 1960 relatif au recrutement et à l'avancement du personnel secondaire de services médicaux des établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics, dont l'article 2 dispose que : " (...) Les aides soignants assurent le service des hospitalisés et participent aux soins qui sont dispensés à ces derniers (...) " ; que ce n'est qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret du 30 novembre 1988, mentionné au point 3, que les textes statutaires successifs ont prévu que le corps des aides-soignants incluait les auxiliaires de puériculture ; que ces textes ont tous posé le principe selon lequel les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture participent aux soins des malades ; que, dans le dernier état du droit, l'article 4 du décret du 3 août 2007 dispose que les auxiliaires de puériculture collaborent aux soins infirmiers dans les conditions définies à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique ; qu'aux termes de cet article R. 4311-4 : " Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico psychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les auxiliaires de puériculture ne peuvent bénéficier du classement en catégorie active, prévu en principe au bénéfice des membres du corps des aides-soignants par l'arrêté du 12 novembre 1969, que lorsque la nature des postes sur lesquels ils sont affectés les conduisent nécessairement à collaborer aux soins infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-4 du code de la santé publique, conformément aux exigences du statut de ce corps ; que, par suite, MmeB..., dont il est constant qu'elle a exercé ses fonctions, à partir de 1979, à la crèche du personnel du CHU, affectation qui n'implique pas de collaboration aux soins infirmiers, n'est pas fondée à soutenir que le directeur général de la CNRACL aurait commis une erreur de droit en rejetant sa demande de liquidation anticipée de pension de retraite au 1er mars 2013 ; que la circonstance que des personnes placées dans la même situation que Mme B...auraient bénéficié d'un classement de leur emploi en catégorie active est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'enfin, Mme B...ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe de confiance légitime, qui n'est invocable que lorsque la situation juridique en cause est régie par le droit de l'Union européenne ; que la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Dijon doit ainsi être rejetée ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la CNRACL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que les conclusions présentées au même titre par la Fédération CGT Santé - Action sociale, intervenant en demande, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ;





D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération CGT Santé - Action sociale est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 23 janvier 2014 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de Mme B...et de la Fédération CGT Santé - Action sociale présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à la Caisse des dépôts et consignations et à la Fédération CGT Santé - Action sociale.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.

ECLI:FR:CECHR:2017:397333.20170517
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